Plan
Introduction
I- Le monde des apparences et le monde de l’être
A- L’allégorie de la caverne
B- Mais que sont le monde sensible et le monde des Idées ? Pourquoi distinguer deux mondes ?
1) Socrate et la question " qu’est-ce que " - un exemple : qu’est-ce que la beauté ?
2) Platon : définition et essence d’une chose (ou : le passage du connaître à l’être)
3) Le monde des Idées.
II- la sortie de la caverne ou l’accession à la vérité
A- Lecture du texte
B- Platon symbolise le tout par une ligne
Cours
On emploie communément lexpression suivant laquelle " les apparences sont trompeuses " -qui signifie que le réel nest pas ce qui apparaît, que lêtre est au-delà des apparences. Or, il revient à Platon davoir formulé le premier de façon " savante " cette distinction. Pour Platon, en effet, il convient dopposer les apparences à la réalité, ou encore, le monde sensible au monde des Idées. Cette distinction est à la fois ontologique épistémologique, puisque si elle revient dabord à distinguer divers degrés dêtre, elle correspond également à divers degrés de la connaissance. Pour illustrer cette opposition, Platon utilise, dans République, Livre VI, une allégorie, celle de la caverne .
I- Le monde des apparences et le monde de lêtre
Lisez le texte (op.cit.) de " Figure-toi des hommes " à " ombres des objets perfectionnés. Cest de toute nécessité, dit-il ".
Platon imagine des prisonniers enchaînés au fond dune caverne sombre ; cette caverne symbolise le monde sensible, celui dans lequel nous vivons ; les prisonniers, cest nous. Platon " montre " que les sons répercutés par les murs de la caverne seraient pris pour les voix des ombres. Ces prisonniers prennent donc pour le réel ce qui nest que le reflet dune image. Ils sont dans lillusion totale. Cest pourquoi le monde sensible est appelé " le monde des apparences " : cest le domaine de lillusion. Nous croyons connaître, veut nous dire Platon, le monde tel quil est vraiment, mais en fait, nous navons accès quà son apparence. Platon lui oppose un monde vrai, le monde des Idées.
B- Mais que sont le monde sensible et le monde des Idées ? Pourquoi distinguer deux mondes ?
Pour bien comprendre la raison dêtre de cette distinction, il faut préciser que Platon sest voulu lhéritier de Socrate, ce philosophe mis à mort par la cité athénienne, parce quil dérangeait les citoyens, et surtout, les sophistes. Contre ces derniers, qui soutenaient que toutes les opinions se valent, Socrate avait inventé un remède : la question philosophique. Forme de questionnement destinée à montrer à ses interlocuteurs que ce quils croient savoir, ils ne le savent pas. Ils nont que des opinions (=savoir non fondé, préjugé). Cf. cours dintroduction à la philosophie, sur la maïeutique (début septembre).
Socrate posait donc sans arrêt la question " quest-ce que ". Exemple : quest-ce que la beauté?
Platon, Hippias majeur Contexte : Socrate dialogue avec Hippias. Ce dernier est en train de raconter à Socrate que récemment, il a emporté un grand succès concernant un discours concernant " les belles occupations auxquelles un jeune homme doit se livrer ". Socrate en profite pour le mettre à la question. Il raconte à Hippias que récemment, en discutant avec un ami, il avait blâmé des choses comme laides, et dautres, comme belles. Or, quelquun lui a demandé : " Dis-moi, Socrate, doù sais-tu quelles sont les choses belles et quelles sont les choses qui sont laides ? Voyons, peux-tu me dire ce quest le beau ? ". Nayant pas réussi à répondre à cette question (car Socrate " ne sait rien " !), il va donc profiter dêtre en compagnie dun savant, Hippias, qui prétend savoir ce quest le beau. Il va revêtir le personnage de celui qui la mis dans lembarras, et poser à Hippias les questions quil aurait posées à Socrate sil avait prétendu savoir ce quest le beau. " Socrate : dis-moi maintenant, étranger, poursuivra-t-il, ce que cest que cette beauté Hippias : le questionneur, nest-ce pas, Socrate, veut savoir quelle chose est belle ? Socrate : je ne crois pas, Hippias, il veut savoir ce quest le beau Hippias : et quelle différence y a-t-il de cette question à lautre ? Socrate : tu nen vois pas ? Hippias : je nen vois aucune Socrate : il est évident que tu ty entends mieux que moi. Néanmoins, fais attention, mon bon ami : il ne te demande pas quelle chose est belle, mais ce quest le beau. Hippias : ( ) le beau, cest une belle fille ( ) Socrate : permets, Hippias, que je prenne à mon compte ce que tu viens de dire. Lui va me poser la question suivante : " allons, Socrate, réponds. Toutes ces choses que tu qualifies de belles ne sauraient être belles que si le beau en soi existe ? ". Pour ma part, je confesserai que, si une belle fille est belle, cest quil existe quelque chose qui donne leur beauté aux belles choses. " |
La bonne manière de répondre à la question " quest-ce que ", ne consiste pas à donner des exemples (dans le cas de la beauté, on ne répond pas à la question quest-ce que la beauté en répondant : une belle fille, une belle marmite, une uvre dart, etc.). Mais elle consiste à dire ce quest en soi, partout et toujours, la beauté, ce qui peut sappliquer à tous les exemples. Cest une définition, un concept
(NB : voilà pourquoi lexemple est anti-philosophique : il est anti-conceptuel).
