Art, technique, travail : 1) type d’activité humaine : tout ce par quoi l’homme met son empreinte dans quelque chose, fait un monde humain : s’oppose alors à la nature (cf. termes d’artifice, « artefact ») ; 2) type d’objet : quelque chose de fabriqué par l’homme (œuvre). On distingue en général l’art du travail ou de la technique en ce qu’il n’a aucun but utilitaire et fabrique des objets beaux, destinés à nous procurer un certain plaisir (à « nous plaire »).
Le beau :
Problème n°1 : le beau est-il une caractéristique de l’objet, ou de notre esprit ? Réponse de la philo moderne, représentée surtout par Kant : le beau est quelque chose de subjectif, i.e., il caractérise l’effet que fait sur nous un objet. Il appartient donc à notre esprit plutôt qu’aux choses.
Dès lors, problème n°2 : comment s’entendre sur la beauté de quelque chose (et surtout, d’une œuvre d’art)?
Attention : le beau n’est pas propre aux œuvres d’art ! cf. définition kantienne, ci-dessous. D’ailleurs, le beau n’est vraiment plus la caractéristique majeure des œuvres d’art aujourd’hui.
Jugement de goût/ esthétique : quand nous jugeons que quelque chose est beau.
Le génie : talent artistique ; capacité à produire des œuvres sans suivre de règles, par une inspiration ; mais ne produit pas n’importe quoi : on imite le génie (le génie « fait école »). Conséquence : l’art n’a rien à voir avec une connaissance, ou avec la science, puisque celui qui fait une œuvre d’art ne sait pas comment il fait ce qu’il fait, et ne peut donc enseigner aux autres comment faire ce qu’il a fait… Renvoie à la création, et non à la fabrication (qui suppose des règles)
Fonctions de l’art :
Platon : République, livre X : l’art, imitation de la réalité sensible, est tromperie car seul le monde des Idées est réel, or, la réalité sensible=monde des apparences ; l’artiste, ignorant (ignore ce qui est vraiment). L’art s’oppose ici à la philosophie, synonyme de science, de connaissance, et à l’absolu, au monde véritable (car la connaissance véritable a pour objet le monde véritable…–point commun aux deux : la vérité). NB : cela suppose que l’art est imitation de la nature, ce qui ne va pas de soi.
Hegel : l’art est un moyen sensible d’accéder au vrai (qui dit sensible, dit inférieur, à la philosophie/ science –inférieur car pas clair)
Aristote : distinction entre plusieurs types d’activités humaines : a) activité en vue d’une fin (poiésis) –synonyme de fabrication, de technique, de production ; b) action morale et politique (praxis) ; c) connaissance pure (théoria). Chez Aristote, l’art, comme le travail ou l’artisanat, fait partie de b). Rien ne distingue l’artiste du boulanger… Problème pour nous, contemporains : l’art est alors du côté de l’utile, ce qu’il n’est plus pour nous… Et puis, les objets d’art sont pour nous bien à part des objets techniques
Kant : Critique de la faculté de juger : définition de la beauté comme subjective (cf. ci-dessus). Caractères de la beauté :
- procure un plaisir esthétique = désintéressé (on ne prend plaisir qu’au spectacle de la chose, on ne veut pas la posséder : cf. contemplation d’une nature morte : rien à voir avec le plaisir de manger)
- universalité subjective : tout en exprimant ma propre satisfaction, le jugement « c’est beau » prétend valoir pour tout le monde ; prétend, car s’il valait vraiment pour tout le monde, il serait un jugement de connaissance, i.e., vrai ou faux ; dès lors, on pourrait démontrer la valeur de notre jugement, et on n’aurait qu’à s’incliner devant cette démonstration, ce qui n’est pas le cas ! Par contre, la beauté permet aux hommes la discussion (ce qui suppose que le beau n’est pas entièrement subjectif, puisqu’il nous permet de nous rencontrer : c’est pourquoi le beau est un « universel subjectif » -NB : normalement, la subjectivité désigne ce qui nous est vraiment propre, ce qui nous enferme en nous-mêmes). Sans être scientifique, le jugement de goût est donc objectif.
- finalité sans fin : est beau ce qui donne l’impression d’avoir été produit en fonction d’une intention (on dit alors que la chose a une signification : quelqu’un a voulu dire quelque chose); mais on ne peut en donner précisément la fin (qu’est-ce que ce quelqu’un a voulu dire par là ?). Cf. ci-dessus, notion de génie. Signifie que le beau est indéfinissable (et, de nouveau, qu’il n’est pas une connaissance).
Type 1 |
Type 2 |
Une histoire ou des histoires ? Les historiens se bornent-ils à raconter des histoires ? |
L’histoire a-t-elle un sens ? L’histoire, ce qui arrive à l’homme ou par l’homme ? |
Deux sens du mot « histoire » :
1) le passé tel qu’il a été vécu et parcouru par l’humanité ;
2) connaissance ou récit de ce passé
Les deux grands problèmes sont :
1) l’histoire est-elle une science ? –on répond en général que l’histoire n’est pas une science, mais qu’elle est quand même objective (il y a des règles, une méthode : l’histoire n’est pas un roman)
2) l’histoire a-t-elle un sens (direction, finalité)?
