Résumé: Thèmes annexes : vérité, raison, démonstration |
De quoi parlent les mathématiques ?
La raison est-elle de nature logique ?
Logique : science des formes correctes de raisonnement
Vrai et valide : est vrai un discours qui s’applique au monde, et qui nous dit comment il est vraiment ; est valide un discours logiquement correct
Syllogisme : raisonnement logiquement valide
Vérité analytique et synthétique, a priori et a posteriori, nécessaire et contingente, logique et empirique ; formelle et matérielle…
Logicisme et formalisme : doctrines qui stipulent que les mathématiques sont de nature logique (Leibniz, Russell) ou peuvent s’y réduire (Hilbert).
Réalisme et nominalisme : le réalisme mathématique croit qu'il existe un monde idéal des objets mathématiques (cf. réalisme platonicien et monde des Idées); le nominaliste croit au contraire que les êtres mathématiques ne sont pas de véritables objets et que l'on n'a affaire qu'à des conventions...
Problème n°1 : les mathématiques sont-elles de nature logique ?
Problème n°2 : quelle est la nature des objets mathématiques ?
Si les mathématiques sont de nature logique, alors, elles ne peuvent être qualifiées de connaissance au sens où elles auraient un contenu et décriraient ce contenu. En effet, la logique est une connaissance en un sens bien particulier : on parle de connaissance formelle. Elle ne concerne que la forme de nos raisonnements. Il semble que les math soient bien de nature logique, car tout y est démonstration, et mise en relation déductive de propriétés abstraites.
Hume dit que logique et mathématiques sont des vérités analytiques : une vérité analytique est une vérité qui ne concerne que la mise en relation de nos idées ; de ce fait, elle a pour caractéristique essentielle d’être toujours vraie car rien ne peut la remettre en question, elle ne peut donc jamais changer (synonyme : « vérité éternelle »). Exemples : « 2 et 2 font 4 », « tous les célibataires sont non mariés » ; autre caractéristique de ces vérités : on n’a pas besoin, pour les connaître, de sortir de notre esprit (pas de confrontation avec l’expérience).
On oppose à ce genre de vérité les vérités synthétiques : vérités d’expérience (portent sur le monde) ; pas toujours vraies (« le soleil se lève tous les jours » peut devenir faux s’il y a une catastrophe nucléaire, par exemple).
Si donc les vérités mathématiques sont dites absolument certaines, c’est en tant qu’elles n’ont à voir qu’avec les règles de notre esprit.
Problème : sont-elles vraiment de nature logique ? N’ont-elles pas de contenu ? cf. problème n°2.
On répondra que ce dont parlent les mathématiques, ce n’est évidemment pas d’objets sensibles (où y a-t-il un nombre dans la nature ?). Certains vont pourtant dire que les math semblent avoir affaire à un domaine d’objets spécifique : cf. Platon : « objets idéaux », supérieurs au objets sensibles. Le mathématicien s’occupe de l’égal en soi, du triangle en soi, qui existent hors de l’esprit, dans un monde idéal. Position de Platon = réalisme mathématique. Critique : le nominalisme : il n’existe que des individus, des objets généraux ne peuvent exister. Platon transforme des idées en choses.
Mais ce qui reste troublant c’est que les math, quand même, sont présentes dans la physique, et que ce sont elles qui rendent cette connaissance certaine. Comment se fait-il qu’elles permettent, notamment, de faire des prédictions ? Solutions : le monde est de nature mathématique (Galilée)? (sorte d’harmonie réglée par les nombres) ; ou bien (Kant) elles concernent la structure de l’esprit : math = s’occupent de nos intuitions pures que sont l’espace et le temps (formes de la sensibilité humaine) ; dès lors, comme le monde obéit à ces structures, alors, il est normal que, sans dériver de l’expérience, elles s’y appliquent ! Position kantienne : intuitionisme
Platon, La république, livre VI : les mathématiques sont une science noble car elles habituent l’esprit à se dégager des sens, et donc, à accéder au monde des Idées ; mais elles ont un statut inférieur à la philosophie, car elles sont une connaissance hypothético-déductive : elles ne sont pas la science des Idées
Kant, Critique de la raison pure : les math sont synthétiques a priori (et non analytiques) : cf. fait que des notions de 5 et de 7, vous ne pouvez déduire le concept de 12 : il vous faut pour cela recourir à l’intuition (compter, par exemple) ; cf. ci-dessus, les intuitions pures
Note : dans le nouveau programme, on ne dit plus "théorie" et expérience, mais "raison" et expérience. Il s'agit grosso-modo de la même chose, si on prend le terme de "raison" en son sens général : faculté de connaissance de l'homme. Il s'agit toujours d'envisager les rapports entre un esprit connaissant et le monde. La raison est la faculté par laquelle on élabore des théories, des explications de la réalité (ce n'est évidemment pas avec vos sens que vous allez les élaborer !) |
Sujets fréquemment proposés sur ce thème :
Les théories sont-elles issues de l’expérience ?
