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Cours
Toute la morale par provision de la troisième partie du Discours de la Méthode propose une véritable théorie de la liberté, et même, des règles pour se rendre libre. Dans les deux premières parties, il sest proposé de mettre en doute toutes nos connaissances, afin de rebâtir tout lédifice de la connaissance sur la certitude, et non plus sur lhabitude. Mais, doutant de tout, il doute aussi des préceptes de la morale. Il faut donc, en attendant davoir réussi à déterminer par lentendement ce quest le bien, adopter des maximes qui vont régler nos actions.
Descartes distingue donc deux facultés : entendement et volonté. Normalement, la volonté se règle sur lentendement, qui est la faculté dapercevoir une vérité ou un bien. Mais tant que lentendement na pas réussi à déterminer ce quest la vérité et ce quest le bien, on ne peut pas rester irrésolu en nos actions. Donc, cest la volonté qui doit prendre un parti. Il y a un pouvoir de détermination interne de la volonté indépendamment de lentendement.
1ere maxime : suivre les coutumes de son pays (règle de conformisme)
Pour Descartes, être libre ne consiste pas à sopposer aux murs qui sont celles de nos contemporains. Le non-conformisme social est pour Descartes une attitude tout à fait superficielle. En effet, on peut adopter un comportement de façon purement extérieure, en conservant son "quant à soi". Cette attitude est dailleurs indispensable parce quon ne vit pas tout seul, et que lopposition systématique au reste de la société nous créerait plus de tracas quelle ne nous rendrait libres.
Cela nempêche pas de penser que les us et coutumes de tel ou tel pays sont complètement relatifs (voir Montaigne). Toutefois, Descartes apporte une précision en donnant un critère de discrimination entre les diverses opinions soffrant à lui, et les diverses conduites qui en résultent : il sagit de suivre les opinions les plus modérées parmi celles qui sont également sensées. Le bon sens joue un grand rôle.
Cest donc non seulement une maxime de conformisme, mais encore, de modération. Cf. juste milieu dAristote. Il faut être modéré, parce quen labsence de la connaissance certaine, lopinion la plus modérée apparaît la plus raisonnable car la plus facile à corriger au cas où par après je découvre quelle est fausse. Cette idée se trouvait déjà dans le De Vita beata de Sénèque.
La première application de cette règle de modération permet de déterminer comment on peut faire pour rester libre. Dans labsence de certitude sur ce quest le vrai bien, il faut absolument refuser de sengager définitivement. La liberté tient ici dans le sens critique, qui est une sorte dantidote contre le fanatisme. Il faut toujours garder, pour Descartes, surtout dans une morale provisoire, une sorte de distance de pensée, ne pas se livrer totalement à une opinion, incertaine par nature.
2nde maxime : prendre le certain comme probable
(Il faut noter que c'est tout le contraire dans le second paragraphe de la Première Méditation, mais ici, il ne s'agit pas de connaître, mais de vivre, d'agir); on pourrait se demander sil ny a pas une contradiction entre la fin de la première maxime et le début de la seconde. En fait, il ne faut pas que cette distance de pensée nous conduise à limpuissance dans laction, parce que dans la pratique, il faut choisir et se déterminer. La difficulté est complètement levée si lon revient à la distinction entre lentendement et la volonté : il faut intellectuellement garder une distance de pensée, mais la volonté doit être ferme et résolue.
La finalité de cette maxime, cest de se rendre heureux. Or, lirrésolution conduirait à un doute incessant sur nos choix. Il y a donc en morale une forme de pari, puisquen labsence de la connaissance du vrai bien, on ne peut que se fier à la probabilité.
Exemple du voyageur égaré dans une forêt : mieux vaut choisir un chemin, même si l'on ne sait pas où il mène, que ne rien chosir du tout !
3e maxime : changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde
Elle affirme que la liberté de la volonté et son autonomie sont infinies (cf. les stoïciens).
Descartes reprend très évidemment une grande partie de la thèse stoïcienne. Toutefois, il y a une grande différence : chez Descartes, la physique a changé. Le monde nest plus un cosmos. De ce fait, la confusion stoïcienne entre éthique et physique nest plus possible. Faire la différence entre ce qui dépend de moi et ce qui ne dépend pas de moi, chez Descartes, ce nest plus faire la différence entre la nécessité physique et les représentations que jai des événements, mais cest montrer linfinité de la volonté. Rien ne moblige à vouloir quoi que ce soit. La liberté, chez Descartes, cest un pouvoir de dire non à tout, à tout ce que je nai pas et que je pourrais désirer.
Ne voulant pas, par une puissance infinie de la volonté, tout ce que je ne peux pas avoir, je ne peux pas souffrir de ne pas lavoir. Plutôt que dêtre soumise aux choses, la volonté se soumet toutes choses en nadhérant pas à ce qui nous est refusé. La liberté va donc consister à bien distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Or, ce qui dépend de nous, ce sont nos désirs et nos passions. Mais changer ses désirs ne veut pas dire renoncer à tout désir. Cela veut dire régler ses désirs en jugeant ce qui est en notre pouvoir. Cest parce que la volonté est absolument libre quelle peut sarracher à la tyrannie des désirs et nous rendre heureux.
Descartes, peut-être à la différence des stoïciens, ne rejette pas les passions et les désirs, mais il condamne le dérèglement que peut introduire notre imagination dans notre rapport aux choses. Nous avons malheureusement acquis dans notre enfance de très mauvaises habitudes : en pleurant, en commandant, nous nous sommes fait obéir de nos nourrices, et nous avons eu ce que nous demandions. Or, être libre, pour Descartes, cest exactement linverse, puisque cest faire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Être libre, cest sortir de lenfance, i.e., sortir dun état dans lequel on cherche à satisfaire, par lintermédiaire dautrui, des désirs qui ne dépendent pas de nous. Etre libre, cest une certaine façon de regarder les choses consistant à ne pas désirer ce que lon ne peut avoir.
Descartes ne présente pas absolument la liberté comme un choix fondamental, comme une rupture brusque avec la précédente. Au contraire, il faut sexercer à être libre, prendre lhabitude de se détacher de ce qui ne dépend pas de nous. On retrouve lidée dAristote selon laquelle la vertu est un état habituel que lon acquiert par un bon naturel et une bonne éducation.
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