Sur la philosophie de l’histoire :
Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique : l’histoire a un sens, une finalité (cf. « plan caché de l’histoire ») : elle est la réalisation de l’humanité, ce qui n’est possible que grâce à un État républicain par une société des nations
- là où Hegel (cf. ci-dessous) parlera de « ruse de la raison », et d’Esprit du monde, Kant parle de dessein de la nature, de providence
- attention à l’usage kantien de la notion de finalité, toutefois : contrairement à Hegel, Kant ne croit pas à la réalité de cette fin : c’est une supposition, une exigence de l’esprit, un « outil conceptuel » (qui nous permet de comprendre l’histoire, et d’espérer de l’homme, également)
Hegel, La raison dans l’histoire : l’histoire a un sens : elle va vers un progrès de la liberté et de la raison ;
- sujet de l’histoire (réponse à la question : qui fait l’histoire ?) : « l’Esprit du monde » (sorte d’inconscient collectif : les hommes ignorent pourquoi ils font ce qu’ils font, ils sont dirigés par une sorte de main invisible vers cette fin) ; cf. notion de « ruse de la raison » (l’Esprit, ou la Raison, se sert des passions des hommes pour réaliser ses fins) (cf. sujet : « L’histoire, ce qui arrive à l’homme ou par l’homme ? »)
Sur l’histoire comme connaissance (sujets de type 1) :
Hegel, La raison dans l’histoire, les différentes manières d’écrire l’histoire:
a) histoire originale (récit journalistique, histoire vécue) ; subjective car immédiate ; pas de compréhension véritable de ce qui se passe
b) histoire réfléchissante (histoire au sens classique du terme) ; objective car repose sur un travail d’élaboration (examen minutieux des documents, des témoignages, etc.) et surtout, on a du recul. Pourtant, y a-t-il véritablement compréhension de ce qui a pu se passer ? En effet : différences de culture ; seulement présence de documents (« traces »), ce qui suppose une interprétation et non une connaissance au sens strict, de ce qui s’est passé. L’historien interprète selon sa manière de voir, sa culture, son époque, mais aussi, ses intérêts (on projette sur le passé nos valeurs). Sorte de filtre à travers lequel vont apparaître les événements. Ce qui fait que les historiens vont avoir des récits (=interprétations) différents (cf. sujet « Une histoire, ou des histoires ? »). Mais pour autant, ne vont pas raconter n’importe quoi, n’importe comment. Cf. problème du révisionnisme : pourquoi ces « historiens » ne sont-ils justement pas considérés comme des historiens ? Parce que pas d’entente avec le reste de la communauté, notamment…
c) histoire philosophique (qui retrace le sens de toutes les actions des hommes) –synonyme de « philosophie de l’histoire »
Paul Veyne, Comment on écrit l'histoire : il n'y a pas d'événements historiques en soi, c'est l'historien qui fait qu'un événement est historique (cf. cours histoire)
Exemple : imaginons que l’on veuille expliquer pourquoi Louis XIV devint impopulaire. L’historien va devoir trouver des causes possibles de ce phénomène en trouvant des documents à mettre en rapport avec cette impopularité. Il va notamment trouver des documents montrant que les impôts s’alourdissent, en même temps que le nombre de messes données en sa faveur diminue. Or, ne sait-on pas qu'élever les impôts est en général une cause d’impopularité pour ceux qui en sont à l’origine ?
Voici donc le raisonnement auquel on aboutit :
(1) Louis XIV devint impopulaire
(2) l’élévation des impôts est une cause
d’impopularité
(3) donc Louis XIV devint impopulaire parce qu’il a élevé
les impôts
Problèmes :
- ce raisonnement est inductif, or, l’induction n’est
pas un mode de raisonnement logiquement valide (cf.
cours théorie et expérience)
- suppose que l’homme agit toujours de la
même manière, selon les mêmes motifs (il existe
une nature humaine), et donc, au bout du compte, que l’histoire
se répète, qu’il y a une régularité…(or,
l'histoire n'est-elle pas le domaine de la contingence, de l'imprévisible,
les faits ou événements historiques ne sont-ils pas
uniques ?)
- cette cause supposée est-elle bien l'unique
cause du phénomène à expliquer ? n'y aurait-il
pas, de plus, des causes cachées ?
En fait, l’historien ne fait que construire une causalité qui permet de comprendre un déroulement historique, mais pas de l’expliquer : il a une valeur seulement interprétative !
Expliquer et comprendre
Expliquer = donner une cause nécessaire et suffisante de ce phénomène ;
Comprendre = donner un faisceau de raisons qui
permet de saisir le plus rationnellement possible ce qui rend possible
tel phénomène. La rationalité suppose qu’on
argumente, qu’on essaie d’être clair, qu’on
évite l’argument d’autorité, etc.
