Introduction
On nous demande ici si nous pouvons tout dire. L'expression de "peut-on"
dans le sujet qui nous est proposé ne renvoie pas à
une interdiction ni à une obligation, mais plutôt à
une possibilité. En effet, le sujet suppose des possibilités
physiques et morales comme nous le remarquerons au long de notre
développement.
Au sens commun, le terme de « dire » pourrait désigner
le simple fait de « parler ». Or, la signification de
ce terme est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
En effet, le terme de dire, est, au sens général,
le fait d’émettre les sons d’un langage. Mais
qu’est-ce qu’un langage ? Son sens général
correspond à l’utilisation de signes afin de communiquer.
Le terme de « communiquer » a plusieurs sens, tout comme
celui de « signes ». Le premier terme peut renvoyer
à une mise en commun, donc nous pouvons communiquer sans
langage, mais il peut aussi être l’émission d’une
information d’un émetteur vers un récepteur,
ou, dans un sens un peu plus restreint, il peut aussi être
le fait d’échanger avec une autre personne, ici, nous
sous-entendons un sens dans cette conversation. Pour le second terme
de « signes », nous pouvons le définir comme
étant une présence sensible qui renvoie à quelque
chose d’autre, autrement dit, un signe est composé
d’un signifiant, la présence sensible, et d’un
signifié, ce à quoi il renvoie. Il existe plusieurs
sortes de signes comme les indices ou symptômes, le signal,
le symbole et le signe linguistique. Dans notre développement,
nous nous intéresserons plus particulièrement à
cette notion de communication. Pour en revenir à la signification
du mot « dire » nous pouvons alors le définir
comme le fait d’exprimer un son dans le but de transmettre
une information à un ou plusieurs récepteur(s).
D’après ce que nous venons de définir, nous
pouvons alors reformuler le sujet qui nous est proposé par
la question suivante : « Avons-nous la possibilité
physique et morale d’exprimer un son dans le but de transmettre
une information à un ou plusieurs récepteur(s) ? ».
Nous pouvons aussi nous demander si c’est bien de dire tout
ce qui nous passe par la tête, ou s’il n’est pas
préférable de garder certaines choses pour soi. Et
dans quels moments pouvons-nous tout dire ? Certains sentiments
ne sont-ils pas durs à dire ? Sommes-nous aussi capables
de transmettre une information à un animal, peut-il nous
comprendre ? Le sens de notre phrase est-il obligatoirement compris
par une personne pratiquant une langue étrangère à
la nôtre ?
Première partie
Tout d’abord, nous allons nous intéresser à la question de savoir si tout ce que l’on dit à autrui est juste et bon. Ici, nous prenons le terme de « dire » dans le sens d’une transmission d’un message d’un émetteur à un récepteur. Ce message sert-il toujours dans le but d’une fin meilleure ? Expliquons-nous : lorsque nous entretenons une relation, amicale ou amoureuse, avec une autre personne, souvent, certains conflits avec cette personne sont dus à une facette de sa personnalité. Dès lors, nous nous demandons si nous devons lui dire de corriger ce mauvais côté ou si nous devons nous contraindre à rester muet pour ne pas risquer une rupture avec cette personne. Ici, une autre question se pose, celle de la capacité ou de l’obligation de dire à autrui ce qui nous dérange en lui. Pouvons-nous dire à cette personne son défaut qui nous dérange ?
Pour cela, nous avons différents moyens d’y parvenir.
En effet, la franchise et la sincérité sont reconnus
comme des qualités nous permettant d’exprimer ce que
l’on pense à autrui pour améliorer, si possible,
la situation. Ceci ne peut pas être possible si la personne
refuse de se remettre en question. La franchise ou la sincérité
sont, par définition, les qualités d’une personne
qui exprime ses véritables pensées, ses véritables
sentiments. Par là, l’autre personne ne va pas voir
une fin méchante et va même apprécier que l’on
lui dise la vérité. Le rire, ou l’humour, est
aussi un autre moyen pour faire comprendre à autrui ce qui
nous dérange chez lui. En effet, par définition, l’humour
sert à souligner avec esprit les aspects drôles ou
insolites de la réalité. Dans notre cas, l’humour
servirait à souligner les aspects dérangeants de l’autre
pour lui faire comprendre qu’il devrait s’améliorer.
Par ces différents moyens, autrui comprendrait mieux ses
défauts sans nous en faire le reproche de lui avoir dit.
Pour en revenir plus précisément au sujet, nous pouvons
remarquer que grâce à ces différents moyens,
nous avons la capacité morale de transmettre une vérité
à un récepteur dans son intérêt, et dans
le nôtre. Ici, Jean-Paul Sartre nous soutiendrait dans notre
idée car, selon lui, nous avons besoin d’autrui pour
mieux se connaître. Et, comme nous l’avons remarquer
dans notre exemple, c’est en effet grâce à nous
que l’autre personne a pris conscience de ses défauts,
ce qui a pu lui permettre d’aller plus loin dans sa réflexion
sur elle-même.
