Résumé: Cette copie dun élève de terminale L a obtenu la note de 14/20. Vous trouverez dans les notes un commentaire suivi de cette copie ainsi que quelques conseils supplémentaires en fin de document. (les notes sont signalées dans le texte par un chiffre, cliquez simplement dessus pour consulter la note. Pour revenir au texte, il suffira de cliquer sur le lien retour au texte de la note |
Introduction
La société est un bien vilain mot, ou plutôt une bien dure réalité pour lindividu ; elle est en effet souvent perçue comme une aliénation, une atteinte à la liberté, et même une corruption. On oppose ainsi létat social à létat de nature, qui serait, lui, le règne de la liberté et du bonheur. La société, cest un obstacle à la nature (humaine). Cette identification de la société à un démon corrupteur, semble bien faire abstraction de notre nature humaine. En effet, " lhomme nest ni ange ni bête ", disait Pascal. Létat de nature serait par conséquent un mythe créé de toutes pièces justement pour nous montrer que la société contribue à faire de lhomme un homme ! Cest ce qua compris Rousseau, puisquil nous montre, après avoir fait les louanges du " bon sauvage ", que le contrat social est un bienfait quil nous faut bénir. Ainsi1, la société est partout (nous naissons au sein dune communauté, et, de plus, la société est un phénomène universel), et cest elle qui nous détermine. On peut dire que de létat de nature, lhomme passe naturellement à la société2. Mais à quelle Cité ? Celle des esclaves ou celle des hommes libres ?3 Lourd problème, qui nous fait soulever celui de la nature et de lhumanité de lhomme. Que permet la société en ce domaine ? " Faut-il dire qu(elle) dénature ou (quelle) humanise lhomme " 4?
Pour un commentaire de lintroduction, C.F. note 5
Car7 la société est souvent considérée comme un obstacle à la nature humaine8, donc, comme un enfer. En effet, la culture, qui est un phénomène (et un acquis) social, cest lhomme ajouté à la nature. La culture est artificielle, illusoire et nocive : elle est donc ce qui dénature.n9 Rousseau le montrera lui-même, car chez lui, toute intervention extérieure sur le déploiement dun être naturellement bonn10 est tenue pour une corruption. On assiste donc ici à une indéniable destruction de la nature humaine : la culture, cest ce qui sajoute à lhomme, par le biais de la société.
On peut ainsi affirmer que la société travaille à faire de lhomme ce quelle a besoin quil soit, pour le rendre docile. Elle va donc modeler la personnalité de chaque individu. Ainsi, la culture oriente et modèle toute la personnalité de lhomme ; dailleurs, on peut souligner lexistence dune personnalité de base dans chaque société : il y a toujours des murs, des usages qui simposent. La personnalité est donc le produit de lapprentissage, qui est lui-même déterminé et contrôlé par la culture. Elena Belotti, essayiste contemporain, nous expose clairement ce problème dans son ouvrage intitulé Du côté des petites filles n11 ; elle nous y montre en effet que léducation quon donne aux enfants, et en particulier aux petites filles, les conditionne à se conformer au stéréotype de la femme, et cela, même si leur caractère ne les y prédispose pas. Leurs comportements seront donc inévitablement le fruit de conditionnements sociaux et culturels. La culture, qui représente la société, peut par conséquent changer la nature de lindividu ! n12
De plus, la société fait souvent de lhomme un individu brimé, qui ressent douloureusement la pression sociale. Il est vrai quelle fait passer lhomme de létat de nature, caractérisé par la dispersion et la satisfaction immédiate des besoins, à létat social, qui est régi par des lois, et qui fixe des bornes partout. Les désirs de lhomme ne lui appartiennent pas en propre : ils sont organisés par la société. Dans le Malaise dans la civilisation n13, Freud affirme que la société est fondée sur lassujettissement permanent des instincts humains. Ainsi, la libre satisfaction des besoins instinctuels de lhomme est incompatible avec la société civilisée. On peut ainsi dire que la société lutte contre la nature de lhomme n14, puisquelle inhibe sans cesse ses instincts. De plus, la société apprend à lhomme à suivre des règles, ce qui fait que toute spontanéité y est brimée. La société est donc un phénomène culturel qui transforme la nature de lhomme. n15 Elle va même opérer sur le plus naturel instrument de lhomme, qui est son corps, en définissant elle-même ce qui est convenable ou non dans ce domaine, sous la forme des attitudes pudiques ou outrageantes : linstauration des codes dusage du corps refoule donc encore toute spontanéité.