Pour approfondir cette distinction, cf. dernière partie du cours sur l'inconscient.
Mouvement d'historiographes (années 1920-30). S’interroge
sur le problème de savoir ce qu’est un événement.
Cette école a bouleversé la façon de poser
les problèmes, de découper les entités qu’on
veut soumettre à l’investigation historique.
Par exemple, pour Bloch, la société féodale devient à elle seule l’événement ; pour Fèvre, l’incroyance au 16e devient l’objet de la recherche historique, un événement ; et pour Braudel, le héros de l’histoire, c’est la Méditerranée.
On cesse de mettre l’homme au centre de l’histoire : l’histoire n’est plus celle des grands hommes. Ce qui est important, ce sont les rapports de force, et non les personnages. Alors que dans le récit historique classique, l’action était toujours rapportée à des agents humains, cette nouvelle histoire se réfère à de tout autres objets. Qu’il s’agisse de nations, de sociétés, de villages, de civilisations, cette histoire met à la place du sujet habituel de l’action des entités anonymes. La place tenue naguère par les grands hommes est maintenant tenue par des forces sociales.
Le temps historique subit une révision. En effet, il s’étale sur de grandes périodes : il est sans aucun lien avec celui de la mémoire, des attentes, les intentions des sujets. Cette nouvelle structure du temps est proportionnée aux entités que l’histoire va mettre en oeuvre. Le temps historique paraît se résoudre en une multiplicité d’intervalles hétérogènes : il y a le temps court de l’événement, le temps demi-long de la conjoncture, la longue durée des civilisations, la très longue durée des symbolismes fondateurs du statut social ; bref, ce n’est plus le temps de l’action. La temporalité devient stationnaire. Les mutations ne se font pas d’un coup. A la notion d’événement conçu comme saut temporel, ils opposent le temps social (cf. notions de conjoncture, structure, tendance, cycle, croissance, rupture).
Ces historiens vont au-delà de la critique du document, car pour eux, tout témoignage est suspect. Pourquoi? Parce que ce qui pousse les acteurs à agir de telle manière n’est pas réductible aux raisons qu’en donnent les acteurs. Nous supposons naïvement que les agents sont les moteurs de l’histoire, alors qu’il y a des forces cachées. Les documents doivent donc être étendus à des objets qui à première vue, n’entrent pas dans cette catégorie. Ce sont tous les “objets” qui peuvent gouverner les hommes à leur insu, et qui invalident les raisons que l’agent donne de ses actions. on considère le rapport des infrastructures aux superstructures (les superstructures sont ce qui détermine les hommes). Les changements se passent apparemment à ce niveau ; ils sont la résultante de jeux de force contradictoires, et non le fruit des délibérations des acteurs. L’histoire doit montrer les interactions entre les agents et ces infrastructures. L’objet de l’histoire, c’est le “fait social total”. Les héros, comme les moments forts, sont les groupes sociaux, des catégories ou des classes sociales (villes/campagnes, bourgeois/artisans).
L’événement s’efface donc au profit de la structure : il devient épiphénomène (phénomène de surface, superficiel). L’événement n’est que trompe-l’oeil, anecdote.
L’histoire cesse alors de se suffire à elle-même, elle nécessite des approches sociologiques, politiques, économiques, etc. C’est donc une critique radicale de l’ancienne façon d’écrire l’histoire. Le risque est évidemment que l’histoire perde son autonomie, et qu’elle se disperse dans toute une série de disciplines annexes, qui attendaient justement de pouvoir l’annexer.
Sujets
Notre pensée pour s’exprimer passe-t-elle nécessairement par le langage ?
Peut-on tout dire ?
Le silence ne dit-il rien ?
Peut-on dire que l’inconscient parle en nous ?
Une langue universelle est-elle possible ?
Les mots disent-ils les choses ?
Les mots trahissent-ils l’essence des choses ?
- Le langage, une langue, la parole : 1) faculté de s’exprimer et communiquer ; 2) système de signes permettant l’expression et la communication d’informations ou de messages (cf. « un langage ») ; 3) mise en œuvre individuelle du langage dans une langue déterminée, afin de dire quelque chose (ne nécessite pas la voix !
- le signe linguistique et les différents types de signes : qui dit langage, dit signe ; qu’est-ce qu’un signe ?
