Plan
Introduction
- le but de l'ouvrage
- le réalisme politique (le "machiavélisme")
- la tradition de philosophie politique avec laquelle rompt Machiavel
- la "virtu" et la "fortuna"
Chapitre 7
Chapitre 15
Chapitre 18
Cours
- le but de l'ouvrage (cf. chapitre 1)
- le machiavélisme ou le réalisme en politique : interprétation traditionnelle; qu'entendre réellement par là ? -La conduite du prince, chapitres XV à XVIII.
Dès le début du chapitre XIV, il met nettement en
garde contre toute tentative de se détourner de ce qui est,
et qui est toujours mêlé, au profit de ce qui est pur
et sans mélange ; en effet, l’ignorance de la distance
entre ce qui est et ce qui doit être fait oublier la nature
des hommes. Le prince doit nécessairement tenir compte des
réalités effectives. Il doit prendre conscience et
faire avec, de la spécificité de l’espace social
et politique, contexte de son action. En cet espace, domine l’apparence
: le prince ne peut pas l’ignorer, et doit savoir lui-même
en jouer, sinon, il sera pris au piège de cette dualité
trompeuse (être-apparence).
Ainsi dans le chapitre XVI voit-on que le prince doit être
attentif à ce que l’on dit, à ce qu’on
croit de lui, à ce que reflète l’opinion. La
réputation, la rumeur publique, sont des constructions fantasmatiques
qui peuvent être à distance des qualités et
défauts du prince ; mais il ne s’agit nullement de
s’en détourner, au contraire, il faut savoir en profiter
; de toute façon, le prince n’est nullement le maître
de l’opinion, ni de l’impression qu’il donne.
Il doit veiller aux apparences tout de même, puisqu’on
ne peut faire sans ; et Machiavel dit que cela doit se faire avec
le but de se faire aimer de son peuple. Son comportement est justifié,
comme il le dit tout au long de son ouvrage, en ce que sa volonté
est de défendre son Etat, et de chercher à le perpétuer.
On voit ici que le prince machiavélien n’est pas “machiavélique”
ou un tyran : en effet, ce que veut dire Machiavel, c’est,
non pas que le prince fait ce qu’il veut, au gré de
ses caprices, de son bon vouloir, mais qu’il est un être
fragile, ayant à s’exercer dans un monde fragile, et
dépendant de tout ce qui est “au-dehors”.
Le prince est triplement “dépendant” :
1) il dépend de la constitution;
2) il dépend de la société, ou des groupes
qui ont favorisé son accès au pouvoir;
3) les humeurs de chaque classe sociale étant changeants,
il ne faut pas faire dépendre son pouvoir de la satisfaction
des attentes immédiates (car, notamment, les gens oublient
vite les faveurs passées, cf.chapitre XXVII).
S’il doit se faire aimer, il doit aussi avant tout se faire
craindre, mais dans le souci de la durée de l’Etat.
Les vertus politiques ne peuvent donc s’aligner sur les vertus
privées de l’amitié et de la confiance réciproque.
Ce portrait du prince n’a, à l’analyse, et si on le réfère à la doctrine des rapports entre fortuna et virtu, rien de cynique. Machiavel insiste seulement pour que le prince reconnaisse la mobilité de toutes choses, et qu’ils reconnaissant aussi par là-même la nécessité de rester en éveil pour s’adapter aux circonstances. En donnant des conseils aux princes, Machiavel veut éviter qu’à la précarité de leur pouvoir, viennent s’ajouter des comportements incohérents avec l’espace politique.
