Cours
- sujet : plaidoyer de Socrate lors de son procès
- thèmes : la philosophie ; la justice
- les données historiques du procès :
Sortie vaincue en 404 de la guerre du Péloponnèse, Athènes subit ensuite pendant 8 mois un gouvernement de collaboration avec Sparte, la cité ennemie. Ce régime oligarchique des Trente, qui s’illustre par une répression sanglante et des exactions de toutes sortes, est renversé en 403 par une révolte démocratique conduite par Thrasybule et Anytos. Le nouveau régime décrète la réconciliation nationale et l’amnistie générale et c’est pourtant lui qui, en la personne d’un de ses chefs de file, inculpe et condamne Socrate en février 399. C’est en effet Anytos qui tire les ficelles de l’accusation : Mélétos, le jeune poète falot qui porte plainte, n’est qu’un homme de paille et l’orateur Lycon a été payé pour rédiger l’acte d’accusation. A peine restaurée, la démocratie se baptise donc dans le sang du Juste. Ne serait-ce pas une sorte d’exorcisme politique ? Rien de tel en effet que le sacrifice d’un bouc émissaire pour purifier le corps social des tensions et de la violence qui l’agite et refaire l’union sacrée…
Pourquoi Socrate ? (cf. acte d’accusation)
- il a fréquenté nombre de personnages politiques
qui sont réputés être responsables des malheurs
de la cité
- il n’est pas comme tout le monde (il dédaigne les
valeurs matérielles, tourne en dérision les autorités,
sème le doute… bref il est dangereux pour l’ordre
de la cité puisqu’il en sape les fondements)
- il a agacé tout le monde à travers ses questionnements
incessants…
- 3 parties :
I-Socrate plaide non coupable (17a-35d)
II- reconnu coupable, il propose une sentence alternative à
la peine capitale (35e-38b)
III- il clôt le procès par une adresse informelle,
qui est l’occasion de discourir sur la mort (38c-42a)
24 b-c « Socrate est coupable de 1) corrompre les jeunes gens et 2) de ne pas reconnaître les dieux que reconnaît la cité mais de croire à d’autres manifestations surnaturelles nouvelles » |
Il est important de préciser le climat intellectuel de l’époque pour bien comprendre ces accusations. Cf. les deux grands mouvements philosophiques pré-socratiques :
- l’école ionienne : philosophes de la nature, qui expliquent le fonctionnement de la nature de manière rationnelle, sans recourir au mythe (Thalès, Anaxagore…)
- les sophistes : spécialistes de la rhétorique,
professeurs itinérants qui se prétendent capables
de convaincre n’importe quelle assemblée de n’importe
quelle cause
Socrate va se défendre de ces accusations, à travers un contre-interrogatoire de son principal accusateur, Mélétos. Ce contre-interrogatoire est un modèle de l’ironie et même de la maïeutique socratique.
consiste à dire que si Mélétos accuse Socrate de corrompre la jeunesse, alors il sait qui rend les jeunes gens mauvais ; donc il doit aussi savoir qui les rend meilleurs (24d) ; qui sont-ils alors ?
- Réponse de Mélétos : « les lois »
- Question de Socrate : qui connaît bien les lois ?
- Mélétos : les juges d’Athènes ici
présents
- Finalement, Socrate finit par montrer la contradiction de l’argument de M. : au bout du compte, si M. a raison, TOUS les citoyens d’Athènes rendraient les jeunes gens meilleurs, et Socrate seul les rendrait pires ; analogie avec les dresseurs de chevaux : les bons éducateurs sont l’exception et non la règle…
- les gens méchants causent du tort à leurs proches,
alors que les gens de bien leur procurent du bien ; d’où
deux questions :
- existe-t-il des personnes qui préfèrent recevoir
du mal que du bien ?
- M. accuse-t-il S. De vouloir corrompre la jeunesse à
dessein ou sans le vouloir ?