a) définition générale : existence sensible renvoyant à quelque chose d’absent, dont elle tient lieu (cette existence sensible n’est pas perçue pour elle-même : on perçoit ce à quoi elle renvoie, ce dont elle tient lieu) ; être le signe de quelque chose, c’est l’exprimer
b) mais si tout langage suppose le signe, tout signe est-il « linguistique » à proprement parler ? Non : il y a différents types de signes :
Signe linguistique (Saussure) |
Unit, non un nom et une chose, mais un concept et une image acoustique, ou un signifié et un signifiant : Rapport : non naturel mais arbitraire, conventionnel/ culturel (pas de lien naturel entre la suite de sons « sœur » et l’idée de sœur ; preuve : pas une seule langue) |
Signe naturel (l’indice) |
Le signifiant « ressemble » au signifié ou a un lien avec lui : exemples : la fièvre est l’indice/ le signe de la maladie, la fumée, du feu, etc. |
Le signal |
Le signifiant est supposé susciter une réaction. Exemple : la sonnerie à la fin d’un cours, le dos d’âne (code de la route). S’il suppose un certain apprentissage et n’est donc pas naturel mais conventionnel/ culturel, il n’est toutefois pas lié arbitrairement au signifié. |
Parler, c’est être capable de comprendre des signes linguistiques, ce qui suppose une faculté de représentation élaborée, abstraite, puisqu’on se sert de choses qui renvoient à des « choses » absentes, et que ces choses sont des idées, pas des choses particulières. Le langage a un lien très lâche avec la réalité, il renvoie à toute une élaboration du monde par l’homme.
- langage et culture : le langage est culturel, à la fois parce qu’il n’est pas naturel, rivé aux besoins, et nécessité par la nature (cf. convention, arbitraire), mais aussi en ce que les mots qui le constituent sont des signes, des concepts. Ces concepts sont des définitions, des représentations générales et abstraites, qui renvoient à notre façon de voir le monde, à nos connaissances, etc. Ce qui distingue les langues, ce n’est pas seulement la façon de dire ou d’écrire les mots, mais avant tout les idées auxquelles ils renvoient. Exemples : Ainsi, le mot de « vache » n’a pas la même signification ou le même signifié pour nous occidentaux et en Inde (cf. caractère sacré). cf. Gavagai ; les plantes
Nous découpons le réel suivant nos connaissances, suivant nos besoins, notre façon de vivre… cf. Bergson.
- communiquer et parler : cf. texte Descartes (la différence se comprend surtout à propos du problème du langage animal)
- penser et parler : la pensée pré-existe-t-elle au langage ? peut-on penser indépendamment des mots ? On répondra (cf. Hegel) que la pensée qui préexiste au langage n’est qu’une pensée confuse, qui se cherche : on ne peut penser avant d’avoir recours aux mots ; c’est que penser, ce n’est pas percevoir, sentir, ou avoir conscience en général, mais c’est avoir une représentation générale et abstraite, une définition. NB : si le langage était accidentel dans la formation de la pensée, alors, on dirait qu’il n’est qu’un outil de communication, qu’il ne sert que les besoins de la société, les besoins naturels (pas d’importance alors)
- rapports mots et choses (ou : à quoi réfèrent les mots) : cf. signe linguistique, langage et culture : les mots ne réfèrent pas directement aux choses, au monde ; mais il y réfère par l’intermédiaire de nos idées, i.e., ils réfèrent primordialement à notre représentation du monde (cf. le concept).
On critique souvent la généralité des mots : trop communs, trop généraux, pour pouvoir dire toute la réalité (ce qui renvoie au problème « penser/ parler »), qui est individuelle. Ne disent que ce qui est commun aux choses, donc, que ce qui est « banal ». Cf. Bergson, Nietzsche (versus Platon, Hegel). Cf. Nominalisme.
Descartes, Lettre à Newcastle : penser et parler ; penser et communiquer ; langage animal
-parler c’est exprimer des pensées et seul un être conscient, doué d’une âme, a des pensées : privilège de l’homme par rapport aux animaux
- les animaux expriment, communiquent mais ne parlent pas : le contenu de ce qui est échangé est en effet des cris, des passions, des sentiments, etc. ; c’est un phénomène passif, réactif, instinctif ; l’homme, lui, non seulement exprime des pensées, mais le fait consciemment, intentionnellement, volontairement
- à mettre en parallèle avec la danse des abeilles ( K. Von Frisch,Vie et moeurs des abeilles) : les abeilles ont un système de signaux codé qui leur permet de s’échanger des info au sujet de l’emplacement de pollen ; mais on dira qu’elles ne parlent pas à proprement parler parce que c’est de l’ordre de l’instinct ; elles ne peuvent se servir de ces signes dans un autre contexte ; c’est quelque chose de naturel et de lié aux conditions de survie (une seule condition d’utilisation) ; et surtout, ne permettent pas le dialogue : elles déclenchent une réaction chez les autres membres de la même espèce
Rousseau : origine du langage : besoins ?
Hegel, Philosophie de l’esprit : penser et parler
« C'est dans les mots que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous nous les différencions de notre intériorité, et par suite, nous les marquons d'une forme externe, mais d'une forme qui contient aussi de caractère de l'activité interne la plus haute. (…) Et, il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable. Mais c'est là une opinion superficielle et sans fondement ; car en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et ce qui ne devient clair que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. |
Bergson : penser et parler ; langage et réalité ; concept
Pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car, les mots (à l'exception des noms propres) désignent tous des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel, d'originalement vécu. Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience, avec les milles nuances fugitives et les milles résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais, le plus souvent nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leu aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu'il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement à d'autres forces ; et, fascinés par l'action, attirés par elle pour notre plus grand bien, sur le terrain qu'elle s'est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes (Extrait de Le Rire) |
Problème n°1 : la distinction nature et technique : distinction ontologique ou distinction morale ?