L’expérience instruit-elle ?
Les théories scientifiques décrivent-elles la réalité ?
Thèmes annexes : la vérité, la science (thème général : la connaissance, et, plus précisément, problème des rapports esprit (théorie = connaissance) et monde (expérience)).
1) expérience : le monde extérieur ; l’expérimentation (expérience au sens de test d’une théorie ou d’une hypothèse : on vérifie la vérité de théorie à l’aide de l’expérience);
2) théorie : théorie = « vue de l’esprit » ; connaissance ; esprit humain ; hypothèse
3) la vérité : se dit de nos énoncés à propos de quelque chose ; un énoncé est dit vrai quand il y a adéquation esprit et monde
4) l’induction : a) type de raisonnement qui consiste à tirer une généralité à partir de multiples cas particuliers qui se ressemblent ; b) acquisition de connaissances à partir de l’expérience (au sens de monde extérieur, mais aussi, d’une multitude de cas particuliers)
5) connaissance subjective et objective : attention, il faut bien distinguer ce qui est subjectif au sens de « propre à chacun », et au sens de ce qui est « propre à l’homme ». Ce dernier sens permet bien une objectivité, i.e., une connaissance non illusoire de la réalité.
1) comment faisons-nous l’acquisition de connaissances (théories) ? Est-ce à partir de l’expérience ? Bref : quel rôle joue l’expérience dans l’acquisition de nos connaissances (en général, et/ ou scientifiques) ?
2) quelle est la valeur de nos connaissances ? recopient-elles fidèlement le monde? (connaissons-nous le monde tel qu’il est vraiment ?)
3) quelle est la valeur, plus particulièrement, de nos connaissances scientifiques ? peuvent-elles être dites « vraies » absolument parlant ?
Sur rapport théorie et expérience en général :
Empirisme (Hume) :
1) les théories sont issues de l’expérience (« inductivisme ») « rien n’est dans l’esprit qui n’ait d’abord été dans les sens »
2) nos connaissances recopient fidèlement le monde extérieur (car on observe le monde sans rien y projeter qui vienne de nous)
Rationalisme (Leibniz) :
1) les théories ne sont pas issues de l’expérience ; la raison ou l’esprit de l’homme possède en lui certaines notions qui nous permettent de comprendre le monde (idées innées)
2) idem
Rationalisme critique (Kant) :
Sorte de synthèse : la connaissance commence avec l’expérience, mais pour autant elle n’est pas entièrement issue de l’expérience ; ce qui le prouve, c’est que l’expérience est particulière, alors que la connaissance est générale et même universelle (exemple : l’expérience nous dit qu’un corps particulier tombe, pas que tous les corps dans le vide tombent à la même vitesse). Par conséquent, il faut postuler que les connaissances viennent aussi d’autre chose que de l’expérience. Cet autre chose, c’est l’esprit de l’homme. Nous avons dans notre esprit certaines structures (cadres) à travers lesquelles nous « observons » la réalité (Kant les nomme des « catégories »). Ce sont elles que nous ajoutons à l’expérience pour en former des connaissances/ théories.
Sur rapport théorie et expérience dans les sciences :
Problème de savoir si les théories scientifiques sont absolument vraies : reproduisent-elles fidèlement le monde ? Quels sont les rôles respectifs de l’esprit et du monde et dans leur formation ? Enjeu : si on répond que c’est l’esprit qui joue le plus grand rôle, alors, pas de vérité absolue, car pas reproduction exacte du monde.
On dira que la théorie, en science, précède l’expérience : théorie, au sens d’hypothèse, d’idée préconçue : il faut bien savoir, notamment, ce que l’on cherche, donc, pas d’expérience « neutre », entièrement indépendante de toute théorie (de toute projection de l’esprit humain). cf. rôle des instruments : emprunts de connaissance, filtre… On pose des questions à la nature, au monde extérieur, ce qui détermine ce qu’on va y voir (on ne voit pas le monde en soi). NB : ces questions naissent souvent du problème posé par une théorie déjà existante, donc, par nos connaissances.