Dans les sociétés humaines, le droit est donc omniprésent, sous forme de règles, de règlements, qui sont autant de bornes non naturelles à la liberté des individus. n16 Par conséquent, les hommes se révoltent sans cesse contre la société, qui travaille à nous éloigner chaque jour de notre " bonne nature ". n17 Le carnaval en est la plus évidente démonstration n18 : transgressant lidée même dorganisation sociale, il nourrit de véritables aspirations de rejet et de révolte contre les chaînes de la dépendance sociale. Il est en quelque sorte un retour mythique à des origines naturelles, au " chaos " perçu comme " pré-social ".
Pourtant, rien ne dit quil est dans la nature de lhomme de vivre isolé, i.e., hors dune société. n19 En effet, que serait la fuite dans la solitude ? Un égarement, un abêtissement. Vouloir quitter la Cité, cest ainsi retomber dans la passion, dans la violence, la " loi de la jungle " propre aux animaux n20 Cest ainsi aggraver le malheur que le fugitif peut trouver dans la Cité ! Comme le dit Aristote, lhomme est fait de telle sorte quil ne peut se contenter dun bonheur solitaire. Selon Platon, n21" ce qui donne naissance à une cité ( ) cest limpuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même " (La République). En effet n22, lhomme a naturellement besoin de nourriture, de vêtements, dun logement, et il se trouve quil ne peut assumer seul ces exigences vitales : par conséquent, lorganisation sociale se révèle être nécessaire. Ainsi, lassociation des hommes est naturelle, puisquelle sorigine dans le besoin biologiquement déterminé.n23 Par la suite, on peut donc dire quil est naturel de produire de lartifice, de construire des sociétés, des règles déchange. Tout cela fait partie de la potentialité déterminée de la nature humaine ! Ainsi, la Cité a une fin utilitaire, puisquelle assure la satisfaction des besoins ; cest aussi une sécurité, dont lindividu isolé ne peut nullement disposer. Lhomme a besoin de son semblable pour vivre, mais aussi pour se perpétuer. Et puis, surtout, " lhomme est un animal politique ". Lhomme est en effet un animal raisonnable, qui est donc perfectible, puisquil dispose de la pensée, pour réaliser sa condition ; ainsi, il a un réel penchant à sassocier, puisque ses dispositions naturelles ne se développent que dans la société. Lhomme est donc indubitablement un être social, qui ne peut être homme en dehors dune société n24 ; la vie sociale, cest lexigence absolue de la nature de lhomme ! Lhomme nest ni bête ni dieu, et se doit, non seulement de vivre en société, mais aussi de se différencier des autres animaux par cette inclination que nous avons à entrer en société. Car si nous exaltons trop la nature, ce que nous proposent par exemple les cyniques, nous aurons alors la même vie quun chien.