1- Analyse sommaire du texte d’Aristote, Physique, II, 1 : vers une première approche de la distinction conceptuelle nature/ technique
Parmi les êtres (…), les uns existent par nature, les autres par d’autres causes ; par nature, les animaux et leurs parties, les plantes et les corps simples, comme terre, feu, eau, air ; de ces choses en effet, et des autres de même sorte, on dit qu’elles sont par nature./ Or, toutes les choses dont nous venons de parler diffèrent manifestement de celles qui n’existent pas par nature ; chaque être naturel, en effet, a en soi-même un principe de mouvement et de fixité, les uns quant au lieu, les autres quant à l’accroissement et au décroissement, d’autres quant à l’altération. Au contraire, un lit, un manteau ou tout autre objet de ce genre, en tant que chacun a droit à ce nom, c’est-à-dire dans la mesure où il est un produit de l’art, ne possèdent aucune tendance naturelle au changement, mais seulement en tant qu'ils ont cet accident d'être en pierre ou en bois ou en quelque mixte, et sous ce rapport ; car la nature est un principe et une cause de mouvement et de repos pour la chose en laquelle elle réside immédiatement, par essence et non par accident.
Question
directrice : qu’est-ce qu’un être naturel ?
Thèse : définition négative de la nature
: ce qui n’est pas produit par l’homme (définition
génétique = mode de production)
Développement de la thèse : distinction entre deux
domaines de l’être : tout ce qui existe, existe soit
par nature, soit par l’art/ la technique. La technique désigne
ici ce qui est fabriqué par l’homme, ce que l’homme
ajoute à la nature… ; mais encore, ce qui existe
par nature, contrairement à ce qui existe par l’art,
a le pouvoir d’agir et de se mouvoir à l’intérieur
de lui-même. Cf. l’herbe versus la montre ou l’ordinateur
; ou bien l’homme et le robot...
(donc : on est en présence de différents genres de production, et de différents genres d’être).
2- Cette distinction vous paraît-elle si évidente ?
Reportez-vous aux progrès techniques actuels. Comment pourrait-on se servir de cette actualité pour critiquer la thèse d’Aristote ? En se demandant, pour aller au fond du problème, s’il existe bien une manière de faire proprement humaine (qui ne serait alors pas naturelle ?) ; si la manière de faire proprement naturelle a un sens ou si tout n’est pas pareil. De même, est-ce que ce fabrique l’homme, même par exemple les produits dits « chimiques », n’est pas naturel ?
3-Aujourd’hui, on assiste à une résurgence des mouvements écologistes : on critique la technique qui aurait pour essence de détruire la nature. Cela sous-entend donc que la distinction nature et technique est non seulement ontologique, mais encore, morale.
Essayez de trouver, à partir de la distinction aristotélicienne, comment on peut passer de l’une à l’autre distinction. Cf. :
- antériorité chronologique de la nature par rapport
à la technique
- rapport d’imitation et de rivalité (l’une
fait mieux que l’autre et l’autre essaie de s’approprier
l’autre pour faire pareil ou mieux !) cf. mythe de Faust,
de Frankenstein, etc.
- potentiel destructeur de la technique : introduit nouveaux objets
dans nature, transgresse certaines barrières naturelles,
etc. sans se soucier des conséquences…
- nature = bel ordre (cf. écosystème) et technique
= désordre
Il
convient de se demander ce qui fait que la technique a ce potentiel
destructeur. Cf. technique comme règne des moyens, de l’efficacité
; oubli de penser aux fins, etc. Mais alors attention : on parlera
d’amoralité (qui n'a rien à voir avec la morale)
et non pas d’immoralité (qui est contraire à
la morale) !
Attention également à ne pas faire de la nature
une sorte de personne douée d’intentions… ou
bien une sorte de pouvoir interne aux êtres…
Problème n° 2 : la technique et l’homme : la technique, humanisation ou déshumanisation de l’homme ?
Cf. texte de Platon (le mythe d’Epiméthée) :
Platon, Protagoras, 320c-321c, Folio 1967, Trad.E.Chambry, Le mythe de Prométhée, ou l'origine de la technique.
"Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais
non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin
avait assigné à leur création fut venu, les
dieux les façonnèrent dans les entrailles de la
terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments
qui s'allient au feu et à la terre. Quand le moment de
les amener à la lumière approcha, ils chargèrent
Prométhée et Epiméthée de les pourvoir
et d'attribuer à chacun des qualités appropriées.