Rôle de l’expérience en science : pas origine de la connaissance mais vérification, test, d’une théorie.
Deux modèles de la genèse des théories scientifiques :
1) inductivisme (empiristes) : on va de l’expérience, à la généralisation, à la théorie
2) hypothético-déductivisme (Popper, Kant) : problème-hypothèse (théorie)-expérience (test)-corroboration ou réfutation
Deux fonctions des théories scientifiques :
1) instrumentalisme : ce sont des interprétations cohérentes de la réalité, un modèle du réel inventé par l’esprit ; il permet de faire des prédictions ; exemple : la réalité est de nature atomique .Qui dit cohérente ne dit pas forcément « vraie » : on ne sait pas, et on ne veut pas dire, si la réalité est véritablement telle ; par conséquent, on ne dira pas qu’une théorie est plus vraie qu’une autre mais plus efficace. Présupposé : l’homme ne peut atteindre la réalité telle qu’elle est vraiment
2) réalisme : les théories scientifiques décrivent le monde tel qu’il est « en soi ». Présupposé : l’homme peut atteindre la réalité telle qu’elle est vraiment.
Les
sens trompent-ils ?
Puis-je être sûr de ne pas me tromper ?
La vérité change-t-elle avec le temps ?
Y a-t-il des vérités non rationnelles ?
Le dialogue est-il le chemin de la vérité ?
La vérité dépend-elle de nous ?
Vérité-correspondance ou vérité adéquation : la vérité c’est l’énoncé qui est conforme à ce qui est, qui dit les choses comme elles sont. Attention, la vérité n’est pas « ce qui est » : la notion de vérité qualifie toujours un énoncé, une connaissance, pas le réel. On ne définit donc pas la vérité comme synonyme de « ce qui est ».
Qu’est-ce que le réel ?
a) Le réel c’est d’abord ce qui est extérieur à l’esprit.
b) C’est également ce qui est appréhendé par nos sens (le monde « sensible »). On peut enfin dire que le réel ce n’est pas le monde sensible, mais le monde intelligible ; « intelligible » voulant dire, soit ce qui est appréhendé par notre esprit (cf. le morceau de cire de Descartes), soit ce qui est de nature différente (cf. le monde des Idées de Platon). Le réel n’est donc pas synonyme de « sensible ». C’est au contraire ce qui se cache sous ou derrière les apparences sensibles. Cf. thème de l’illusion des sens.
Certitude : définition de la vérité comme état de notre esprit ; rejoint la notion de vérité-correspondance, sauf qu’il n’y a pas l’idée de sortir de soi-même pour comparer notre énoncé avec un objet extérieur ; le problème de cette définition de la vérité est qu’elle ne nous permet pas, cf. ci-dessous le critère de la vérité cartésien, de savoir si oui ou non ce que nous disons est vrai, ou si nous ne possédons qu’une opinion, ie, une « connaissance » non justifiée.
Vérité-cohérence : on conçoit ici la vérité comme étant de nature logique. Sera vrai l’énoncé qui respecte les règles élémentaires de la logique, qui, depuis Aristote, sont au essentiellement au nombre de 3 : 1) le principe d’identité : dans une inférence logique, un terme doit rester identique à lui-même ; 2) le principe de contradiction, qui stipule que dans une inférence logique, on ne peut trouver une affirmation et l’affirmation contraire ; 3) le principe du tiers-exclu qui stipule que dans une on ne peut accepter de troisième solution outre la vérité ou la fausseté d’une affirmation.
Définition de la démonstration :
raisonnement permettant de déduire (ou inférer) une
conclusion à partir d’hypothèses de départ.
Démontrer n’est pas montrer car la démonstration
renvoie à des arguments rationnels, pas à l’évidence
sensible.
Problème de cette conception : l’esprit ne sort pas
de lui-même, on n’apprend rien sur le monde. Cette «
vérité » n’est que celle du raisonnement
et pas celle de ses prémisses (affirmations d’où
nous partons). On parlera ici de validité plutôt que
de vérité.
I- L’homme a-t-il la possibilité de connaître la nature profonde de la réalité ? C’est-à-dire, de s’abstraire de son point de vue subjectif/ humain sur le monde ?