Exemples de la thèse selon laquelle la cruauté bien employée est une vertu politique :
1) la cruauté inhumaine d’Hannibal dans la guerre ;
2) la pacification de la Romagne par César Borgia : pour pacifier ce pays, il mit à sa tête Ramirro d’Orco,
un homme “cruel et expédtif”, et lui donna les
pleins pouvoirs. Il réussit rapidement à se faire
une grande réputation. Mais ensuite, César pensa que
de tels pleins pouvoirs n’étaient plus nécessaires
et pourraient le rendre odieux, car il savait que les mesures rigoureuses
prises par Ramirro avaient suscité une certaine haine. C.
voulut en conséquence montrer que si une cruauté avait
été commise, ce n’était pas de son fait,
mais du fait de la nature violente de son subordonné. Il
le fit donc couper en deux morceaux sur la place de la ville principale,
avec à côté de lui un morceau de bois et un
couteau sanglant. La férocité de ce spectacle engendra
dans la populace un état de satisfaction et de stupeur.
Machiavel exige donc un emploi judicieux et vigoureux à
la fois de la vertu et du vice, en fonction de ce qu’exigent
les circonstances. C’est l’alternance judicieuse de
la vertu et du vice qui est “vertu” (virtu). Dans ces
passages, Machiavel parle donc de la morale d’une toute autre
façon que les auteurs classiques -elle s’oppose à
la “bonté”...
- Machiavel rompt-il avec la tradition de philosophie politique antérieure ?
Il s'oppose en tout cas à une tradition de philosophie politique héritée de Platon, qui est idéaliste. Philosophie politique qui a en vue un idéal, c'est-à-dire, une exigence morale.
Ainsi pour Platon, dans la République, le politique doit être le philosophe, qui connaît les Idées de bien, de justice, etc. La politique a d'ailleurs explicitement pour tâche de rendre les hommes meilleurs, tâche normalement plutôt religieuse...
Cf. plus tard Rousseau dans Du contrat social : "ceux qui voudront traiter séparément la morale et la politique n'entendront jamais rien à aucune des deux".
Dans le chapitre XXV, intitulé “comment dans les choses
humaines la fortune a du pouvoir, et comment on peut y résister”,
Machiavel s’oppose au fatalisme. En effet, si dans le premier
paragraphe, il admet la fortune, il ne peut toutefois, par la suite,
admettre que “notre liberté soit réduite à
rien”. Ainsi dit-il que la fortune et la liberté se
partagent la moitié de nos actions.
Par l’analogie avec les fleuves déchaînés
et les digues, il veut dire que la fortune “montre surtout
son pouvoir là où aucune résistance n’était
préparée”. Elle n’est donc en fait que
le nom que nous donnons à notre démission. La fortuna
sans virtu est à l’image de la nature non maîtrisée
(cf. Discours sur la première décade de Tite-Live,
III, 12). Le rôle de la virtu est donc de prévoir les
catastrophes, de les prévenir ; les “digues”
seront, au sein du monde humain, des institutions fermes et efficaces,
qui donneront à un pays sa sécurité.
Dans le chapitre VI, où il s’agit des grands fondateurs
d’Etat, Machiavel montre bien que la virtu est la capacité
d’imposer sa loi à la fortune. En effet, il y montre
bien que “ce que les grans fondateurs d’Etat durent
à la fortune, ce fut l’occasion qui leur fournit une
matière à laquelle ils purent donner la forme qu’ils
jugèrent convenable”. Elle est donc l’occasion
de faire preuve de ses talents politiques ; sans elle, l’occasion
eût pu disparaître.
La fortune vole au secours de qui sait ne pas s’illusionner
et être habile. Là où la virtu est à
son maximum, la fortuna n’a qu’un rôle d’appoint.
Affrontée grâce à la lucidité, la fortuna
apparaît comme l’aiguillon de la nécessité
: ce qui signifie qu’elle montre la nécessité
d’agir, et d’analyser les rapports de force en présence.
La virtu est donc effort de lucidité en des circonstances
particulières, effort intellectuel à l’oeuvre
dans le concret de l’histoire. Le concept de “nécessité”
indique donc la place des circonstances incontournables, mais jamais
totalement claires, sauf pour une pensée politique avisée.