- M. va bien sûr répondre « non » à 1) et « oui » à 2) ; S. va le pousser alors dans la contradiction : si on corrompt quelqu’un on le rend moins bon, et méchant ; donc corrompre quelqu’un consiste à travailler contre son propre intérêt, puisque celui qu’il a corrompu finira par lui faire du mal ! Bref : on ne peut corrompre quelqu’un volontairement
- on le confond avec Anaxagore si on dit qu’il croit à
la divinité de choses naturelles
- par ailleurs s’il est athée comme le sous-entend
M. alors il ne peut introduire de nouveaux dieux !
- il ne professe aucune doctrine ; pour le montrer il recourt à l’oracle de Delphes (ou Apollon) : S. raconte qu’un de ses amis, lors d’un voyage à Delphes, consulte la Pythie sur la question suivante : existe-t-il un homme plus sage que Socrate ? La Pythie a répondu que non
- Socrate explique en quoi il est le plus sage : c’est que contrairement à bon nombre de gens, il sait reconnaître son ignorance
- tout au long de l’œuvre il affirme que pour rien au monde il n’acceptera d’abandonner sa « mission » divine qui consiste à éprouver la sagesse des hommes
Cf. 29b : « ce que je sais bien, c’est qu’être injuste, et désobéir à ce qui est meilleur que soi, dieu ou homme, est contraire au devoir et à l’honneur » |
- Il est légaliste, respectueux des lois de sa cité jusqu’au scrupule, jusqu’à risquer sa vie dans l’affaire des généraux (32b-c), jusqu’à préférer la mort au plan d’évasion de Criton (Criton, 50a-54d)
- Pourquoi ? Parce que, comme tout citoyen, il doit tout aux lois
puisqu’elles ont réglé le mariage de ses parents,
sa naissance, son enfance, son instruction, ses propres engagements
d’adulte, les droits et la sécurité dont il
a joui
- Pourtant il sait désobéir aux lois de la cité
au nom d’une autorité supérieure, lors de
l’arrestation de Léonde Salamine (32c-e) ; il n’hésite
pas non plus à braver le tribunal populaire et à
réclamer comme peine, après sa condamnation, d’être
nourri au Prytanée (autant dire de recevoir la légion
d’honneur !)
Ce souci scrupuleux de la justice explique que Socrate ait refusé de gémir sur son sort et n’ait pas cherché à sauver sa peau : cela reviendrait en effet à ridiculisé la Cité qui vient d’émettre son jugement ; par ailleurs puisqu’il a toujours mis la justice au-dessus de la vie (plutôt mourir dignement que mourir injustement !), il remettrait en question le principe même qui lui valait le nom de « sage »
En 29a-b Socrate déclarait la mort inconnaissable ; ici il va plus loin en proposant tout de même une hypothèse : ou bien dans l’état de mort, la conscience disparaît et dans ce cas, l’ensemble du temps passe en une seule nuit ; ou bien la mort n’est qu’un passage vers un autre monde, où nous retrouverons les personnages du temps passé.
Cela incline à penser que la mort serait préférable à la vie ! Cf. dualisme platonicien (l’âme incarnée dans un corps aspire à s’en défaire)
- la sagesse : la sagesse est amour de la vérité ; et une conduite
exemplaire, une recherche des valeurs morales les plus hautes
pour l’homme
- la justice : Il existe une justice supérieure aux lois
de la cité (cf. aujourd’hui la notion de droits de
l’homme)- le plus juste est parfois celui qui sait aller
à l’encontre des lois « écrites »…
Thèse centrale à retenir : il faut toujours préférer
la mort à un acte injuste
la vérité :
-étymologie : « hè alèthéia
» : c’est « ce qui n’est pas (ou plus)
caché, ce qui sort de l’oubli »
-l’unanimité est suspecte = la vérité
se cache, n’est pas évidente
-la vérité est une valeur morale
Il y a encore d’autres concepts : la mort, l’éducation, la religion, la philosophie, etc.
- « le plus sage d’entre vous, hommes, est celui qui a reconnu que la
sagesse n’est rien »
- « c’est ainsi comme une sorte de taon, que, me semble-t-il,
le dieu m’a attaché à la Cité, moi
qui me pose partout et toute la journée ne cesse de vous
aiguillonner, de vous exhorter, de vous invectiver chacun individuellement
»
- Je suis « incapable de céder à qui que ce
soit contre le devoir, par crainte de la mort » (32a)
- « voici, Athéniens, la vraie règle de conduite
: tout homme qui a choisi un poste parce qu’il le jugeait
le plus honorable ou qui y a été placé par
un chef, doit, selon moi, y rester, quel que soit le danger, et
ne considérer ni la mort ni aucun autre péril, mais
avant tout l’honneur »
- « Je crains donc les maux que je connais pour tels ; mais
les choses dont je ne sais si elles ne sont pas des biens, jamais
je ne les craindrai ni les fuirai »
- Faire son devoir est-ce toujours obéir aux lois ?
- Faut-il craindre la mort ?
- A quoi sert la philosophie ?
- La philosophie est-elle une affaire politique ?
- La démocratie est-elle le meilleur des régimes
politiques ?
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