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Résumé: Thème : relation entre la conscience et la matière, ou l’âme et le corps, dans la perception. Il s’agit de dépasser le dualisme, en établissant l’unité de nature entre matière et esprit, et en critiquant le présupposé des dualistes. Pour résoudre le problème, il faudra se demander si la matière est divisible ou invisible. |
Cours
Conscience et matière, âme et corps entraient ainsi en contact dans la perception. Mais cette idée restait obscure par un certain côté, parce que notre perception, et par conséquent aussi notre conscience, semblaient alors participer de la divisibilité qu’on attribue à la matière. Si nous répugnons naturellement, dans l’hypothèse dualiste, à accepter la coïncidence partielle de l’objet perçu et du sujet qui perçoit, c’est parce que nous avons conscience de l’unité indivisée de notre perception, au lieu que l’objet nous paraît être, par essence, indéfiniment divisible. De là, l’hypothèse d’une conscience avec des sensations inextensives, placée en face d’une multiplicité étendue. Mais si la divisibilité de la matière est tout entière relative à notre action sur elle, i.e., à notre faculté d’en modifier l’aspect, si elle appartient, non à la matière même, mais à l’espace que nous tendons au-dessous de cette matière pour la faire tomber sous nos prises, alors la difficulté s’évanouit. La matière étendue, envisagée dans son ensemble, est comme une conscience où tout s’équilibre, se compense et se neutralise ; elle offre véritablement l’indivisibilité de notre perception ; de sorte qu’inversement nous pouvons, sans scrupule, attribuer à la perception quelque chose de l’étendue de la matière. Ces deux termes, perception et matière, marchent ainsi l’un vers l’autre à mesure que nous nous dépouillons davantage de ce qu’on pourrait appeler les préjugés de l’action : la sensation reconquiert l’extension, l‘étendue concrète reprend sa continuité et son indivisibilité naturelles. Et l’espace homogène, qui se dressait entre les deux termes comme une barrière insurmontable, n’a plus d’autre réalité que celle d’un schème ou d’un symbole. Il intéresse les démarches d’un être qui agit sur la matière, mais non pas le travail d’un esprit qui spécule sur son essence.
I- IL S’AGIT D’ABORD D’EXPLICITER LES APORIES AUXQUELLES A CONDUIT LE DUALISME (JUSQU’A « EN FACE D’UNE MULTIPLICITE ETENDUE ») Exposition de la thèse classique, à travers l’explicitation de ses présupposés. Selon le dualisme, la conscience et la matière se repoussent parce qu’elles sont incompatibles. Il considère la matière comme une étendue indéfiniment divisible. Si cette hypothèse conduit à une aporie, c’est parce que le contact se ferait entre deux réalités différentes. L’aporie à laquelle on aboutit est celle d’une opposition irréductible entre de l’étendu et de l’inextensif. Si bien que le dualisme est incapable de comprendre la perception. Il tient face à face un acte qui est rebelle à toute extension, et une chose qui est étendue, une quantité. Si la matière est indéfiniment divisible, alors, on ne peut plus faire la relation entre quelque chose d’inétendu (la perception), d’indivisible, avec la matière. II- RESOLUTION DE L’APORIE Afin de résoudre cette aporie du contact âme et corps, Bergson passe à une hypothèse opposée à la précédente, qui récuse la divisibilité de la matière. Cette hypothèse, qui va être transformée en thèse, attaque le dualisme dans son principe même. 1) « mais … s’évanouit » : il s’agit de dissoudre la thèse précédente en attaquant son présupposé. a) Divisibilité en soi et pour nous Pour ce faire, Bergson procède à une distinction, celle entre la divisibilité en soi et la divisibilité pour nous (pour notre action). Il y a bien une divisibilité de la matière, mais seulement pour nous, en fonction de notre action. Elle n’est donc qu’apparente, en tant que relative à nous, et elle s’explique par les nécessités de l’action b) Matière versus espace Puis, Bergson a recours à une seconde hypothèse, qui précise la première. Cette seconde hypothèse rend compte de l’apparente divisibilité. Elle renvoie à un artifice humain : l’homme agissant imprime un filet à la matière, et ce filet, c’est l’espace. Ici, Bergson oppose matière et espace. Par là, la matière n’étant plus du côté de l’homme mais de l’être, n’est pas divisible. (Nos catégories intellectuelles, le « filet » que nous imposons aux choses pour agir sur elles, ne sont pas ontologiques : critique implicite de Kant !).La difficulté s’évanouit donc : elle est un faux problème, i.e., artificiellement construit par l’esprit humain. 2) Validation de l’hypothèse L’interrogation porte sur la matière dans son ensemble, considérée comme une totalité. Elle est ici replacée du côté de la conscience a) conscience et matière sont présentées comme étant de même nature, même si l’identification n’est pas stricte (cf. « comme »). Mais la démarche va bien dans le sens d’une identification des deux. La matière étant une spécification de la conscience, la conscience devient le paradigme pour comprendre ce qu’est la matière. La matière est une conscience minimum (ie : elle n'est en rien conscience de soi). Par conséquent : la matière est autre chose que l’étendue ou l’espace. L'étendue est mesurable, délimitable, divisible. La matière est autre chose. Il y a un être de la matière non réductible à l'être de l'étendue ou de l'espace. L’espace n’est qu’un apparaître, la matière « pour nous », une fiction commode pour la pratique.L'espace homogène n'est donc qu'une fiction, un artifice, un schème ou un symbole utile à l'intellection de l'action. L'espace n'a pas d'être, il n'est qu'un apparaître, une fiction commode et indispensable pour la pratique. Il sera présenté jusqu'à la fin négativement. Ce qui est qualifié comme renvoyant au moins d'être est donc pour Bergson, placé sur le plan de la spéculation.
Il y a donc un échange, une réciprocité, entre perception et matière. Ce processus entre dans une activité purificatrice d'intuition (effort, ascèse). Mais comment cet échange est-il possible
? En tant que dynamique, toute réalité est ouverte,
mouvante, variable. La sensation n’est pas seulement subjective,
ie, close toute entière sur le sujet, mais elle tend
vers l’extériorité. Elle est à la
fois quelque chose qui vient du sujet et qui va vers lui. Ie,
à la fois subjective et extérieure. Ce qui soutient
ontologiquement cette phénoménologie de la perception
(= discours sur l'apparaître de la perception) c'est la
réalité de la durée en toute chose, et
même, le fait que la durée est toutes choses (cf.
lignes 25-26). Copyright © Philocours.com 2021 |