Mais Epiméthée demanda à Prométhée
de lui laisser faire seul le partage. "Quand je l'aurai fini,
dit-il, tu viendras l'examiner". Sa demande accordée,
il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force
sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force; il donna
des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là,
mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation; car
à ceux d'entre eux qu'ils logeaient dans un corps de petite
taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain;
pour ceux qui avaient l'avantage d'une grande taille, leur grandeur
suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé
de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution
étaient destinées à prévenir la disparition
des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d'échapper
à une destruction mutuelle, il voulut les aider à
supporter les saisons de Zeus; il imagina pour cela de les revêtir
de poils épais et de peaux serrées, suffisantes
pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger
contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour
le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à
chacun d'eux; il leur donna en outre comme chaussures, soit des
sabots de corne, soit des peaux calleuses et dépourvues
de sang; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant
les espèces, et aux uns l'herbe du sol, aux autres les
fruits des arbres, aux autres des racines; à quelques-uns
mêmes, il donna d'autres animaux à manger; mais il
limita leur fécondité et multiplia celle de leurs
victimes, pour assurer le salut de la race.
Cependant Epiméthée, qui n'était pas très
réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé
pour les animaux toutes les facultés dont il disposait
et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne
savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient
pour examiner le partage; il voit les animaux bien pourvus, mais
l'homme nu, sans chaussures, ni couvertures, ni armes, et le jour
fixé approchait où il fallait l'amener du sein de
la terre à la lumière. Alors Prométhée,
ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de
se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna
la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance
des arts et était impossible et inutile; et il en fait
présent à l'homme. L'homme eut ainsi la science
propre à conserver sa vie (…)".
- est-ce que l’homme naît immédiatement «
homme » ? (il ne naît en tout cas pas parfait, «
tout fait », « terminé » : c’est
grâce à la technique qu’il est un homme d’achevé)
- en quoi la technique est-elle nécessaire à l’homme
? utile seulement pour sa survie ?
Points positifs :
-
technique = mode d’agir humain, action de l’homme
sur la nature, « monde de l’homme »
- l’homme c’est une réalité culturelle
: à l’état de nature, ou à la naissance,
on peut parler d’homme en puissance, d’animal humain
: l’humanité désigne l’acquisition du
langage, la pensée, la liberté, etc., tout ce par
quoi l’homme n’est pas seulement un être naturel
ou un animal ; tout cela s’acquiert et se transmet ; on
peut donc se dire que par la technique, l’homme se fait
homme puisqu’il fait un monde à lui… cf. mythe
de Prométhée
Points
négatifs : d’un autre côté si la technique
fait l’homme, ne le défait-elle pas ? si la technique
ne « pense » pas, alors l’homme qui s’y
adonne ne devient-il pas un sous-homme ? ne dégrade-t-on
pas la civilisation elle-même ? Cf. aujourd’hui reproches
qu’on fait de la vision technique du monde. (tout devient
marchandise, objet, et objet, de surcroît, de consommation).
Cf. également les transformations de l’homme induites
par les avancées techniques : cf. problèmes «
familiaux » que posera le clonage !
La technique se retourne donc contre l’homme lui-même
!
Y a-t-il
incompatibilité entre science et religion ?
Y a-t-il une nature religieuse de l’homme ?
Concepts et problèmes
La religion est un thème qui peut être abordé de différentes manières :
- religion et société/ politique : le lien avec la première : elle rythme son temps, organise son espace mais surtout permet un lien social , un monde commun, une unification autour d’une image symbolique de la société ; le lien avec la seconde tend souvent à avoir une définition péjorative de la religion (asservissement du peuple, etc.)
- foi et raison (problème des preuves de l’existence
de Dieu)
- religion
et aliénation de l’homme/ nature humaine (Nietzsche,
Marx, Freud : les théories du soupçon)
- religion et croyance : il faut savoir distinguer les degrés de croyance (et ne pas assimiler « croyance » et « religion ») : cf. distinction foi et croyance, mais encore, croyance, crédulité, superstition. Croire est d’abord synonyme d’avoir une opinion : une opinion est une affirmation qu’on pose comme vraie mais qui n’est pas démontrée ou prouvée, en tout cas pas encore. Synonyme aussi, alors, de préjugé.
Quelques définitions :
- religion :
a) étymologie : religare : lien qui relie les hommes à Dieu, et les fidèles entre eux ; relier, rassembler = fonction de lien social
b) Durkheim : « ensemble solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, i.e., séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale appelée Eglise ceux qui y adhèrent ».
Toute religion comprend des croyances, et des rites liés à celles-ci (aspect mental, et aspect pratique). Et repose sur la distinction sacré et profane. La fonction de la religion serait de rassembler les hommes autour du sacré (sentiment d’étrangeté par rapport à une source énigmatique, d’où les sentiments de respect, de vénération, de crainte, de fascination). Toute religion n’admet donc pas nécessairement l’existence d’un Dieu mais soit à une/ des divinité(s), soit du sacré ; plus on va vers « un » dieu, plus on s’éloigne du sens originel de la religion. La religion, avant d’être foi, et foi en une ou plusieurs divinités, est avant tout un phénomène collectif, lié à l’existence de règles et de rites : d’où sa fonction sociale. Elle a donc bien rapport davantage au sacré qu’à Dieu (qui apparaît tardivement dans la genèse des religions)
- théologie : discours sur Dieu (quelles sont ses propriétés ? comment démontrer son existence ? ; il existe une théologie négative : on ne peut savoir que ce que Dieu n’est pas, puisqu’il est un être transcendant)
- distinction
théisme/ fidéisme :
a) théisme : croyance rationnelle en l’existence de
Dieu (recours à des preuves pour la démontrer)
b) fidéisme : la foi n’a pas besoin de la raison, de
preuves, etc.