Ainsi, lhomme qui ne vit pas en société est une bête sauvage. Comme le dit Aristote, " quiconque est incapable de vivre dans la société des hommes ou nen éprouve nullement le besoin est une bête ou un dieu ". Par conséquent, un homme qui aurait toujours vécu en dehors de toute société ne peut être quun homme déshumanisé, comme en témoignent les enfants sauvages. n25Ceux-ci ont vécu dans le pur " état de nature " depuis leur plus jeune âge. Létude de nombreux cas denfants sauvages a amplement confirmé combien lhomme qui est isolé de la société est assez comparable à la bête (inertie des sens, quasi-inaptitude à lacquisition du langage, etc.). Le cas le plus célèbre est celui de Victor de lAveyron, qui a été recueilli en 1799 par le médecin Itard. Les enfants sauvages témoignent de ce que la personnalité humaine normale ne peut jamais se constituer, sauf si le milieu, par sa valeur éducative, offre à lenfant en temps utile les rapports culturels opportuns à son développement. Ainsi, si lhomme " naturel " possède la raison, cest toutefois une raison en quelque sorte endormie, quil ne sait ni exercer ni développer. n26 Lhomme naturel na donc quà répondre à ses besoins physiques. Mais sa liberté apparente nest que soumission à linstinct, dépourvue, par conséquent, de choix et de responsabilité. Pour répondre à sa vocation humaine, lhomme ne peut aucunement se contenter de vivre dans un état quasiment animal. n27Lhomme naturel, sil existe vraiment, se rapproche donc de la bête Létat de nature, quant à lui, est le règne de la violence et des injustices ; cest même un état fratricide, puisque, selon Hobbes, " lhomme est un loup pour lhomme ". En effet, lhomme, par nature, nest pas bon n28, pas plus que les animaux livrés à la " loi de la jungle ". Par conséquent, la nature peut dissocier les hommes et les rendre enclins à sattaquer et se détruire les uns les autres. Létat de nature, cest ainsi la guerre de chacun contre chacun : cest ce que nous montre encore Hobbes, dans Le Léviathan. Par conséquent, lhomme naturel nest pas un homme, il est seulement une bête sauvage. Et, paradoxalement, cest cet homme là qui nie et ne réalise pas la nature humaine : ce qui mène la nature de lhomme à son terme, cest bien la société, et elle seule.29 Létat de nature, létat de lhomme pré-social, nest donc quun mythe puisque lhomme naturel nexiste pas !30
Donc, si la société est un acquis par rapport à la (soi-disant) nature de lhomme, on ne peut pas dire quelle le dénature ; au contraire, la société, cest ce qui parfait lhomme. Ainsi, la société est la fin de tout homme, elle est laboutissement de sa nature. On ne peut dailleurs pas vraiment dissocier nature et culture (comme laffirme Merleau-Ponty, " tout est fabriqué et tout est naturel chez lhomme ").n31
Léducation, premier phénomène social dans la vie dun homme, est un devoir qui doit conduire lenfant de lanimalité à lhumanité. En effet, puisque nos désirs ne sont pas réglés, il nous faut une éducation par les lois. Léducation se révèle ainsi être une nécessité, car, à sa naissance, tout homme est un être culturellement démuni, et durant toute son enfance, il reste un animal sauvage qui a besoin dun maître. Elle est de plus un devoir, car elle doit faire passer lenfant de la nature à la liberté ; cest donc léducation qui doit et peut réprimer notre violence naturelle et nos penchants égoïstes. Kant nous montre bien que la discipline a lavantage de faire disparaître les " penchants animaux " au moment même où la raison individuelle nest pas encore constituée, et ne peut donc en annuler les effets. Cet accès à lhumanité signifie la découverte des lois qui la composent : il sagit dhabituer lenfant à différer ses réactions spontanées. Lhomme, parce quil se caractérise par la réflexion rationnelle, va substituer la décision mûrie et nourrie de savoir à lautomatisme de ses actes. La discipline empêche donc que lhomme soit détourné de sa destination, à savoir, celle de lhumanité, par ses penchants animaux. Eduquer et discipliner un enfant, cest donc lacte par lequel on dépouille lhomme de son animalité. Les hommes deviennent donc hommes par lacculturation et léducation. (Bien sûr, derrière léducation, on trouve, non les parents, mais la société). Donc, la société, par le biais de léducation, exerce sa première influence sur lindividu, et sattache à faire des hommes dignes de ce nom, i.e., des êtres humains raisonnables, libres et responsables.