Deux réponses : l’idéalisme et le réalisme
1) l’idéalisme
a) idéalisme épistémologique : peut-être ne pouvons-nous pas savoir comment est le monde véritablement (« en dehors de nous »), ni même s’il existe, car nous ne voyons le monde qu’à travers nos capacités humaines de connaître ; cf. idéalisme problématique de Descartes (l’argument du malin génie, fin de la première méditation)
b) idéalisme ontologique : il n’existe
que des esprits et leurs « idées » (le terme
d’idée étant pris ici en un sens très
général : la sensation, la perception, le concept)
; cf. Berkeley
2) le réalisme
a) le réalisme du sens commun : idée
selon laquelle nous avons immédiatement affaire au réel,
et à la nature du réel, à travers nos sensations/
perceptions (rejoint l’empirisme)
b) le réalisme platonicien : correspond à l’idée selon laquelle il existe une réalité indépendante à l’esprit, mais attention, cette réalité n’est pas du tout le monde des apparences sensibles, mais le monde des Idées
II- comment connaissons-nous la réalité ? à travers nos sens, ou notre raison ?
- Platon, Allégorie de la caverne, dans la République, livre VII : monde sensible versus monde intelligible
- Descartes, Première Méditation : les sens sont douteux
- Descartes, Seconde Méditation, l'épisode du morceau de cire : ce n'est pas par nos sens que nous accédons à la réalité mais à travers notre esprit (cf. différence sensation/ perception)
III- Quel est le critère de la vérité ? C’est-à-dire, comment savons-nous que nous possédons la vérité ? Quelles sont les méthodes pour y parvenir ?
- réponse de Descartes dans les Méditations Métaphysiques : le vrai s’impose, le vrai, c’est l’évidence ; attention, l’évidence ou l’intuition dont nous parle Descartes n’est pas une intuition sensible mais rationnelle (modèle : le cogito). La vérité revient à se défaire de ses préjugés, de ses opinions premières. Toutefois, modèle beaucoup trop subjectif de la vérité (cf. notion de certitude)
- Réponse « scientifique » : on découvre
la vérité à travers des expérimentations,
en confrontant notre énoncé avec le réel entendu
au sens de « monde extérieur » ; cf. le critère
de la falsifiabilité chez Popper : une hypothèse
ou une théorie est scientifique si elle donne les conditions
de sa fausseté
Résumé: peut-on se passer, pour comprendre l'être vivant, du principe de finalité ? l'être vivant est-il une chose comme une autre ? L'opposition Aristote et Descartes... |
1) L’
Antiquité et le vitalisme : le corps animé
(1) les êtres vivants sont irréductibles à la matière brute
en effet, a) c’est un individu, un organisme, ie, un tout
dont les parties sont solidaires ;
b) il évolue, et ses transformations modifient sa nature
;
c) il tend à se conserver et à se reproduire (à
conserver son espèce) ;
(2) par conséquent, on doit recourir à un principe
autre que la matière inerte pour en rendre compte ; cf. Dieu,
ou une « âme » (anima = le souffle qui anime),
appelée par les vitalistes « principe vital »
(3)
on recourt aussi à un autre principe, le principe finaliste
: on explique les parties par le tout et les organes par leur fonction
(exemple : « on a des mains pour couper », et non «
on coupe parce qu’on a des mains »).
cf. Aristote, De Anima : l’âme
est inséparable du corps ; elle est précisément
la forme d’un corps naturel organisé, ce qui le fait
croître, ce qui le fait se mouvoir, etc. Chaque sorte d’être
vivant a une âme. Par exemple :
-la plante a une âme «nutritive » (principe de reproduction de l’individu) ; la salade qui est dans votre assiette a une âme (certes pas aussi complexe que la vôtre, elle ne peut pas penser par exemple, mais elle croît et se nourrit).
-Aristote attribue même une âme et une finalité aux objets inertes, tels la pierre : la pierre qui tombe « désire » aller vers les centre de la terre, car c’est son lieu naturel. Elle est faite pour y être.
2) Le 17e
et le mécanisme : le corps-machine
Or, progressivement, on s’est mis à critiquer cette conception, en disant que c’est une attitude de type religieuse, qui consiste à projeter ce qui vaut seulement de l’homme, dans la nature. Ainsi, le principe de finalité, qui est adaptation de moyens à fins, qui se pense par rapport à un projet, est seulement humain.
C’est
surtout au 17e qu’on s’est rendu compte de ça,
grâce à Galilée. Il invente, contre Aristote,
une nouvelle manière d’expliquer les phénomènes.
C’est ce qu’on appelle la science. On ne doit plus chercher
l’explication des phénomènes dans les apparences
immédiates des phénomènes, mais on doit les
expliquer par des concepts mathématiques.