Machiavel ne vise jamais à leur totale maîtrise : tout
ce à quoi appelle ce concept, c’est à la nécessité
d’une attention aux circonstances.
Le vrai Prince est donc celui qui ne baisse pas les bras dans un
contexte écrasant et qui sait donc prévoir. Un Prince
doit savoir trouver la répartie juste devant les circonstances
tooujours changeantes de son action, et donc, surmonter les pièges
tendus par la fortuna.
La conséquence de cette théorie (métaphysique)
sur l’action du Prince a souvent été interprétée
comme une thèse opportuniste.
En effet, cette conséquence est, comme il le dit par exemple
dans le Discours, III, ix, qu’”il faut savoir varier
suivant le temps, si l’on veut toujours trouver la fortuna
propice”. De même dit-il dans le chapitre XXV du Prince
que “les manières de procéder sont ou ne sont
pas propices au temps”, et “ce qui est bien ne l’est
pas toujours”. De là, il découle qu’il
faut savoir “changer à propos” ; seulement, il
se rend bien compte que “la fortune changeant, et les hommes
s’obstinant dans la même manière d’agir,
ils sont heureux tant que cette manière se trouve d’accord
avec la fortune ; aussitôt que cet accord cesse, ils deviennent
malheureux”. “Si nous pouvions changer de caractère
selon le temps et les circonstances, la fortune ne changerait jamais”.
Ainsi, plutôt que d’opportunisme, il s’agit ici
de dénoncer la fausse prudence, celle qui conduit à
reproduire ce qui a si bien réussi dans le passé ;
étant donnée la nature de la réaité,
la rigidité des tempéraments (qui est un constat)
empêche l’inventivité et l’audace, qui
sont pourtant nécessaires. (cf.”les temps changent,
et nous ne voulons pas changer”).
Machiavel, Le Prince : la politique doit-elle être morale ?
Chapitre VII (« des monarchies nouvelles qu’on acquiert par les armes d’autrui et par fortune »)
Résumé: le chap VI a traité des principautés qu’un prince acquiert par ses propres armes et par son talent. Le chap VII traite des principautés acquises par les armes d’autrui et par fortune, pour montrer qu’elles sont aussi difficiles à conserver qu’elles ont été faciles à conquérir |
- causes de cette difficulté :
a) le prince n’a pas de forces à lui (armes d’autrui)
b) il n’a pas (généralement) le talent requis (la « virtu ») (mais fortune d’un père)
- il donne plusieurs exemples, mais en développe un : celui de César Borgia
- fils du pape Alexandre VI, il est une sorte de condottiere (chef de guerre au service des seigneurs)
- les événements rapportés par M. s’étendent de 1499 à 1503 (date de la mort d’Alexandre VI)
- la situation politique de l’Italie se caractérise alors par la violence ; des forces s’affrontent :
a) présence de forces étrangères (françaises,
espagnoles) sur le sol italien
b) division entre les Etats italiens
c) division à l’intérieur des Etats pontificaux
(opposition entre grandes familles rivales, etc.) ; exemple : Orsini
: Borgia veut en venir à bout par le guet-apens de Sinigaglia
et les fait exécuter
Deux moments :
a) Premier moment
(118/ 01-119-20) le personnage central est Alexandre VI, qui nous est présenté comme voulant doter son fils d’un Etat (en Romagne, Etat pontifical). Le premier moment illustre la thèse présentée au début du chap : on a affaire à un prince qui conquiert son Etat grâce à la fortune (l’aide de son père) et aux armes d’autrui (celles des Français).
b) Deuxième moment : retournement dans le récit
(119/ 10 à 122/ 18) C. Borgia est en effet au premier plan. Il change de stratégie : il recourt à ses propres armes et compte sur son propre talent (cf. conditions étudiées au chap. VI). Son action échouera cependant, mais à cause d’événements imprévus : la mort de son père et sa propre maladie suivie de sa mort.