Les preuves principales de l’existence de Dieu :
a)
ontologique (a priori) : la définition de
Dieu comme être parfait prouve que Dieu doit exister car un
être qui n’existe pas ne serait pas parfait (St Anselme,
Descartes)
b) téléologique (a posteriori) :
le monde est organisé, ordonné, etc., donc, il doit
y avoir une intelligence ordonnatrice (cf. texte Paley dans le cours
sur le vivant)
-
religion naturelle :
a) s’oppose à la religion révélée
: tout homme, du fait qu’il est pourvu de raison, sait que
Dieu existe (souvent, recours à preuve téléologique
: l’ordre naturel renvoie à un grand architecte/ artiste,
à un dessein) ; on ne pose que quelques propriétés
b) par suite, pas une religion parmi d’autres, mais le noyau
commun de toute religion
- théodicée : comment justifier l’existence de Dieu face aux souffrances, au mal ? (ce qui sous-entend d’ailleurs que le monde n’est pas aussi ordonné que ce que sous-entendent ceux qui adhèrent à la preuve téléologique); par exemple, comment croire en Dieu après Auschwitz ? quel Dieu a pu (ou aurait pu) laisser faire ça ?
Auteurs ou textes
- Nietzsche, Freud : la religion comme faiblesse de l’homme
Cf. Freud, L'avenir d'une illusion :
Les idées religieuses qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé –protégé en étant aimé- besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L’angoisse humaine en face des dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l’institution d’un ordre moral de l’univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées non réalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l’existence terrestre par une vie future fournit les cadres du temps et le lieu où les désirs se réaliseront. Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes, la genèse de l’univers, le rapport entre le corporel et le spirituel s’élaborent suivant les prémisses du système religieux. Et c’est un énorme allègement pour l’âme individuelle de voir les conflits de l’enfance –conflits qui ne sont jamais entièrement résolus- lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptable de tous. |
Problème et thèse :
savoir si la religion est fondée, donc, rationnelle ; Freud
y répond en se demandant quelle est son origine. Le seul
fondement que lui trouve Freud, ce sont les désirs infantiles
d’être aimé et protégé, c’est
donc la peur, le sentiment d’insécurité, et
le besoin d’un père aimant et puissant. Illusion, certes,
mais celle-ci est salvatrice car elle nous réconcilie avec
ces désirs infantiles, donc, avec nous-mêmes…
NB : expression du sentiment d’insécurité à
l’âge adulte : peur des forces naturelles ; angoisse
devant la mort ; non compréhension de l’univers (origine,
finalité, etc.). La religion, sous forme du Père omnipotent,
bienveillant (cf. providence divine = monde futur, mais aussi, origine
du monde…), répond à toutes ces questions et
apporte un réconfort par ses promesses…
Comment se servir de ce texte ?
Dans un devoir sur la religion, a) il servira avant tout dans une partie abordant le sens négatif de la religion. Il faudra alors bien insister sur l’opposition illusion/ réflexion (cf. début du texte), en montrant qu’elle ne paraît pas être quelque chose de fondé, de rationnel. b) Mais peut-être peut-il permettre aussi de mettre le doigts sur un des côtés de l’homme : l’homme n’est pas entièrement rationnel, c’est aussi un être faible, qui ne peut toujours être satisfait par les exigences de la raison. Quand la raison fait défaut, ne peut plus répondre, il invente alors des illusions... Il pourra donc faire aussi figure de troisième partie, dans laquelle on montrera que la religion répond à des besoins bien humains, et aide l’homme à supporter la vie (elle n’a donc pas les mêmes fins que la rationalité, ou que la science, la réflexion) !
- Paley : la preuve téléologique de l'existence de Dieu
Il ne peut y avoir de dessein (design) sans quelqu’un pour le former (a designer) ; d’invention sans inventeur ; d’ordre sans choix ; d’arrangement sans être capable de ranger ; d’utilité (subserviency) et de relation à un but (purpose), sans quelque être qui puisse se fixer un but ; de moyens convenant à une fin, sans que la fin n’ait jamais été envisagée, et que les moyens ne lui aient été ajustés (accomodated to it). Ajustement, disposition des parties, utilité de moyens en fonction d’une fin, rapports des instruments à un usage impliquent la présence d’une intelligence et d’un esprit |
Qu'est-ce qu'un bon métier ?
Le bonheur réside-t-il dans la réussite professionnelle ?
S'épanouit-on dans le travail ou dans le loisir ?
Il s'agit essentiellement de s'interroger sur deux questions :
1) est-ce que le travail s'oppose ou non au bonheur ?