Mais surtout, cette science va impliquer une conception du monde
mécaniste (= tout doit s’expliquer par la matière
et le mouvement). Faire intervenir autre chose, que ce soit une
âme ou une finalité, pour expliquer la nature, est
quelque chose de sacrilège, de non scientifique.
Descartes, dans les Méditation seconde des Méditations métaphysiques, s’en inspire énormément (cf. cours Descartes). Selon lui, tout corps, inerte ou vivant, relève entièrement de l’étendue et du mouvement mécaniques. Le corps est une machine ou un automate, semblable à une horloge. Les êtres vivants ne sont nullement une exception au sein de la nature. (Postulat fondamental : pas de finalité dans les choses, car c’est anti-scientifique).
Descartes, Les principes de la philosophie, IV, art. 203 :
(…) toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles.
Car, par exemple, lorsqu’une montre marque les heures
par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est
pas moins naturel qu’il est à un arbre de produire
ses fruits. (…) |
Descartes a donc très peur d’aller contre l’attitude
scientifique, et c’est pour ça que dans la 2nde méditation
il dit (et montre) que l’âme est esprit et le corps
matière. Son dualisme reprend donc les postulats de Galilée,
et utilise, pour se constituer, Aristote comme un véritable
repoussoir (cf. Méditations Métaphysiques,
Ed. Bordas, § 6 et 7)
3) Kant, la Critique
de la faculté de juger : les corps vivants ne sont pas des
machines
CF. § 65 où il objecte à Descartes que les corps vivants diffèrent des corps artificiels, et ne sont pas du tout comparables à des horloges (surtout parce que la montre, par exemple, ne peut, contrairement au vivant, se réparer lui-même).
Kant, Critique de la faculté de juger, § 65 (1790) Dans
une montre, une partie est l’instrument qui fait se
mouvoir les autres ; mais un rouage n’est pas la cause
efficiente qui engendre les autres ; une partie, il est vrai,
existe pour l’autre, mais non par cette autre. La cause
efficiente de ces parties et de leur forme n’est pas
dans la nature de cette matière mais au dehors, dans
un être qui peut agir en vertu de l’idée
d’un tout possible par sa causalité. C’est
pourquoi dans une montre un rouage n’en produit pas
un autre et encore moins une montre d’autres montres,
en utilisant (organisant) pour cela une autre matière
; elle ne remplace pas d’elle-même les parties
dont elle est privée (…). Si elle est déréglée,
elle ne se répare pas non plus d’elle-même,
toutes choses qu’on peut attendre de la nature organisée.
Un être organisé n’est pas seulement une
machine –car celle-ci ne détient qu’une
force motrice- mais il possède une énergie formatrice
qu’il communique même aux matières qui
ne la possèdent pas (il les organise), énergie
formatrice qui se propage et qu’on ne peut expliquer
uniquement par la puissance motrice (le mécanisme). |
On a donc besoin de quelque chose d’autre que la matière inerte pour en rendre compte –sans doute de la finalité (cf. § 64, op. cit., : « une chose existe comme fin de la nature si elle est cause et effet d’elle-même » ) ; mais rien ne nous dit qu’il existe réellement hors de l’esprit de l’homme une finalité ; c’est un besoin de la réflexion.
Problème de Kant : au bout du compte, on est obligé de dire que la nature ou l’être vivant a été créée par Dieu ou une autre créature. Que la nature « veut » quelque chose. (NB : la machine de Descartes ne suppose-t-elle pas elle aussi un artisan ?)
Solution : il soutient que c’est seulement pour notre esprit que la notion de fin naturelle a un sens et même est nécessaire. L’homme est ainsi fait qu’il ne peut faire autrement que penser le monde ainsi. C’est ce qui donne sens et cohérence au monde. Kant dit, non pas que la nature est organisée ou finalisée, mais que c’est comme si elle l’était.