a) le but
-assurer son propre pouvoir (intérêt privé)
- mais en même temps assurer le bien de la Romagne en la délivrant
des troupes étrangères et du pouvoir féodal
qui l’opprimait (intérêt public) ; but atteint
sinon visé
L’action de C. Borgia va donc dans le sens d’un intérêt collectif.
b) les moyens
Ils se caractérisent par leur extrême violence (guet-apens de Sinigaglia, pacification de la Romagne par un gouverneur sanguinaire que C.B. fit cruellement exécuter)
- l’opposition entre les deux chap telle qu’elle apparaît au début du chap VII (cf. ci-dessus : § I) disparaît dans la deuxième partie de ce chap : C.B. est présenté comme un chef qui
a) s’appuie sur ses propres armes et son talent et
b) qui mène une action tournant au bien du peuple dont il devient prince
- il s’ensuit à la fois :
a) une réhabilitation de C.B.
b) une démystification des liens fondateurs dont il a été question au chap VI (Moïse, Cyrus, Romulus, Thésée) : leurs méthodes politiques devaient être comme celles de C.B., ce qui montre que c’est la réussite de leur entreprise qui finit par les auréoler. Telle est la réalité politique.
Ces deux concepts, explicitement présents dans ce chap (N.B. l’éd GF emploie le mot « talent », p. 117, l. 17, là où le texte italien utilise le mot « virtu ») sont les deux concpets-clef à partir desquels Machiavel explique l’histoire.
- pas un concept moral (cf. Aristote, Ethique à Nicomaque)
- mais un concept politique : l’ensemble des qualités qui rendent un homme propre à l’exercice du pouvoir politique, i.e., essentiellement :
a) la force de caractère : une grande énergie mise au service d’une grande ambition
b) le talent politique ou le sens politique : aptitude à bien évaluer et à savoir exploiter une situation politique
La « vertu » est d’une certaine manière la caractéristique de celui qui réussit à maîtriser la fortune, pour autant qu’on peut le faire, car la fortune jouera toujours un rôle (cf. le cas de C.B.)
Le problème des rapports entre morale et politique apparaît dans ce chap sur un exemple vécu, celui de C.B., le héros machiavélien par excellence. Que faut-il en retenir ?
Il n’y a pas d’impératif moral inconditionnel, situé au-dessus de la sphère du politique (comme chez Kant)
Elle a en effet eu pour résultat de créer la paix en Romagne.
NB : pour les rapports entre morale et politique, cf. le chap XV
Machiavel, Le Prince : la politique doit-elle être morale ?
Chapitre XVIII (« comment les princes doivent garder leur foi")
Résumé: Le chap XVIII continue le sujet annoncé au début du chap XV : celui des vertus et des vices des princes. Le chap XV a envisagé les vertus et les vices en général ; le chap XVI la libéralité et la parcimonie ; le chap XVII la cruauté et la pitié ; le chap XVIII s’occupe de la fidélité à la parole donnée.On va donc retrouver ici le problème des rapports entre morale et politique. D’autres questions vont aussi être avancées, notamment celle de la « raison d’Etat » (raison d’Etat = considérations invoquant l’intérêt supérieur de l’Etat pour justifier une action contraire aux règles de droit habituelles ou aux règles morales reconnues). |
On retrouve donc ici la perspective de M. : non l’idéalisme mais le réalisme (politique). Ce qui compte c’est l’efficacité politique, valeur suprême. La suite du chap va justifier à partir de ces principes l’infidélité à la parole donnée
- des êtres qui ont quelque chose de spécifique (des « hommes ») : l’aptitude à respecter un ordre légal et à avoir des sentiments moraux
- des êtres passionnels qui n’obéissent qu’à la force (des « bêtes »)
Il faut donc pour les gouverner « savoir bien user de la bête et de l’homme » (165/ 15-16). User de l’homme, c’est faire appel à la loi ; user de la bête va être défini dans le § suivant.