Par conséquent, un homme ne devient homme que dans et par la société. Parmi les animaux, cest bien lui le plus social, car il possède le langage articulé (le logos).n33 Cependant, la société ne se caractérise pas seulement par le langage, mais aussi par les échanges, la communication, le travail... et également par la raison n34 et la sécurité. Il y a donc nécessité pour lhomme déchapper à létat de nature dans lequel sa raison ne peut se développer : la société est la condition du dépassement de lêtre humain et de laccomplissement de son humanité. Les passions sont inhumaines, car comparables à certaines activités privées de pensée, et seule la société peut nous en délivrer !
Comme le disent Marx et Engels, cest la société qui produit lhomme en sa qualité dhomme. Par exemple, le travail, qui est une réalité sociale très importante dans la vie des hommes, consiste à nous faire franchir le seuil de lexistence naturelle pour nous conduire vers un monde humain, et à nous rapprocher de nos semblables pour nous faire accéder à la vie sociale. Cest donc par le travail que lhomme se détache de lanimalité et se libère de la nature ; dailleurs, le travail, comme le langage articulé, est un phénomène spécifiquement humain. Il constitue une humanisation du monde extérieur et permet à lêtre humain dy retrouver ses propres déterminations. La société est donc une humanisation de la nature de lhomme, qui permet à lhomme de devenir un homme, et le fait donc accéder au bonheur n35quil ne peut nullement trouver dans létat de nature De plus, cest la société qui fait que lhomme prend conscience de ce quil est et de ce quil doit être, par le biais du travail par exemple. Lhomme peut en effet y exercer pleinement sa raison, et avoir conscience de soi et du monde qui lentoure.n36
Lhomme, au sein de la société, devient donc un être humain raisonnable, libre et responsable. La société va en effet sans cesse reporter la satisfaction, restreindre le plaisir, apporter de la peine par lintermédiaire du travail ; ce " principe de réalité " va permettre à lêtre humain de devenir un moi organisé, alors que sous la loi du " principe de plaisir ", il était à peine plus quun faisceau de pulsions animales. Sans la limitation de la liberté, il ne peut pas y avoir croissance de la raison. Par exemple, nous avons une obligation humaine de travailler en société : elle prend un peu de ma liberté, mais cest pour men donner davantage ! Les résistances qui éveillent toutes les forces de lhomme, le portent à surmonter son inclination à la paresse, et sous limpulsion de lambition, de linstinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons quil supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer. Dans Idée dune histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Kant, nous dit lui-même, à travers sa métaphore des arbres, que les hommes ne poussent beaux et droits que près les uns des autres. Lhomme a besoin dun maître ; il lui faut par conséquent une société pour que " les poutres puissent pousser droites ". n37Lhomme en société, amené à développer toutes ses facultés, sélève à lhumanité et à la sociabilité, et sa nature se voit donc parfaite. Cest à travers la vie sociale encore, que lhomme peut sélever à la moralité, enfin à lharmonie sociale obtenue un libre accord des volontés. En effet, la société est une communauté morale n38 : tous les membres de la société doivent sexprimer de la même façon sur le bien et le mal. Cest le sacré. n39 Le sacré, les hommes de la société ont appris à ne pas le discuter, donc, personne ne peut porter atteinte à son voisin ! Lhomme est donc devenu un être humain responsable, libre et raisonnable. La société, cest donc la fin de cet état de guerre de chacun contre chacun, dont nous parlait Hobbes.
la société nest donc nullement un obstacle à la nature humaine, puisque cest elle-même qui nous procrée, qui génère notre existence. Par bon nombre dactivités humaines telles que le travail, elle lui permet de penser et davoir conscience de sa condition, et dacquérir un bon sens que lanimal ne pourra jamais acquérir.