NB : On peut aussi consulter, pour comprendre à quel point la notion de finalité est « subjective » ou plus précisément propre à l’homme , le texte suivant de Claude Bernard, extrait de Cahiers de notes, « le Cahier rouge » (1850-1860), Ed. Gallimard, 1965, pp. 58-59 :
« Quand nous voyons, dans les phénomènes naturels, l’enchaînement qui existe de telle façon que les choses semblent faites dans des buts de prévision, comme l’œil, l’estomac, etc., qui se forment en vue d’aliments, de lumières futures, etc., nous ne pouvons nous empêcher de supposer que ces choses sont faites intentionnellement, dans un but déterminé. Parce qu’en effet, quand nous faisons les choses de cette manière, nous disons que nous les faisons avec intention et nous ne pourrions admettre que c’est le hasard qui a tout fait. Eh bien ! il paraîtrait que si, quand nous faisons les choses de manière à ce qu’elles concordent pour un but déterminé, nous disons qu’il y a une intelligence intentionnelle de notre part : nous devons reconnaître dans l’ensemble des phénomènes naturels et leurs rapports déterminés pour des buts déterminés une grande intelligence intentionnelle ». |
Toute vérité est-elle démonstrative ? (Bac ES juin 2004)
Tout est-il démontrable ? (Bac S juin 2004)
Définition de la démonstration (dictionnaire Lalande) : « une démonstration est une déduction destinée à prouver la vérité de sa conclusion en s’appuyant sur des prémisses reconnues et admises comme vraies ».
La démonstration est une déduction : notons que cela renvoie d’abord à l’idée de raisonnement.
On se situe donc ici dans le domaine de la logique, mais aussi des mathématiques. Un raisonnement est un ensemble de jugements ; on part de quelque chose de déjà admis, et on en déduit d’autres jugements.
Exemple :
(1) Tous les hommes sont mortels (majeure)
(2) Or Socrate est un homme (mineure)
(3) Donc, Socrate est mortel (conclusion)
Une démonstration peut-elle être qualifiée de « vraie » ?
Non, pour trois raisons :
a) elle ne renvoie pas au réel : c’est une vérité formelle, non matérielle (vérité matérielle : est vrai ce qui est conforme au réel ; vérité formelle : est vrai ce en quoi ne réside aucune contradiction). Un raisonnement peut très bien être formellement correct mais matériellement faux. On parle d’ailleurs non pas vraiment de « vérité » mais de « validité » d’une démonstration.
Exemple :
(1) Tous les chats ont 5 pattes
(2) Or Gromatou est un chat
(3) Donc Gromatou a 5 pattes
b) la démonstration peut éventuellement partir du vrai mais pas le découvrir
Les points a) et b) signifient que la démonstration se distingue de la preuve ou même de l’argumentation : on se passe de toute vérification par l’expérience. On ne s’intéresse qu’à la cohérence du raisonnement. La démonstration, logique ou mathématique, n’est vraie absolument… que parce que, justement, elle ne renvoie pas au réel ! Il semble que l’esprit humain, dans le domaine de la démonstration, ou du raisonnement, n’ait affaire qu’à lui-même, qu’à ses définitions, etc.
c) et puis, à la limite, on pourrait dire que la démonstration n’est pas si « justifiée » que ça puisqu’il faut bien partir de quelque part (cf. deuxième partie de la définition Lalande : on part de quelque chose admis ou reconnu pour vrai).
Cf. en mathématiques les axiomes : on les tient pour évidents mais qui dit qu’ils sont vrais ? C’est ce qu’on nous demande d’accepter mais qui n’est pas démontré ! La démonstration repose donc sur du non démontré !
Conclusion : nous avons fait comme si raisonner c’était accomplir une démonstration ; or, n’existe-t-il pas, au contraire, plusieurs formes de raisonnements ? La démonstration est en fait, on va le voir, une forme de raisonnement seulement, et c’est la forme de raisonnement la plus rigoureuse.
Il existe trois formes de raisonnements :
La
démonstration |
La
preuve |
L’argumentation |
A à voir avec les règles de la pensée logique, ou bien avec des « objets idéaux » en mathématiques. La démonstration mathématique est essentiellement de type déductif. Elle consiste à tirer une ou des conséquences de principes (axiomes) en s’aidant de propriétés préalablement démontrées ou admises. Lorsque ce qui est démontré a une portée universelle, il est appelé théorème. |
On
prouve une loi. Cf. cours vérité scientifique… |
On argumente dans une discussion, ou bien dans les sciences humaines, qui ne peuvent toujours (cf. l’histoire) faire des expériences comme dans les sciences naturelles. Argumenter, c’est poser de manière ordonnée des énoncés de manière à rendre acceptable la thèse que l’on soutient. L’argumentation n’est pas aussi rigoureuse qu’une démonstration, elle peut admettre les détours (cf. plaidoirie d’un avocat), et même recourir à des procédés non « rationnels (persuasion, rhétorique). |
Plus
on va vers l’argumentation, plus on y perd en « certitude
».
L'interprétation peut-elle être vraie ?