C’est ce que donnent à entendre les auteurs anciens qui nous disent que les princes grecs comme Achille furent élevés par Chiron, le plus sage des centaures, un centaure étant un être fabuleux moitié homme et moitié cheval. M. suggère peut-être ainsi que l’idéalisme politique de la tradition philosophique n’était qu’une façade.
C’est se montrer tantôt lion, tantôt renard, i.e., faire usage tantôt de la force, tantôt de la ruse. Dans ce chap, M. insiste sur la ruse, la ruse portée à sa forme extrême : l’infidélité à la parole donnée, mais une infidélité habilement dissimulée (= le parjure + la dissimulation du parjure).
Un double constat relatif à la nature humaine :
- la méchanceté des hommes : leur caractère passionnel (ambition, goût du changement, etc.). Le prince n’a pas à compter sur la loyauté de ses sujets. A lui de prendre des précautions à cet égard, et il n’a pas à attendre d’avoir été trompé pour tromper
- la crédulité et la naïveté des hommes, qui donnent toute leur efficacité à la ruse du prince
Deux moments dans la progression de la pensée de M. :
1) M. donne comme exemple de renard A. VI
2) Il en tire la leçon suivante : il faut savoir jouer sur l’opposition de l’être et de l’apparaître
(Notamment, il va dire qu’il faut parfois que le prince revienne sur ses promesses, mais il ne doit pas le montrer).
La leçon peut se décomposer dans les deux éléments suivants :
- il faut toujours sauver les apparences de la moralité, à cause de leur effet politique
- il n’est pas toujours nécessaire ni même souhaitable d’être moral (i.e., d’avoir les vertus définies au chap XV par ce 1er critère d’appréciation que constitue le jugement courant)
Faut-il dire qu’il ne faut pas être vertueux mais seulement le paraître ? M. dit qu’il est utile de paraître pitoyable, fidèle, humain, droit, religieux, et de l’être (166/ 30-31). M. partage-t-il le jugement populaire sur la valeur des qualités morales ? Il dit seulement qu’il est « utile » (166/ 30) d’être vertueux. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il est alors plus facile de le paraître.
Un point est en tout cas très clair : il n’est pas souhaitable d’être toujours vertueux ; ce serait politiquement préjudiciable. Cf. l’exemple de C. Borgia, qui n’hésite pas à trahir la parole donnée en faisant tomber les Orsini dans un guet-apens à Sinigoglia.
Deux éléments à considérer dans cette affirmation :
La foule par opposition à l’élite, la foule aveugle ou myope par opposition à une élite clairvoyante. C’est le sens de l’opposition entre :
- « voir » et « percevoir »
- « juger par les yeux » et « juger par les mains »
Or que voit la foule ? Ce qui est voyant : le résultat de l’action politique. Que ne perçoit-elle pas ? les moyens mis en œuvre. Autrement dit, en politique, il n’y a que le résultat qui compte. Constat peut-être pessimiste…
Autre
constat pessimiste. Sens de ce passage : le prince n’a pas
à redouter les gens clairvoyants, qui auraient « perçu
» les aspects discutables de sa politique, parce que ces gens
sont peu nombreux et qu’ils ne pèsent d’aucun
poids auprès de la foule, si le prince a su se gagner celle-ci
par certains résultats voyants de sa politique.
Machiavel, Le Prince : la politique doit-elle être morale ?