En effet, il ne faut pas oublier que lhomme est incapable de se suffire à lui-même ! Il y a donc une impuissance initiale de lhomme, qui sera amené à faire de la société son bouclier, pour se défendre des catastrophes naturelles et économiques ; il trouve donc dans la société bonheur et sécurité. Cest bien ce que déclare Sénèque : " lhomme nest environné que de faiblesse ; il na ni la puissance des ongles, ni celle des dents pour se faire redouter ; nu, sans défense, lassociation est son bouclier ". Il semble ainsi que lhomme soit effectivement destiné à sassocier, sans quoi, il trouvera la mort. Dans le mythe de Prométhée, que lon trouve dans le Protagoras de Platon, Protagoras affirme que tout se passe comme si les dieux avaient initialement chargé deux frères (Epiméthée et Prométhée) dapproprier à chaque espèce animale des " qualités appropriées ". Loublieux Epiméthée, voulant effectuer seul le partage, a pourvu les uns de la vitesse, les autres de la force, etc., mais il a oublié lhomme. Cest pourquoi son frère, Prométhée, apercevant les hommes nus, sans défense, ni couvertures, ni armes, voyant quils périssaient sous le coup des bêtes fauves, toujours plus fortes queux, vole le feu à Héphaïstos et permet ainsi à lhumanité de compenser son retard initial. Mais ce mythe nous montre bien que lhomme, cette pauvre créature délaissée par un malencontreux oubli, ne peut en aucun cas se suffire à lui-même, et quil a besoin de sassocier pour pouvoir subsister.
Et, de plus, cest la société et elle seule qui délivre lhomme de ses instincts (animaux). En effet, cest la culture qui introduit un ordre dans le désordre naturel. Cest ce que nous montre bien Levi Strauss, à travers la prohibition de linceste. En effet, avec cette prohibition, sinscrivent un ordre et une organisation dans un espace naturel que caractérisait le désordre. Là où la nature ne laissait que hasard, promiscuité sexuelle, indifférenciation, absence de discrimination, élans individuels incontrôlés (puisque non modelés par la norme), la règle introduit lordre. Au désordre biologique, naturel et animal, soppose ainsi lordre humain de la culture ! Par conséquent, dun animal stupide et borné, la société fait de lhomme un être intelligent et un être humain, à travers linstitution de lois et règles de toutes sortes. Dans le Contrat Social, Livre I, chapitre 8, Rousseau lui-même loue cette société qui substitue dans la conduite de lhomme la justice à linstinct, et donne à ses actions la moralité qui lui manquait auparavant. Avec la société, la voix du devoir succède donc à limpulsion physique ; lhomme se voit ainsi forcé de consulter sa raison avant découter ses penchants. La société fait donc de lhomme un être moral et maître de lui, en le délivrant des chaînes de la passion, " car limpulsion du seul appétit est esclavage ".
Ainsi, cest dans la Cité que lhomme peut réaliser la perfection de sa nature(i.e., laccès à lhumanité). En effet, lhomme est un existant absurde, sans raison dêtre. Mais la société peut le sauver, lui conférer un être, une essentialité et une réalité : elle est pour lhomme une instance suprême, qui le fait devenir ce quil doit être, i.e., un homme véritable. La société se définit donc comme le milieu humain dans lequel est intégré tout individu ; elle est ainsi entièrement productrice de nos existences. Sous un certain angle, lexclusion est la forme concrète de lenfer et de la damnation, puisquelle consiste à être séparée de la seule instance créatrice de lhomme. Par conséquent, celui qui nest ni bête ni dieu, à savoir lhomme, ne peut réaliser une i.e. humaine parfaite que dans le cadre de la Cité. Ainsi pour Hegel lhomme ne devient vraiment homme quaprès une longue histoire. En effet, contrairement à lanimal dont la nature est une et achevée, lêtre humain se caractérise par une nature divisée, sensibilité et raison, et donc, par la possibilité de dépasser sa nature animale en développant sa raison. n41 A chacun de nous dexercer son vouloir raisonnable pour parvenir à la réconciliation de notre être et à laccomplissement de notre humanité ! Ainsi, lhomme trouve réellement au sein de la Cité le moyen pour atteindre la perfection de sa nature, car il sy voir obligé dexercer et de développer ses facultés, détendre ses idées, dennoblir ses sentiments. Cest donc dans la Cité, où il vit sous le règne de la raison, que lhomme réalise la perfection de sa nature.
