Avis général : Devoir très agréable à lire, et d’un bon niveau. Il y a un véritable plan, un réel effort de synthèse, des références philosophiques. Par contre, celles-ci ne sont pas assez exploitées (sauf la référence à Hegel), surtout celle à Descartes, qui était très attendue ici. Je regrette aussi que la notion de conscience ne soit pas assez fermement analysée, définie philosophiquement. Attention à l’abstraction de ta troisième partie. Continue tes efforts !
Note : 14/ 15
Pour finir, voici quelques références qui auraient été utiles et qui sont à connaître pour le bac, donc, à mettre en fiches :
- Aristote, Politiques, I, 2 : l’homme est un « animal politique » (caractère naturellement sociable de l’homme : donc, l’homme ne peut vivre heureux sans les autres ; mais attention, Aristote ne définit pas l’homme comme une conscience) ; tu trouveras ce texte dans mes cours sur autrui et sur l’Etat
- Descartes, Méditations métaphysiques : le
cogito (pour lui, l’homme
peut-être heureux sans les autres car il ne se définit
pas par rapport aux autres) ; tu trouveras ce texte dans
mes cours sur la conscience et sur les Méditations
Métaphysiques ;
- enfin, Sartre, L’existentialisme est un humanisme
ou L’être et le néant : la notion d’intersubjectivité
; tu trouveras ces références développées
dans mon cours sur autrui
-
je te conseille de lire la fiche sur la conscience qui figure
sur mon site, je ne sais pas si c’est déjà
fait ; je crois même qu’il y a une idée
de plan sur le sujet que je t’ai donné
- la fiche sur autrui pourra aussi t’être utile
- à connaître également : la structure
de l’inconscient freudien (ça, moi, surmoi)
La
sagesse traditionnelle nous enseigne que l’homme n’est
jamais satisfait, mais qu’il passe sa vie à courir
« dans le pré (…) de pommier en cerisier »
après un bonheur qui ne cesse de filer, toujours plus rapide
que lui. En effet on constate avec étonnement que l’homme
alors même qu’il jouit de santé, fortune, famille
et réussite sociale et professionnelle continue à
désirer davantage, toujours davantage, voltigeant tel un
papillon inquiet de bonheur anticipé en bonheur anticipé
sans que rien jamais ne le comble. Ainsi on serait amené
à conclure qu’il est dans la nature de la conscience
humaine (1 - Pourquoi parler ici de «
conscience humaine » ? Homme n’est pas synonyme de conscience
; en tout cas, il faudrait le montrer, cela ne doit pas être
affirmé tel quel. 2– On veut justement, ici, savoir
qu’est-ce qui, dans la conscience, pourrait faire qu’elle
est a priori, ou peut-être, malheureuse. Toi, tu sous-entend
trop tôt que c’est à cause de sa conscience que
l’homme ne trouve pas le bonheur : attention ! Ne va pas trop
vite !) que son bonheur lui échappe fatalement, et
que l’insatisfaction en fait partie intégrante: la
conscience est-elle malheureuse ? (Même
erreur que celle relevée ci-dessus : tu ne peux amener cette
question car tu n’as parlé que de l’homme. Exemple
de ce que tu aurais pu faire : « De quoi cela vient-il ? (que
l’homme est malheureux) Qu’est-ce qui, dans l’homme,
peut faire qu’il n’arrive pas à trouver le bonheur,
à être entièrement satisfait de lui-même
et du monde qui l’entoure…. ? Ne serait-ce pas la conscience
? En effet, qu’est-ce que la conscience ? (définition)
)
Par « conscience » nous entendons ici le sujet pensant,
ce que quelqu’un « a dans la tête » : idées,
perceptions, sensations, jugements, volitions, désirs, rêves
etc…, que ces pensées soient spontanées ou au
contraire réfléchies après retour du sujet
pensant sur le contenu de sa conscience. ‘Conscience’
est ici synonyme de ‘personne’, d’ ‘être
humain’ qui fait l’expérience de lui-même
et de son monde (Ici, tu peux dire
que la conscience est synonyme d’être humain, mais tu
vois que c’est en certain sens, et puis, cette définition
vient trop tard). Un être est malheureux lorsqu’il
lui manque quelque chose ou quelqu’un; par ‘malheur’
il faut donc entendre ‘incomplet’, ‘qui n’a
pas tout ce dont il a besoin pour exister pleinement et développer
tout son virtuel’. Ainsi le malheur c’est d’abord