2) est-ce que le travail est seulement de l'ordre de la nécessité naturelle, vitale, pour l'homme (c'est alors seulement pour subsister que l'homme travaille, mais l'idéal serait de ne plus travailler), ou bien est-ce que l'homme doit travailler pour être un être humain digne de ce nom (c'est-à-dire penser, parler, raisonner, être moral, etc.)
Ces deux questions se rejoignent, car il faut savoir qu'il existe deux conceptions du bonheur :
1) le bonheur comme bien être comme "vécu" de l'individu (on parle alors d'épanouissement individuel, personnel)
2) le bonheur comme épanouissement de notre humanité (notre esprit, notre raison) : cf. Aristote, EN, I, 5 (cours bonheur et politique)
On se demande aussi, en ce qui concerne cette notion de bonheur, si le bonheur est seulement le plaisir, la satisfaction de tous nos désirs, ou bien si le bonheur est un effort, (cf. Platon, Gorgias)
Pourquoi l'homme travaille-t-il ? (à cause de quoi et en vue de quoi)
- à cause du fait que la nature n'est pas immédiatement adaptée à l'homme (la nature a besoin d'être transformée) ; à cause du fait que l'individu ne peut satisfaire tous ses besoins naturels tout seul, ou du moins, c'est plus facile à plusieurs (mythe de Prométhée)
- pour s'humaniser (Hegel)? pour se racheter (Genèse)? pour rien (ce serait juste un pis-aller)? pour subsister ?
- définitions économique et philosophique du travail :
1) le côté économique de la vie humaine renvoie à la sphère des besoins, de l'utile : en ce sens, on définira donc le travail comme une activité visant à sastifaire ses besoins, que ces besoins soient naturels et ou sociaux; en général, on dira alors que si l'on travaille, ce n'est pas une fin en soi, mais un moyen, soit pour subsister ( se nourrir, se vêtir, etc.) soit pour s'insérer dans la société (ainsi critiquera-t-on le chômeur...)
2) humanisation de la nature et surtout, humanisation de l'homme (accès à l'humanité, sortie de la nature ou de l'animalité) (Marx, Hegel)
(NB : si on considère que l'homme est un être social par nature, dira-t-on alors que l'homme ne peut devenir homme qu'en travaillant ? -pas si sûr, cf. Aristote qui considérait que l'homme s'épanouit dans le loisir philosophique et non dans le travail, et qui soutenait pourtant que l'homme est naturellement sociable et ne peut donc être un homme digne de ce nom qu'avec ses semblables : c'est que pour lui l'homme va plutôt mettre en commun ses idées sur la justice et la morale, on parle alors de communauté, non pas économique mais politique)
- le loisir : a) sens commun : divertissement; ne rien faire (cf. paresse), activités inutiles etc. b)sens philosophique : réflexion philosophique, développer son esprit (cf. Aristote, Ethique à Nicomaque, livre X)
- désir et besoin : le besoin est nécessaire et naturel, le désir souvent superflu
- la distinction aristotélicienne entre trois activités humaines (production, pratique, théorie)
- en puissance et en acte (concepts également issus d'Aristote) : la "puissance" est synonyme de "capacité", l'"actualité" synonyme d'effectif, de réalisé : par exemple l'architecte peut concevoir un plan de maison dans sa tête : tant que cette maison n'est pas achevée, effectivement existante, elle n'est une maison qu'en puissance, pas en acte. De même, le bébé est un être humain mais il ne naît pas avec sa raison en acte mais seulement en puissance. On notera que ce couple conceptuel suppose la notion de finalité naturelle : l'homme est destiné à exercer telle faculté, par exemple
- Aristote, Politique, I, 2, l'homme est un animal politique (cf. cours Etat partie I; cf. également la fiche "autrui")
- Platon, PT, le mythe de Prométhée : cf. fiche sur la Technique pour trouver ce texte, ainsi que le cours sur la nature et la technique; on voit ici que l'homme, contrairement aux autres animaux, ne peut subsister de manière "naturelle" : il naît sans griffes, sans fourrure, son instinct n'est pas parfait, etc. Cela signifie que l'homme doit créer ses propres conditions d'existence. Ce qui signifie donc également que si dans un premier temps on pourraît s'affliger de la nécessité de travailler (l'homme travaille à cause de sa nature non "finie", non "parfaite", mais le travail montre alors que l'homme est l'être qui a la capacité de se défaire de la nature, de l'animalité)
- la Genèse : le travail comme punition du péché originel : "tu travailleras à la sueur de ton front !"
- Marx, Le Capital : dans ce texte (que vous trouverez dans le cours sur le travail), Marx compar l'architecte projetant de fabriquer une maison, et l'abeille faisant sa riche : seul l'architecte travaille à proprement parler, parce que l'abeille effectue sa tâche par instinct, sans réfléchir avant de faire : la ruche n'est pas le résultat d'un projet, d'une intention. Le travail est donc une activité humaine par excellence, puisqu'il est le fruit de la réflexion
Copyright © Philocours.com 2021