Ainsi, la société est nécessaire à lhomme qui naît totalement démuni, sans la possibilité de développer seul ses capacités. Cest donc la société qui va amener lhomme à franchir le seuil de lhumanité, et donc, à réaliser sa nature perfectible. La société est naturelle à lhomme, et cest elle qui le fait devenir homme ! n42
Conclusion
Lhomme est un être biologique, i.e., un animal comme les autres, mais il est aussi un animal social. En tant quêtre biologique, il possède un ensemble de caractères et de comportements innés et spontanés qui forment sa nature. En tant quêtre social, en revanche, il acquiert au sein de son groupe (par la coutume, léducation, etc.)des caractères et des comportements qui constituent sa culture. Mais on ne peut pas vraiment dissocier nature et culture. On peut admettre avec Aristote que lhomme nest pas fait pour vivre seul ; la société paraît par conséquent naturelle à lhomme, dans la mesure où elle lui donne les moyens de subvenir à ses besoins. Ainsi, seule la société qui permet à lhomme de vivre sous la règle de la raison, peut lui donner la possibilité de réaliser la perfection de sa nature, qui est laccès à lhumanité, et donc, la possibilité datteindre le bonheur.
La société, qui est naturelle à lhomme, est donc laboutissement de sa nature ; et cest elle qui fait de lhomme un être humain. Par conséquent, la société ne dénature pas lhomme : elle ne fait que développer ses facultés endormies à létat de nature. La société humanise lhomme, et on ne peut donc concevoir un homme sans société. Ainsi, il y a véritablement consubstantialité de lhomme et de la société. Lhomme " naturel " exalté par Rousseau et bon nombre de philosophes nexiste pas n43
Quelques commentaires sur le sujet
Humaniser : acquérir lhumanité ; soppose à déshumaniser : perdre lhumanité
Dénaturer : perdre la / sa nature ; soppose préserver la/ sa nature
Ce qui est suggéré, cest que dénaturer lhomme, cest lui faire perdre son humanité.
Mais le problème est que lon perdrait alors son humanité envisagée comme une nature, comme une donnée préétablie, que lon acquiert en naissant. I.e., si dénaturer cest déshumaniser, cest quil y a une nature humaine, qui ne change pas et qui nest pas acquise.
Problème : cette nature humaine existe-t-elle ? Lhumanité n'est-elle pas un idéal à atteindre, nest-elle pas quelque chose dacquis au cours dun long parcours, celui dans lequel l " homme " soppose à la nature, la travaille, la nie, la met à distance ?
Ainsi, dénaturer lhomme est une expression très ambiguë : on ne dénature pas à proprement parler lhomme, puisque lhomme nexiste pas naturellement, il ny a pas dhomme naturel (ou à létat de nature). Mais on peut le mettre à distance de son premier état qui est proche de la nature (animale). Dénaturer a donc deux sens, qui changent selon quon admet une nature humaine.
Notions centrales : la société (mais cherchez en quoi elle diffère de lEtat ; état de nature et état social ; nature et culture ; nature humaine
Vous trouverez des commentaires éclairants dans le cours-Etat, notamment, des commentaires sur les textes suivants :
Rousseau, Du contrat Social, et Discours sur lorigine de linégalité parmi les hommes : la distinction entre nature et culture y est centrale, ainsi que lambiguïté de lexpression de nature humaine ;
Aristote, Politiques, I, 1 : la cité (lEtat, la société) est une réalité naturelle ; ib., I, 2 : lhomme est un animal politique
Regardez aussi le cours-travail : vous y trouverez des passages concernant lexpression de nature humaine. Cf. le texte de Platon sur le mythe de Prométhée, ainsi que le texte de Hegel sur lhumanisation de lhomme par le travail, qui est une transformation et mise à distance de la nature
Ainsi que le cours-histoire : Kant, Idée dune histoire universelle au point de vue cosmopolitique.