la solitude, l’incapacité de se communiquer aux autres
(Tu ne peux pas dire cela «
tel quel », sans démonstration. Pourquoi ? Parce que
si l’homme n’est heureux qu’en société,
cela sous-entend qu’il est un être naturellement sociable,
ce qui ne va pas de soi –en tout cas, dans un devoir, cela
nécessite vraiment une démonstration. La solitude
pourrait après tout être bénéfique à
l’homme, non ? –D’ailleurs, tu abordes cela à
un moment dans ta copie. Plus encore, c’est la conscience
qui doit être définie comme une espèce d’
« inter-conscience ». Ce mot n’existe pas, bien
sûr, mais il existe une notion approchante en philosophie,
celle d’ « inter-subjectivité » -cf. texte
de Sartre dans le cours sur autrui : la conscience ne se définit
que grâce à la rencontre avec d’autres ) .
Ensuite, est malheureux l’être qui vit en conflit avec
lui-même, qui ne se reconnaît pas dans ce qu’il
est ou ce qu’il fait. Finalement ‘malheur’ est
synonyme de ‘perte de soi’, ‘mutilation’.
Nous pouvons donc nous poser les questions suivantes : comment la
conscience se rapporte-t-elle aux autres consciences ? La conscience
vit-elle en harmonie avec son contenu ? La conscience est-elle entière (un peu maladroit) ?
Bilan : assez bonne introduction ; les bonnes questions sont posées, le questionnement est pertinent, tu essaies vraiment de définir les termes. Le problème de cette introduction, par contre, c’est qu’elle reste encore trop « morcelée » : tu introduis tes définitions les unes à la suite des autres, alors qu’on aimerait qu’elles apparaissent tout de suite (et non si tard), à l’intérieur de ton questionnement (cf. l’exemple de questionnement que je te donne ci-dessus). Ceci dit, c’est déjà d’un bon niveau, beaucoup d’élèves ne font pas du tout cet effort de définition et d’interrogation au bac ! On aime donc voir des intro comme ça, vous n’êtes qu’en terminale, donc, en phase d’apprentissage ! Continue donc tes efforts.
(On aimerait voir ici très explicitement à
quelle question tu vas répondre en premier, ou quelle va
être ta première thèse –qui fera l’objet
de ta démonstration. Bien sûr, on voit bien que cette
question est : « comment la conscience se rapporte-t-elle
aux autres consciences ? » ; mais redis-le ; et puis tu pourrais
ajouter : est-ce que par hasard le rapport inter-consciences est
ce qui fait que la conscience est malheureuse ?)
La conscience se distingue spontanément des autres consciences.
Dés un très jeune âge l’enfant différencie
entre lui-même et les autres et ne se désigne plus
par la troisième personne, mais par ‘je’ : ‘je
veux’ au lieu de ‘Pierrot veut’. L’enfant
découvre aussi que ses pensées et expériences
sont invisibles aux autres et que lui-même ne peut pas voir
les leurs. Pour n’être pas vu il ne suffit pas de fermer
les yeux : ce n’est pas parce que je ne vois pas les autres
que les autres ne me voient pas. De cette manière je me rends
compte que les autres ne font pas nécessairement les mêmes
expériences que moi, ne voient pas les mêmes choses
ou les choses de la même façon: mon frère trouvera
ennuyeux un film qui m’a vraiment plu et ne comprend pas pourquoi
ça m’irrite qu’il emprunte mes pulls alors que
lui-même me prête volontiers les siens. Plus grave,
je découvre que je n’arrive pas toujours à faire
comprendre aux autres, à la famille ou aux amis, ce que je
pense ou ce que je sens. Un mot n’a pas automatiquement le
même sens ou connotation pour tout le monde et il y a facilement
des malentendus. Je peux mentir aux autres, mais eux aussi peuvent
me duper et je ne sais jamais vraiment ce qui se passe dans la tête
d’un autre. (Ici, il aurait fallu introduire
un contenu plus philosophique, plus « conceptuel » :
cf. définition cartésienne de la conscience comme
intériorité, comme « citadelle intérieure
», expression que tu as l’air de connaître mais
que tu utilises par ci par là sans que jamais dans ton devoir
cela soit thématisé, en tout cas, pas philosophiquement,
c’est-à-dire, à l’aide de définitions
ou de références philosophiques. C’était
attendu, dans ce devoir ).