En conclusion de cette première partie, nous pouvons dire
que oui, nous pouvons tout dire, c’est-à-dire, que
nous avons la capacité ainsi que la possibilité de
tout transmettre à notre récepteur. Mais cela ne pose-t-il
pas quelques problèmes d’immoralité ? Trouvons-nous
toujours le bon mot, le bon terme pour exprimer à l’autre
ce qui nous tracasse chez lui ?
Deuxième partie
Mais cela n’est pas sans poser quelques difficultés. En effet, cette franchise, cette sincérité ne peuvent-elles pas être quelques fois injustes malgré tout ? Réussissons-nous toujours à trouver le bon mot, celui qui va convenir à la situation ? Mais, qu’est-ce qu’un mot ? Par définition, le mot est un son ou un groupe de sons d’une langue auquel est associé un sens, et que les usagers de cette langue considèrent comme formant une unité autonome. Dans notre cas, nous nous intéressons au sens que ce mot peut provoquer chez autrui. En effet, si la personne considère le sens de ce mot comme un terme assez dur, il ne va pas prendre en compte la réflexion que l’on lui aura faite et va même nous en vouloir pour notre manque de tact même si nous, nous pensions que le sens de ce mot était sans conséquences fâcheuses. La personne considèrera ce mot comme de la méchanceté gratuite, et c’est là que ce pose le problème de capacité morale de tout dire. En effet, ne vaut-il pas mieux garder certaines choses en soi pour ne pas blesser l’autre ? Ne vaut-il pas mieux, encore une fois, d’attendre le bon moment de lui en faire la remarque, attendre une réelle nécessité plutôt que de lui annoncer ses quatre vérités sans une raison valable ?
De plus, les mots que nous voudrions dire à autrui ne sont
pas forcément ceux auxquels nous pensions. En effet, si autrui
nous a blessé dans sa façon d’agir envers nous,
nous avons un sentiment qui n’est pas tout le temps définissable
car il est propre à chacun. Certains d’entre nous pourraient
le sentir comme un simple acte pénible, mais qui pourrait
s’arranger, comme d’autres pourraient le ressentir comme
une véritable trahison. De plus, comme nous l’avons
dit précédemment, un être sincère et
franc dit à son récepteur ses véritables pensées,
ses véritables sentiments. Mais pouvons-nous toujours dire
exactement ce que nous pensons à ce moment-là ?
Aucun d’entre nous ne parviendrait à trouver le bon
mot pour parvenir à définir ce qu’il ressent,
dans la plus extrême précision, comme l’explique
Bergson dans son œuvre le Rire. En effet, c’est une sorte
d’impersonnalité qui s’exprime aux travers des
mots trop généraux. Pour mieux nous expliquer, citons-le
: « Ce sont aussi nos propres états d’âme
qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont de
plus intime, de personnel, d’originalement vécu ».
Par conséquent, pour Bergson, on ne peut pas tout dire sous
peine de déformer notre propre pensée, dans ce qu’elle
d’individuel et de propre à chacun. Pour Bergson, il
faudrait définir chaque terme que nous employons pour parvenir
à définir réellement ce que nous pensons, pour
réussir à garder cette personnalité qui nous
définit et qui nous différencie les uns des autres.
Mais, nous pouvons contredire à Bergson que le fait de définir
chaque propos que nous entretenons serait beaucoup trop long, nous
perdrions beaucoup trop de temps à tout définir à
chaque fois que nous voulons intervenir. Mais, dans le cadre de
nos propres sentiments, de nos propres ressentis, il faut avouer
qu’un plus riche vocabulaire nous permettrait de garder un
certain côté personnel, qui nous différencierait
encore plus des autres êtres humains.
Pour conclure sur cette deuxième partie, nous pouvons répondre
que non, nous ne pouvons pas tout dire car cela poserait des problèmes
de capacité morale, nous risquerions de blesser l’autre
à force de lui dire tout le temps ses défauts. Aussi,
à l’aide du philosophe Bergson, nous avons pu voir
qu’un autre problème se posait, celui de l’impersonnalité
des mots que nous employons, car ils sont souvent trop généraux
pour pouvoir exprimer ce que nous avons de plus individuel. Mais
savons-nous exprimer plus précisément nos pensées
dans une autre langue ? En effet, une langue étrangère
à la nôtre permettrait-elle une meilleure précision
dans nos pensées ? Avons-nous la capacité physique
de nous exprimer dans cette langue étrangère, voire
dans le langage animal ?