Notes et commentaires du prof
1-Lien de conséquence ? retour au texte
2-Une deuxième fois : quel est le lien de cette phrase avec ce qui précède, ainsi quavec le sujet lui-même ? retour au texte
3-Questions pertinentes retour au texte
4-On voit que le problème est compris, mais hélas, il nest pas clairement posé. Ceci, du fait que lénoncé nest pas analysé. A la place, lélève se contente même de répéter lénoncé, ce qui montre bien quil ne sait même pas quil faut poser un problème, et que cela passe par un questionnement de la question posée ! (cf. méthodologie dissertation) retour au texte
5-Inconvénients : retour au texte
- le terme de société nest pas défini ; ni létat de nature, ni même encore le contrat social, termes pourtant techniques. Ainsi, est-ce que lexpression détat de nature est synonyme de nature et plus précisément de nature humaine, comme le sous-entend bien vite lélève ? De même, est-ce que lexpression de contrat social est synonyme de société ? Des définitions précises ont lavantage de vous empêcher des confusions très graves, à la fois parce quelles peuvent donner limpression que vous ne maîtrisez pas le vocabulaire philosophique, et parce quelles vous empêchent de voir clairement le problème en jeu !
- lénoncé nest pas analysé de façon précise
- le problème nest pas posé de façon assez précise (il a à voir avec lexistence réelle ou fictive dune nature humaine ; or, lélève utilise cette expression comme si elle allait de soi ; tout en voyant bien, paradoxalement, quil y a là un problème, et quil faudra résoudre ce problème pour répondre à la question posée)
- pas assez de questions
Avantages : retour au texte
- il y a un véritable essai de problématisation, on " sent " que le problème est compris, et que lélève va véritablement essayer de résoudre ce problème
- on sent aussi que lélève a des connaissances
6-Projet pertinent, même sil suppose lexistence dune nature humaine. Encore faudra-t-il définir le terme dartifice. retour au texte
7-Connecteur logique qui na pas sa place ici. retour au texte
8-Cf. note 7retour au texte
9-Avantages : cest très bien de penser à lopposition nature et culture, qui est évidemment au cur du sujet ; de plus, le terme dartifice est quelque peu défini (même sil ne lest pas clairement). Mais il y a ici quelques défauts : est-ce que le terme de culture est synonyme du terme de société ? Il aurait fallu montrer que la société est un fait de culture, et non un fait naturel, avant daborder lopposition nature et culture. Sinon, on ne voit pas trop pourquoi on en parle ! De même, la culture (non définie !) est abordée négativement ; or, cela ne va pas de soi, et devrait donc être démontré. retour au texte
10-Alors, je suppose que lhomme est un être naturellement bon ? Il faut le démontrer également ! retour au texte
11-Lélève sait utiliser des références, en les intégrant dune manière fluide dans son développement retour au texte
12-Ici, lélève se rattrape par rapport au défaut signalé dans la note 10 : en effet, il fait le lien entre société et culture. Et, surtout, il répond explicitement à la question posée, montrant au correcteur que ce quil vient de développer sert pour répondre au sujet. retour au texte
13-De nouveau, bonne utilisation des références : luvre de Freud est convoquée pour démontrer lidée qui précède. retour au texte
14-Ici, réflexion très intéressante et bien centrée sur le sujet. Lélève répond vraiment à la question posée. Si nature (de lhomme) = satisfaction de ses désirs de façon immédiate, alors puisque la société comprend essentiellement des lois, des interdits, etc., concernant ces désirs, elle nuit à la nature de lhomme, elle le " dénature " (mais en un sens positif ou négatif ? Il faudra le dire) retour au texte
15-Très bien ! retour au texte
16-Bienretour au texte
17-Pourquoi " bonne " ? Où a-t-il été montré que lhomme est naturellement bon, et, notamment, que sadonner à nos instincts, satisfaire immédiatement nos désirs, etc., est quelque chose de positif , sans conséquences néfastes pour lhomme ? (cf. Hobbes) Attention, donc : il ne faut jamais rien présupposer ! retour au texte
18-Un exemple peut-il tenir lieu de démonstration ? retour au texte