Ainsi la conscience se découvre comme coupée des autres consciences et fera de son mieux pour briser sa solitude : les associations entre êtres humains – activités communes, réunions – les thérapies et les œuvres d’art sont autant de tentatives pour la conscience de rompre son isolement et atteindre l’autre. Par exemple Proust écrit que « par l’art nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre (…). Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier et, autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition » (Le Temps Retrouvé). Ce que cherche la conscience c’est autant de se communiquer aux autres consciences, de se faire voir telle qu’elle est, que de les découvrir telles qu’elles sont, pénétrer dans leur univers et se joindre à elles (Vraiment, j’insiste, ici, il faudrait pouvoir démontrer que l’homme est un être qui a naturellement besoin des autres ! Cf. Aristote, Politiques, I, 2 : « l’homme est un animal politique » ; Sartre, L’existentialisme est un humanisme, ou L’être et le néant : la notion d’intersubjectivité) .
Toutefois ces tentatives inlassablement recommencées se soldent toujours par un échec puisque les autres consciences ne nous sont pas directement accessibles : je ne pourrais jamais voyager dans la tête de quelqu’un d’autre car si je vois ce qu’il voit c’est quand même toujours moi qui vois ; autrement dit je ne vois la pensée de l’autre qu’une fois qu’elle est devenue ma pensée et alors ce n’est plus lui mais moi que je vois. Quoiqu’elle fasse la conscience reste irrémédiablement isolée et plus elle cherche à sortir d’elle-même et s’élance vers autrui, plus elle se cogne contre les parois de sa cellule dont elle est fatalement la prisonnière. (cf. le film « Dans la peau de John Malkovitch » !)
La
conscience est donc malheureuse parce qu’elle est une île (attention, en philo, on n’aime
pas trop les métaphores, ou alors il faut les développer,
ce que tu ne fais pas ; il vaudrait mieux parler d’intériorité
!) et on pourrait penser que la remède à ce
malheur serait l’autarcie : puisque la conscience ne peut
pas atteindre l’autre, pourquoi ne pas se suffire à
elle-même ? (Oui, dans ce cas,
l’homme est un être qui n’a pas vraiment besoin
des autres –on est dans une thématique cartésienne
et non plus aristotélicienne) En effet, si la conscience
ne connaît pas l’autre, en revanche on peut supposer
qu’elle se connaît parfaitement elle-même et pourrait
donc jouir de la contemplation du monde tel qu’il lui apparaît.
Si j’ai établi comme Descartes dans les Méditations
Métaphysiques que Dieu existe et qu’il ne me trompe
pas, que donc les idées qui m’apparaissent comme claires
et distinctes sont vraies et peuvent me renseigner sur le monde
extérieur, que ce monde se donne donc à moi dans la
perception que j’en ai et qu’en conséquence je
peux aller à sa découverte sans la moindre assistance
d’autrui, cette indépendance ne console-t-elle pas
ma conscience malheureuse ? Si en outre je sais qu j’aime
Pierre et que celui-ci m’apparaît comme m’aimant,
la confiance que j’ai en lui ne me suffit-elle pas pour être
heureuse sans avoir besoin de voir ce qui se passe dans sa conscience
du moment où je sais du moins ce qui se passe dans la mienne
?