Chapitre XV (« les choses pour lesquelles les hommes et surtout les princes sont loués ou blâmés»)
Résumé: Le chapitre XV inaugure une seconde partie de l’ouvrage, où M. traite du prince lui-même (après avoir, dans une 1ère partie, traité des principautés). Plus précisément il traite des rapports que le prince doit entretenir avec ses sujets et donc des qualités et défauts (ou vertus et vices) qu’il y manifeste. |
NB : c’est par la suite que va apparaître le problème moral engagé dans ces rapports
A qui s’oppose M. ? Il ne le dit pas, mais on peut penser au platonisme et au christianisme (à développer)
- Il met en avant deux exigences pour justifier sa thèse :
a) un souci d’efficacité : écrire quelque chose d’utile (155/ 07)
b) de vérité : « il m’a paru plus pertinent de me conformer à la vérité effective de la chose qu’aux imaginations qu’on s’en fait » (155/ 08-10)
Il y a d’ailleurs une relation entre ces deux exigences : la seconde est une condition de la première.
NB : on pourrait apercevoir, sous-jacentes à l’argumentation de M., deux idées qui sont diffuses dans toute son œuvre :
1) l’idée de conservation.
Il s’agit de la conservation du pouvoir du prince en même temps que de la société politique (pour M. les deux coïncident)
C’est en fonction de cette « valeur » qu’il faut tout apprécier. Elle définit le bien (le bon et l’utile) et le mal (= le mauvais et le nuisible). Il ne faut pas mettre au-dessus de ce bien un idéal moral.
2) une conception pessimiste de la nature humaine
Cf. « tant de gens qui ne sont pas bons » (155/ 15-18) ; cf. aussi chap XVIII, GF, 166/ 04.
Les hommes sont méchants, idée qu’il faut entendre, non dans une perspective théologique ou métaphysique, mais simplement au niveau du constat psychologique : les hommes sont gouvernés par leurs passions, qui ont un effet nuisible pour la société.
NB : donc, pour M., la société résulte :
- non de la sociabilité naturelle des hommes (cf. Aristote)
- ni d’un contrat qui ferait appel à la raison (Cf. Rousseau)
- mais d’une force (celle du prince) qui canalise leurs passions
1) il indique d’abord un critère à prendre en compte pour apprécier vertus et vices : le jugement populaire sur ce qui est moral (vertu) ou ne l’est pas (vice) (155/ 21-26)
2) M. énumère ensuite une liste de vertus et de vices que peut avoir un prince, tels qu’ils sont définis à partir du critère précédent (155/ 26 et 156/ 07)
3) Enfin il introduit un second critère pour apprécier cex vertus et ces vices, qui aboutit à un renversement des valeurs (156/ 07-23)
- M. commence par dire qu’il serait souhaitable qu’un prince ait toutes les vertus mentionnées, mais il ajoute aussitôt que c’est impossible (à cause de l’imperfection de la nature humaine)
- dès lors se pose le problème : quelles seront les vertus que le prince devra cultiver et quels seront les vices dont il devra se garder ? Voilà qu’apparaît un second critère, qui l’emporte sur le premier : la conservation du pouvoir (l’utilité politique)
- conséquence : si on considère ce qui a été classé « vice » à partir du premier critère, il faudra établir une distinction tripartite :
1) il y a les vices (selon le 1er critère) qui peuvent faire perdre le pouvoir = vices selon le 2nd critère
2) il y a les vices (selon le 1er critère) qui ne peuvent pas faire perdre le pouvoir = pas des vices selon le 2nd critère
3) il y a les vices (selon 1) qui sont indispensables à la conservation du pouvoir = vertus selon 2
Conclusion : renversement des valeurs par rapport au début du §. Les vraies valeurs sont à apprécier selon le2nd critère et non le 1er. Celui-ci n’est cependant pas disqualifié, mais n’a qu’un rôle subalterne.
La politique est une sphère autonome. Elle est même la réalité suprême. Elle n’est cependant pas un absolu : elle n’appelle pas un respect inconditionnel (le prince n’a pas à se sacrifier pour ses sujets)
Elles sont considérées comme secondes par rapport
aux valeurs politiques. Il est difficile de dire quel crédit
exact leur accorde M. Le chap XV montre qu’à tout le
moins elles valent par l’effet politique qu’elles peuvent
avoir : par le « renom » qu’elles donnent
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