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Cours
Dès 1770, Kant s’est aperçu que la raison portait sur les choses sensibles considérées dans leur totalité, i.e., sur le monde, des assertions contraires l’une à l’autre et pourtant également légitimes : ce sont les antinomies de la raison pure.
La cosmologie rationnelle envisage le monde comme la série totale des choses.
Le monde, c’est l’ensemble par addition des choses, et l’ensemble des choses simultanées ; mais selon Kant, les lois de notre connaissance nous font appréhender les choses successivement. Le monde est bien pour nous une série temporelle complète, mais dont l’unité n’est pas antérieure, mais postérieure à l’écoulement de la série et résultant de l’addition de ses parties.
La métaphysique se demande ce que l’on peut dire a priori de cette totalité.
(1) Le monde étant un ensemble de choses dans l’espace et une succession d’événements dans le temps ; est-il limité dans l’espace et a-t-il un commencement dans le temps ? ou au contraire est-il sans limites et n’a-t-il pas eu de commencement ?
(2) le monde est la somme des parties dont il est composé : la division des parties s’arrête-t-elle en des parties simples et indivisibles, ou la division se poursuit-elle à l’infini ?
(3) le monde est une série d’événements liés par le lien de cause à effet ; aboutit-on à une régression à une première cause, libre, ou la régression se poursuit-elle sans fin ?
(4) la possibilité d’un événement dépend d’un autre événement, lui-même contingent ; les contingents s’appuient-ils sur un terme absolument nécessaire ou n’existe-t-il aucun être de ce genre ?
- Chacune de ces questions engendre un conflit où la thèse finitiste est démontrée par la raison avec non moins de rigueur que l’antithèse infinitiste.
Quel en est le principe ?
La thèse finitiste part du donné actuel, pour remonter la série des conditions, et elle démontre que la régression ne peut aller à l’infini ; car alors, la totalité des conditions ne serait jamais donnée. Partant du monde actuel, il faut donc remonter à un moment qui est le premier de tous, de l’espace actuel arriver à une limite (premier conflit), du composé à des simples ( deuxième conflit), de l’effet actuel à une cause libre (troisième conflit), du contingent au nécessaire (quatrième conflit).
L’antithèse infinitiste part, elle, de la limite supposée par la thèse finitiste, et démontre que l’existence de cette limite est contraire aux conditions de la connaissance ; la position d’un événement dans le temps est toujours relative à celle d’un autre événement qui l’a précédé, la place d’un objet relative à d’autres objets qui l’entourent (premier conflit) ; le composant qu’on donne comme limite à la décomposition n’est composant que s’il est dans l’espace et par conséquent divisible (deuxième conflit) ; la cause libre rompt la série causale si elle n’est pas elle-même effet d’une autre cause (troisième conflit) ; l’etre absolument nécessaire que l’on suppose est un être qui n’a en rien sa raison d’être (quatrième conflit).
Dans la démonstration des thèses et des antithèses, Kant considère l’opération de l’entendement grâce à laquelle l’idée de la totalité inconditionnée de la série est formée par nous. C’est la raison qui prescrit de former l’idée de tout. Mais c’est l’entendement i.e., la faculté qui opère par synthèses additives, qui s’efforce de répondre aux exigences de la raison. Mais c’est justement ici que se trouve l’artifice des antinomies : la raison fait faire à l’entendement une besogne pour laquelle il n’est pas fait.
L’antinomie part de la supposition que, avant toute action de l’entendement, le divers forme une totalité absolue, un univers que, simplement, l’entendement découvre. Dès qu’il fait intervenir l’Analytique, les démonstrations des thèses comme des antithèses perdent tout sens plausible, car si les objets de l’expérience ne sont pas des choses en soi mais des phénomènes, ils n’ont aucune réalité avant celle que l’entendement leur confère en les pensant.
Lorsque la thèse finitiste veut arrêter l’entendement dans sa régression de condition en condition, elle est trop courte pour l'entendement, qui ne saurait poser un phénomène que par sa liaison avec une condition antécédente ; et lorsque l’antithèse infinitiste exige que la synthèse de l’entendement aille à l’infini, elle est trop longue pour l’entendement qui n’a jamais achevé sa synthèse.
Donc, l’espoir de trouver les bornes du monde, les composants derniers de la matière, les causes libres, l’être nécessaire auquel se suspendrait toute réalité contingente, est anéanti La tâche insoluble de pénétrer jusqu’à l’infini des choses est écarté comme n’ayant pas de sens.
c’est comme un axiome caché du kantisme que nulle faculté humaine n’est inutile, à condition seulement qu’on en trouve l’usage légitime. Or, si les Idées cosmologiques ne sont pas des principes constitutifs qui servent à nous faire ce que sont les objets, elles ont du moins un usage régulateur, en nous montrant comment il faut instituer la régression empirique de condition en condition. L’entendement cherche à un conditionné une condition, la raison, en lui prescrivant de ne pas abandonner cette recherche jusqu’à ce qu’il ait trouvé la totalité des conditions, lui indique le sens dans lequel il faut chercher et le stimule en lui présentant comme une fiction heuristique cette totalité dont l’idée doit diriger son activité.
Enfin, les objets de la cosmologie ne pouvant s’exposer dans une intuition sensible, ils ne sont pas des conditions d’une expérience possible, et n’ont donc aucune valeur objective
NB : Dans les deux premiers conflits, l’univers est considéré comme une grandeur dans l’espace : c’est à ce titre qu’ils sont « mathématiques » ; dans les deux autres, il est considéré comme une liaison dynamique de causes et d’effets (ils sont « dynamiques »).
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