(Très bonne progression et
transition. Ce que je trouve par contre vraiment dommage, c’est
que tu aurais dû ici insister sur la toute-puissance de la
conscience sur elle-même, donc, sur le cogito cartésien
–cf. « transparence à soi de la conscience »-,
ou bien sur les sagesses antiques, les stoïciens par exemple.
Ici, tu abordes cette thèse, très importante, sans
vraiment l’explorer. Elle aurait vraiment dû faire l’objet
d’une seconde partie, à mon sens. Sinon, tu as dit
dans une même partie une thèse et son contraire. Bon,
je vois bien que ça se voulait une transition, mais finalement,
tu l’abordes, pour de nouveau défendre une thèse
soutenant que la conscience est malheureuse ! Tu vas dire maintenant
qu’elle est malheureuse car non seulement elle est séparée
des autres mais aussi d’elle-même, mais tu dois bien
te rendre compte que tu n’as jamais vraiment montré
qu’elle pouvait être « complète »,
en harmonie avec elle-même !)
Néanmoins ce n’est peut-être pas si simple : la conscience connaît-elle vraiment tout ce qui se passe en elle ? (Ici, c’est bien, tu introduis par une question) Sa citadelle lui est-elle à ce point familier ? En effet il suffit de considérer attentivement une quelconque de nos perceptions pour nous rendre compte que l’idée d’une conscience pleinement lucide est bien naïve (tu vois bien que cette thèse, tu ne l’as jamais vraiment démontrée, soutenue !). Leibniz donne l’exemple de notre audition des bruits de vagues que nous percevons comme un tout alors qu’elle ne peut être que la somme des bruits infimes que chaque vague imprime sur notre ouïe et que nous sommes néanmoins incapables d’entendre. Ainsi il conclut que « il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et réflexion, ie, des changements dans l’âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que ces impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre, ou trop unies, en sorte qu’elles n’ont rien d’assez distinguant à part, mais jointes à d’autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l’assemblage. » (Nouveaux Essais)
Nous serions tentés d’objecter que ce qui rend ces
petites perceptions imperceptibles c’est qu’elles sont
l’effet de quelque chose d’extérieur à
la conscience, l’eau des rivières par exemple, et que
lorsque nous parlons de ‘transparence de la conscience’
nous nous référons au contenu qui a son origine en
elle, qui donc lui est propre, et non à sa perception des
choses extérieures qui dépend de l’union de
l’âme au corps. Ainsi nous distinguons entre la perception
de par exemple un bâton sous l’eau et qui nous apparaît
en conséquence comme plus gros et moins droit qu’il
ne l’est, ou du soleil éloigné qui nous semble
tout petit, et nos désirs et réflexions qui, eux,
ne sont pas directement causés par un objet extérieur
et que donc nous croyons connaître parfaitement. (Ici,
j’ai un peu de mal à te suivre : tu voudrais montrer
que nous croyons que nos pensées, désirs, etc., ou
même certaines réflexions, ne viennent que de nous,
alors qu’en fait elles nous viennent d’ailleurs –en
tout cas, nous ne sommes pas maîtres de notre conscience,
qui nous est donc étrangère et donc pas « transparente
» ?)
Toutefois il y a des raisons de penser que la conscience n’a qu’une perception imparfaite et partielle de ses désirs et sentiments. Ainsi l’étude des rêves faite par Freud révèle que la personne qui rêve premièrement ne comprend pas le sens de son rêve qui lui paraît toujours confus voire bizarre, et deuxièmement, ignore les mobiles qui le lui ont fait faire. Dans Introduction à la Psychanalyse, II, Freud aide une jeune mariée à comprendre un rêve qu’elle a fait et qui à prime abord paraît sans relation avec sa vie de femme, mais qui en fait exprime au moyen de déplacements et de condensations le désir inavoué de n’être pas déjà mariée. (A développer : exemple d’acte manqué, de choses que nous faisons sans que nous sachions pourquoi, ou sans que nous en comprenions le sens….)
Par
conséquent il faut admettre qu’il existe une région
de la conscience qui ne lui est pas accessible, l’inconscient,
et qui pourtant exerce son influence sur elle à son insu.