L'interprétation peut-elle être objective ?
Peut-on tout expliquer ?
a) on interprète d'abord ce dont le sens n'est pas donné immédiatement
• Originairement, ce terme s'appliquait à l'exégèse des textes, surtout à l'Ecriture sainte (la Bible). Cf. fait que dans toutes les religions, on admet que le premier degré de lecture des textes est superficiel et qu’il faut aller au-delà et interpréter le texte pour déchiffrer son sens secret.
• L’interprétation concerne ce dont le sens n’est pas immédiatement donné, n’est pas clair (ambiguïté); ce qui apparaît aussi comme étant chaotique, confus (il faut rendre cohérent ce qui ne l’est pas au premier abord). Il s’agit de décrypter un ensemble de signes qui ne possède pas par lui-même un caractère d’évidence suffisant. Cf. « hermétique »
Exemples :
(1)
le rêve, l’hystérie
(2) une œuvre d’art
(3) un geste de la main : est-ce un geste amoureux ? un geste indifférent
?
b) Par suite, l’interprétation concerne avant tout ce qui est humain
L’interprétation regarde d’abord ce qui est humain. On interprète une intention de vouloir dire quelque chose. Ce terme s'est donc progressivement appliqué aux sciences humaines, pour finir par désigner "l'art de comprendre les manifestations de la vie humaine". (Histoire, sociologie, économie, etc.)
Par là, les sciences humaines revendiquent une méthode propre, qui s'oppose aux sciences de la nature. Alors que ces dernières ont avant tout à voir avec l'explication par les causes, de quelque chose d'extérieur à nous et valant pour tous les temps et tous les lieux, la méthode herméneutique fait appel au sentiment, du fait que ce qui est ici en question, c'est une connaissance de l'humain.
On explique un phénomène physique, on interprète une manifestation de l’homme.
Cf. surtout Dilthey, 1833-1911, Le monde de l'esprit : "Nous expliquons la nature, nous comprenons la vie psychique".
Par là, Dilthey veut dire que si on utilise dans le monde humain des procédés tout aussi logiques et rationnels que dans le monde naturel, il faut nécessairement avoir recours, dans ce domaine, à la sympathie, car ce qu'il s'agit de comprendre, c'est un autre homme, pas une chose. Ainsi parle-t-il de méthode poétique, qui, tout en étant d'une scientificité incertaine, reste scientifique malgré tout…
Dans les sciences humaines, il ne s’agit pas d’expliquer, c’est-à-dire de relier des effets à des causes uniques et bien délimitées, qui détermineraient leur effet.
Les hommes font ce qu’ils font avec des motifs, selon des sentiments, etc., et ces motifs, ces sentiments, entrent en interaction avec ceux d’autres hommes, avec des forces économiques et sociales historiquement et géographiquement situées (ou différentes), etc. Ce qui veut dire que l’on doit mettre en relation des actions avec des causes multiples, qui ne sont pas déterminantes mais seulement des réseaux d’influence. On fait intervenir notre esprit d’homme, un sentiment d’humanité (comment j’aurais agi face à une augmentation subite et très importante des impôts ?, etc.). Puis recherches historiques pour essayer d’aller plus loin…
On voit que le sens est multiple, alors qu’un énoncé scientifique est vrai ou faux, point. Une œuvre d’art est par exemple susceptible de multiples interprétations, et aucune n’est vraie ou fausse. Ce n’est pas pour autant que toutes seront aussi pertinentes, certaines peuvent être complètement farfelues.
• On peut distinguer des degrés d’interprétation :
Des
interprétations complètement subjectives, arbitraires,
qui sont complètement personnelles et non rigoureuses,
farfelues, etc. |
D’autres
seront plus rigoureuses, car elles recourront à des
règles précises, des méthodes, etc. Subjectivité
objective ! |
Projeter sa façon de voir sur ce qu’on cherche à comprendre/ expliquer. Exemples :
|
interpréter peut être quelque chose d’objectif si on reconnaît, d’abord, le caractère non exact de notre travail, et surtout, si on recourt en même temps qu’au sentiment à la raison et à des règles précises, qui peuvent être reprises à leur compte par n’importe quel autre homme. En ce sens tout scientifique interprète, même un mathématicien (cf. symboles mathématiques), un radiologue, un médecin (cf. symptômes d’une maladie, etc.) Exemples :
|
Sujets
La perception
est-elle une connaissance ?
Les sens trompent-ils ?
Faut-il se fier à nos sens ?