Troisième partie
Tout au long de notre développement, nous n’avons parlé que de la possibilité morale, de la capacité morale, à pouvoir tout dire, mais ce que nous n’avons pas remis en cause c’est la capacité physique. En effet, dans notre société se pose un problème, celui des langues étrangères. Si nous, français, voyageons dans quelque autre pays ne pratiquant pas cette langue, comment réussirions-nous à transmettre nos pensées ? Cela ne pose-t-il pas encore un problème d’impersonnalité ? Si nous avons déjà du mal à exprimer nos véritables sentiments à une personne pratiquant la même langue que nous, n’en est-il pas encore plus difficile avec une personne étrangère ? Et si nous réussissons à parler de nos sentiments dans cette langue étrangère, parviendrons-nous à nous exprimer convenablement, à nous faire comprendre ? En effet, en plus de ce problème de la langue étrangère, il existe aussi celui de la prononciation de cette langue. Il faut maîtriser les accents toniques, la prononciation de certaines syllabes ou mêmes des consonnes prononcées différemment. Si nous ne parvenons pas à maîtriser toutes ces petites différences linguistiques, nous ne parvenons pas à nous faire comprendre de l’autre. Nous sommes alors dans l’incapacité physique de nous exprimer dans cette langue étrangère. Mais, pouvons-nous considérer le langage animal comme une langue étrangère ? Se posent-ils les mêmes problèmes qu’avec cette langue étrangère ?
Pour cela, nous allons nous intéresser plus particulièrement
aux différents problèmes que pose le langage animal.
En effet, dans ce cas-là, c’est un réel problème
physique qui s’oppose à nous car, sauf exception, un
être humain ne peut pas s’exprimer dans un langage animal.
La formation physique d’un être humain ne peut pas être
assimilée à celle d’un animal. Sinon, ceux-ci
auraient la capacité de s’exprimer comme nous, c’est-à-dire
en articulant pour former des sons, eux-mêmes réductibles
en mots, et, si leur langage était un peu élaboré,
ils pourraient former des phrases comme dans notre civilisation,
par exemple. Mais, d’après nos connaissances, ceci
n’a jamais été aperçu sinon nous pourrions
parler entre êtres humains, comme nous parlerions à
des animaux. Ne confondons pas cela avec une communication avec
un animal. En effet, nous sommes capables de communiquer avec eux
car, par définition, communiquer est une mise en commun de
deux ou plusieurs éléments, ici, entre les animaux
et les hommes. Communiquer tient aussi pour signification celle
d’une émission d’information envers un récepteur.
Enfin, ce terme peut aussi être synonyme d’échange,
de dialogue et pour cela, il nous faut un sens. Or, un animal comprend-il
toujours ce que nous voulons de lui ?
Prenons pour premier exemple le phénomène du langage
aquatique. Les animaux aquatiques comme le dauphin ou l’orque
utilisent les ultrasons pour pouvoir communiquer entre eux. Or,
sauf exception, les êtres humains ne sont pas formés
pour pouvoir produire des sons aussi aigus. Nous ne pouvons donc
pas dire quelques paroles que ce soit avec ces animaux, si nous
prenons le verbe « dire » au sens d’exprimer un
langage. Ici, nous ne devons pas confondre la notion de «
dire » avec « communiquer » car nous pouvons physiquement
nous mettre en relation avec ces animaux aquatiques, en nous mettant
sous l’eau, tout simplement. Comme deuxième exemple,
utilisons le langage des chiens. Il nous arrive assez fréquemment
d’imiter leur langage, en aboyant par exemple. Mais est-ce
que nous sommes toujours compris par eux ? Par exemple, si nous
nous mettons à aboyer pour faire venir un chien jusqu’à
nous. Or, il suffit que nous nous y soyons mal mis et qu’une
chienne en chaleur ait répondu à notre appel. Comment
cela se fait-il ? Si nous reprenons la définition du langage,
nous nous apercevons qu’il est non seulement composé
d’une communication mais aussi de signes ; celui étant
composé d’une présence sensible, un «
signifiant », qui renvoie à quelque chose d’autre,
le signifié. Or, dans notre second exemple, nous nous apercevons
que notre signifiant, notre « présence sensible »,
a mal été exprimée, par conséquent,
le signifié, ce à quoi nous voulions renvoyer, n’a
pas été compris et il a donc été en
quelques sortes « transformé » par le récepteur
de notre message.
Nous pouvons donc conclure sur cette troisième partie en
disant que notre capacité physique à pouvoir tout
dire est assez limitée, ce qui nous amène à,
soit, ne pas être compris par une personne s’exprimant
en une langue étrangère, soit, ne pas avoir la formation
physique pour pouvoir s’exprimer dans certains langages animaux.
Donc, grâce à cette dernière partie, nous avons
pu voir que nous ne pouvions pas tout dire.
Conclusion
Dans
un premier temps, nous avons vu que oui, nous pouvions tout dire
dans un point de vue moral. Nous avons, en effet, la capacité
morale de pouvoir dire à l’autre ce qui nous semble
essentiel pour son évolution.
Or, nous avons vu, dans un deuxième temps, que cette thèse
n’était pas sans poser quelques problèmes d’immoralité
car l’on pourrait blesser l’autre. Nous avons vu aussi
dans cette partie que le problème de l’impersonnalité
de nos propos se posait à son tour. Dans une troisième
partie, nous avons remis en cause le sujet d’un point de vue
physique et nous avons pu nous apercevoir que notre formation physique
ne pouvait pas toujours nous permettre de tout dire à des
personnes étrangères à notre langue natale,
et même à des animaux.
Par conséquent, nous avons plutôt répondu que
non nous n’avons pas toujours la capacité morale, ni
physique de pouvoir tout dire.
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