Loin d’être maître chez elle, transparente et
lucide, la conscience se révèle peut-être encore
plus difficile à connaître que le monde extérieur (Très bien !). Au lieu d’être
un refuge pour le sujet en quête de paix et de certitude,
la conscience ressemble à ces fonds marins qui, à
peine éclairés par les faibles lampes du plongeur,
laissent parfois deviner comme une ombre la silhouette d’une
algue ou d’un poisson, mais dont la majeure partie reste enfoncée
dans un noir inaccessible aux photons lumineux. Ni rassurant ni
familier, ce fort intérieur est peuplé d’inconnus
qui, aussi imprévisibles qu’inintelligibles, blessent,
déroutent et déconcertent la conscience qui, si elle
est égarée et malheureuse dans le monde extérieur,
l’est bien davantage en elle-même. La conscience est
malheureuse parce qu’elle ne vit pas en harmonie avec son
propre contenu ; elle est étrangère à elle-même. (Très bonne progression encore
; mais la notion d’inconscient aurait dû être
davantage thématisée, ie, conceptualisée)
Néanmoins la solitude et le conflit interne de la conscience (Bon effort de synthèse !) ne sont en fin de compte que deux manifestations d’un malheur bien plus profond qui est la nostalgie d’un accord originaire avec l’Etre, le monde et elle-même, et le sentiment qu’elle s’est perdue sans savoir comment ni pourquoi. Ainsi toutes les civilisations produisent des mythes qui racontent un âge d’or où l’homme vivait en totale harmonie avec à la fois la Transcendance et les créatures inférieures (Qu’est-ce que c’est ? A développer !). La Genèse par exemple dépeint le jardin de l’Eden où Yahveh parlait à Adam et celui-ci connaissait le langage des animaux, mais dont il a été expulsé. Il semble donc que la conscience ait l’intuition d’elle-même comme de quelque chose qui soit ancrée dans le fondement même du monde, les Idées chez Platon, l’Englobant chez Jaspers, mais que cet ancrage ait été sevré, les Idées oubliées et l’Englobant scindé en un sujet et un objet qui voudraient en vain faire retour sur leur origine. (Un peu abstrait : il faudrait développer ou alors « faire plus simple » -attention à ce genre de développement au bac : ça passe ou ça casse, ie, ça dépendra du prof qui corrige… -D’ailleurs, finalement, attention, la notion de conscience n’est jamais assez définie dans ton devoir, du moins, philosophiquement)
Le sens du Savoir (Attention : c’est
un concept typiquement hégélien ; il ne faut jamais
sortir un concept propre à un auteur de son contexte ; il
faut l’amener ; tu aurais donc dû ici citer Hegel avant
de parler de cette notion)– connaître le monde
et se connaître soi-même – est donc justement
de retrouver cette conscience originelle qui faisait un avec elle-même
et le monde. Ainsi le désir de savoir peut se comprendre
comme un moyen pour la conscience malheureuse de surmonter son malheur
et de retrouver son unité perdue. Hegel appelle ce cheminement
de la conscience vers toujours davantage de lucidité et de
richesse la Phénoménologie de l’Esprit, processus
au cours duquel la conscience traverse plusieurs étapes pour
atteindre l’identité du Sujet – elle-même-
et de l’Objet –le monde, mais elle l’ignore jusqu’à
ce quelle atteigne le Savoir absolu.
Le malheur de la conscience est qu’au commencement elle connaît immédiatement son objet, la scission entre elle-même et le monde n’a pas encore eu lieu. Hegel appelle cette figure de la conscience la certitude sensible. Cet accord originel est perdu dés que la conscience fait retour sur elle-même pour dire son objet puisque elle découvre qu’elle ne peut pas dire le singulier, mais seulement l’universel : la maison en général, mais pas l’expérience de cette maison-ci. La conscience fait alors l’expérience douloureuse de l’inadéquation entre elle et son objet intentionnel (c’est quoi, l’intentionalité ? Attention, tu abordes ici une notion philosophique, tu es obligée de la développer un minimum) , et le choc de cette contradiction la poussera à dépasser la certitude sensible. Le résultat en est une nouvelle figure de la conscience qui est la synthèse de la première figure et de sa négation, et qui sera elle-même niée à la prochaine étape qui est la synthèse encore une fois de la figure précédente et sa négation. Chaque nouvelle étape est donc riche de toutes les précédentes et d’une réflexion sur le sens de celles-ci. Ce sont les contradictions que la conscience découvre au sein de chaque figure qui la rendent malheureuse, puisque ces contradictions sont une fissure intérieure à elle, et qui la poussent à évoluer vers la suivante.