Platon, réfléchissant sur linvention socratique de la définition, va dire que le " quest-ce que ", cest lessence, la réalité, de la chose définie. Ce qui revient à dire que la définition nest pas quune définition de mots, mais une chose réelle. Ainsi, la définition de la beauté, cest la beauté.
La beauté existe, est une entité réelle. Elle est une réalité permanente qui existe indépendamment des mots. Ce nest pas seulement un mot utilisé pour relier entre elles des réalités individuelles qui se ressemblent, mais elle existe, et est une réalité qui se situe au-delà des choses individuelles qui sont dites être " belles ".
NB : cest un réalisme épistémologique, qui consiste à réifier les concepts ou les significations des mots. Si Platon fait ça, cest parce que dans le monde tout est en devenir ; ainsi, si je dis de telle femme : " elle est belle ", le problème est que cet énoncé ne sera pas toujours vrai parce que la femme dont je parle peut et va sans doute devenir laide ou moins belle. Ainsi, ce qui gêne Platon, cest que si on na rien de stable, rien ne peut fonder la connaissance ou les définitions. Il faut quelque chose qui soit susceptible de fonder un savoir sûr et certain ; comme dans le monde qui nous entoure, tout change sans arrêt, alors, il faut quil y ait un autre monde que celui-ci
Ce genre de réalités générales est appelé " formes " ou " Idées ". Ce sont les modèles, les " archétypes ", dont sont issues les choses du mondes sensibles. Plus précisément, les choses sensibles sont les exemplifications ou exemplaires de ces copies toujours imparfaits par définition. Exemple : la belle fille est un exemplaire de lIdée de Beau, elle participe de la Beauté ; mais elle nest pas la Beauté.
Lensemble de ces Idées forme le " monde des Idées ", séparé du monde sensible qui nen offre donc que la copie imparfaite. Dans ce monde des Idées, Platon fait une hiérarchie : la plus haute ou plus réelle des Idées, cest lIdée du Bien. Cest le but même de la recherche philosophique dy parvenir, au terme dune ascension appelée " dialectique ".
II- la sortie de la caverne ou laccession à la vérité
Lire suite du texte (op. cit.)
Platon, après avoir décrit la caverne, va montrer quil est possible daccéder à la connaissance (aux Idées). Il va montrer quels sont les divers degrés de connaissance que lon doit parcourir pour y accéder ; à ces divers degrés de connaissance, vont correspondre divers degrés de lêtre Il faut savoir que la raison pour laquelle Platon fait correspondre aux divers degrés dêtre, divers degrés de connaissance, est son réalisme épistémologique (il passe sans cesse de la réalité à la connaissance, pour ne pas dire quil les confond !).Conséquence : vous allez voir que pour Platon, une connaissance a dautant plus de valeur que son objet en a.
B- Platon symbolise le tout par une ligne
Il divise cette ligne en différents segments, qui représentent un type dobjets et la connaissance qui les livre. A = objets visibles (connus par expérience empirique) ; B = objets intelligibles (appelés tels parce quils sont connus par lesprit). A lire suivant la proportion suivante : b est à a comme d est à c, comme B est A
Premier tableau : niveau ontologique : les divers degrés dêtre
A-genre visible (image) B- genre intelligible (modèle)
a Images : Ombres, Reflets naturels, uvres dart |
b Modèles de a: Etres vivants et artificiels (un lit, un animal) |
c Objet mathématique (réalisme mathématique : les nombres, les figures, etc., existent réellement, indépendamment de notre esprit, et sont même plus réels que les objets b) |
d Idées pures (Idée de lit, Idée danimal, Idée de nombre, etc.) |
Deuxième tableau : niveau épistémologique : les divers degrés de connaissance
Illusion des sens (eikasia) On confond les images avec les choses quelles représentent (Platon naime pas les images, il aurait beaucoup critiqué la télé, le cinéma) |
Croyance (pistis) On croit que le réel est ce que nous donne notre perception sensible (on confond le sensible avec l'être). Rejoint l'opinion (doxa) qui est un préjugé ("savoir" non fondé) |
Raison (dianoia) ou connaissance mathématique = hypothétique. Opère par définitions, axiomes, théorèmes, dont elle déduit des propositions |
Intelligence (epistèmè) ou connaissance dialectique =anhypothétique ; meilleur mode de connaissance : cest la vision du réel tel quil est en soi. Obtenue en saffranchissant des sens. |