19-Très bien. Cela montre que lélève, même sil ne le dit pas explicitement, voit bien que lexpression de nature humaine ne va pas de soi. Toutefois, un défaut : pourquoi ne pas passer à une seconde partie ? retour au texte
20-Autre raison pour passer à une seconde partie : alors que précédemment la nature humaine était entendue comme règne des instincts et désirs sans aucune barrière, et quelle était envisagée sous un aspect positif (cest cela que la société nous enlevait ), elle est ici entendue dans les mêmes termes, mais cela a une connotation négative. Cela nest pas dit, cest donc logiquement très contestable. Définissez les termes employés, et dites toujours en quel sens vous prenez un terme, quand il a plusieurs sens. Cela vous aidera à être rigoureux mais aussi et surtout à progresser véritablement dans votre développement. retour au texte
21-Cest dommage : pourquoi commencer par citer Aristote, et passer tout de suite après à Platon ? Il aurait mieux valu développer la thèse dAristote, très pertinente ici. Dailleurs, lélève y revient plus bas, en citant la célèbre formule selon laquelle " lhomme est un animal politique ".retour au texte
22-Par contre, cette citation est démontrée : cest très bien. retour au texte
23-Bien retour au texte
24-Très bien retour au texte
25-Attention, le développement est beaucoup trop long, ce qui ne sert nullement le développement. Il faut resserrer largumentation, aller plus vite à lessentiel. retour au texte
26-Enfin ! La distinction entre être humain en puissance et en acte est centrale. Si lhomme nest en effet pas immédiatement ce quil est (ou plutôt " doit être "), alors, la réponse au sujet en subira de grandes conséquences. Mais il fallait laborder directement après la référence à Aristote. Je ne trouve pas que ce très (trop !) long détour par les enfants sauvages ait été très éclairant. retour au texte
27-Bien retour au texte
28-Cest très bien dy revenir ; dommage que lélève nait pas jugé bon de dire, dans le début de sa copie, quil nallait pas de soi que lhomme est naturellement bon. Pour pallier ce défaut, je conseille de recourir davantage au questionnement, ainsi quau mode hypothétique : " si lhomme est naturellement bon, alors, il faut répondre à la question de la façon suivante : . ".retour au texte
29-Petit défaut : lélève nexplique pas assez pourquoi la société, dans lhypothèse de Hobbes, mène à son terme la nature de lhomme. retour au texte
30-Très bien retour au texte
31-Bonne conclusion. Mais il manque une esquisse de la ou des difficultés qui nécessiteraient alors le passage à une autre partie. retour au texte
32-Cest évidemment ce que jattendais ci-dessus, au moment où lélève parlait de Hobbes. Mais lessentiel est que lélève se soit soucié de le démontrer, après tout. Toutefois, le développement ne va pas beaucoup progresser ! Que de répétitions ! retour au texte
33-Cf. texte dAristote, Politiques, I, 2 (lhomme est un animal politique, parce quil a le langage) ; vraiment, ça navance plus retour au texte
34-Mais logos signifie langage articulé et raison ! retour au texte
35-Lien bonheur et homme ? retour au texte
36-Très intéressant, mais pas assez développé ni même problématisé. retour au texte
37-Démonstration un peu rapide retour au texte
38-Ici, cest bien, il y a démonstration retour au texte
39- ? retour au texte
40-Certes ; mais toujours pas de progression : chaque partie du devoir est en quelque sorte le développement de la même idée ! retour au texte
41-Jai limpression que si la copie est si longue, et si le développement ne progresse pas (lélève en est toujours à la même idée, celle que jaurais mise dans la deuxième partie), cest parce quil tient à montrer ses connaissances. Ou bien, parce quil narrive pas à en faire la synthèse, et à se débarrasser de certains auteurs. Il les utilise pourtant assez bien, cest dommage. Ne vous noyez donc pas dans les données que vous trouvez ! retour au texte
42-Bien (lélève a toujours pris soin de récapituler son développement) retour au texte
43-Bonne conclusion. La dernière phrase montre bien que lélève faisait du problème de la nature humaine le fil conducteur de son devoir, et donc, le véritable problème à résoudre. retour au texte
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