Nous voyons donc que le malheur de la conscience a son origine dans le sentiment qu’elle est amputée d’une partie d’elle-même, qu’elle n’est pas entière et qu’elle cherche à se retrouver en se retrouvant dans son objet puisque c’est seulement au moment où, pour reprendre les termes de Hegel, le réel – c’est à dire le monde, l’objet, l’extérieur à la conscience – s’est révélé rationnel – c’est à dire pensé par la conscience, assimilé par elle en un concept – que la conscience se sera retrouvée elle-même entièrement en découvrant qu’elle fait un avec le monde, qu’elle est son objet et que tout l’Etre est elle-même.
Bilan de cette partie : je retrouve le même défaut et la même qualité que dans ton devoir précédent. En effet, la qualité de cette partie réside dans le fait que tu essaies vraiment de faire une synthèse, et que tu as bien compris ce qu’il fallait faire, par conséquent, dans une troisième partie. Mais le défaut réside dans le fait que c’est un peu trop théorique/ abstrait, bref, compliqué peut-être… Mais bravo quand même pour la compréhension de Hegel, c’est remarquable. La question que je me pose est la suivante : serais-tu capable de faire ça le jour du bac ? Ce n’est pas un reproche, mais j’aimerais savoir comment tu as travaillé : avec tes notes toujours sous les yeux, ou bien as-tu réussi à écrire cette partie sur Hegel « de mémoire » ? C’est en tout cas à ça qu’il faut que tu t’entraînes. Je dis ça en vue du bac, car je sais bien qu’un devoir à la maison, inévitablement, comporte des références philosophiques qu’on ne pourrait peut-être pas « ressortir » en 4h00, parce qu’on fait des recherches. C’est normal, et très bénéfique, car on apprend beaucoup de choses, on acquiert une culture –je dirais même que sans ces recherches, le jour du bac, on ne peut pas faire un très bon devoir. J’ai moi-même toujours fait beaucoup de recherches pour mes devoirs à la maison, que ce soit en term, à la fac, et même pour faire mes cours ! Mais ce qu’il faudra qu’on fasse ou du moins que tu fasses à un moment dans l’année (au milieu par exemple) c’est faire un devoir sans faire de recherches, sans notes ; je te dirai de réviser telles ou telles notions, tels auteurs, et puis, tu essaieras de faire l devoir en quelques heures, dans les conditions du bac. C’est pas évident quand on est à la maison, on y passe toujours un peu plus de temps, mais bon, il faudra essayer !)
Ainsi
la conscience est malheureuse tant qu’elle n’a pas atteint
le Savoir Absolu. Or on peut se demander si ce Savoir peut être
atteint et s’il n’est pas un idéal que la conscience
peut approcher de manière asymptotique, sans jamais parvenir
au but. En effet ce Savoir ultime suppose que le sujet fasse un
avec son objet intentionnel, que le je pense ne se distingue plus
du tout de sa pensée puisque à cette étape
suprême je suis conscient d’être la totalité
de tout ce qui est et cette totalité est totalement présente
dans tout ce que je pense. Cependant l’identification du sujet
et de l’objet n’est pas pensable : je ne peux pas concevoir
une totalité sujet-objet sans distinguer implicitement du
moins le sujet de l’objet. Par conséquent le malheur
de la conscience ne peut pas être surmonté, seulement
atténué : il y a un bonheur relatif pour la conscience,
pas de bonheur absolu. La conscience est bien malheureuse jusque
dans ses fondements.
Copyright © Philocours.com 2021