Percevoir, est-ce agir ?
Notions sous-jacentes : subjectivité et objectivité ; interprétation ; théorie et expérience ; vérité
Définition très large : synonyme de sensation (phénomène sensible) ; on dira alors qu’on perçoit par nos sens
Conséquence : la perception a à voir avec la subjectivité, et cette subjectivité est productrice d’illusions, elle m’empêche de connaître la réalité telle qu’elle est en soi. Par exemple, quand je dis « j’ai froid », je ne peux pas savoir si ma sensation m’informe sur l’état réel, objectif, de la réalité, ou bien si c’est moi seulement, selon ma constitution, mon état de fatigue, etc., qui ait froid. Mes sens sont potentiellement trompeurs et ne sont susceptibles, de toute façon, de ne m’apporter aucune connaissance. Cf. l’allégorie de la caverne, le malin génie
Mais la perception est-elle vraiment synonyme de sensation ?
Deux réponses possibles :
1) on peut dire que la perception, contrairement à la sensation, fait intervenir l’esprit. travail d’interprétation, de projection de soi sur ce qui nous apparaît ; le filtre entre nous et le réel n’est plus ici le corps (nos sens) mais surtout notre esprit (notre histoire singulière, notre passé). Exemple : une mélodie aura une tonalité différente selon les individus !
2) on peut dire que la perception est ce par quoi les sensations s’ordonnent, se lient, pour former des objets ; c’est donc ici certes notre esprit qui met en ordre les sensations, mais on a une certaine forme de connaissance (cf. le morceau de cire)
Textes
- Platon, République, allégorie de la caverne : le
monde sensible, ou monde des apparences, est éloigné
par définition de la vérité (cf. monde des
Idées)
Descartes, Méditations Métaphysiques, Méditation seconde, l’épisode du morceau de cire Nous croyons avoir affaire aux objets extérieurs de manière immédiate, or, ce n’est pas si sûr ! Que nous apportent réellement nos sens ? Pour avoir affaire au monde extérieur, aux objets, à la matière, ne faut-il pas en fait un travail de l’esprit ? a) le point de vue du sens commun au crible du morceau de cire : connaissons-nous les choses par l’intermédiaire de nos sens ? Descartes va répondre à cette question en faisant mine d’adopter le point de vue du sens commun : nous avons affaire immédiatement à la réalité à l’aide de nos sens. Nous n’avons besoin de rien d’autre pour nous rapporter à des objets. Pour voir si cette thèse « naïve » (empiriste : les connaissances sont issues des sens) est fondée ou pas, il va recourir à une expérience de pensée : imaginons un morceau de cire sortant de la ruche, et qu’on le fasse brûler. Au début, le morceau de cire a de multiples propriétés sensibles. Or, si on l’approche du feu, ces propriétés vont changer, voire même disparaître. Or, tout le monde continue à dire que c’est le même morceau de cire, que nous avons affaire à la « même » chose… Est-ce vraiment, par conséquent, à travers mes sens que j’ai affaire à des objets, ici, à un même morceau de cire ? Cf. ici introduction de permanence, d’identité à soi, malgré, et au-delà, des changements qui affectent la chose ! Descartes va plutôt affirmer qu’il est impossible d’affirmer l’identité de l’objet, si je ne dispose que des sens. En effet, que me livrent mes sens concernant les objets ? Des
informations : Nulle part mes sens ne me livrent donc quoi que ce soit d’identique, d’un, invariable. Les sens ne me donnent à « voir » ou « sentir » aucune chose. Si on ne disposait que de nos sens, le monde ne serait qu’un amas de qualités sensibles, il changerait sans cesse, il n’y aurait aucune stabilité, aucun monde, mais un chaos, un tourbillon permanent (comme une valse incessante !). b) la distinction perception et sensation C’est
donc une autre faculté qui est à l’œuvre
dans la perception des objets ! Raisonnement : c) la perception, activité de synthèse (fait que nous nous rapportons à un monde « un », ayant une signifcation) Descartes va dire que c’est l’esprit (« entendement ») qui fait, sans qu’on s’en rende compte, la liaison entre les sensations. Percevoir, ce n’est pas sentir, c’est juger. La perception n’a rien de passif. C’est grâce à l’esprit que je peux identifier un objet, le reconnaître, avoir accès à des choses unes et les mêmes. Sans l’esprit qui unifie nos sensations, nos sensations seraient sans lien, et la connaissance impossible. On
distinguera donc la sensation et la perception ! |
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