Plan
Corrigé
Faut-il toujours dire la vérité
?
(ou : la vérité est-elle toujours un devoir ?)
Faut-il : nécessité,
devoir, exigence morale, valeur (on est contraint, on ne peut
pas faire autrement ; ou bien on est obligé)
Devoir : « debere », obligation d’obéir
; être tenu par le droit, les lois ; attention à
la distinction « contrainte et obligation », que l’on
trouve à la fois chez Rousseau (Du contrat social, I, 3)
et chez Kant, dans Fondements de la métaphysique des mœurs,
qui expose sa conception de la morale : tout comme il y a deux
définitions du droit, le droit positif et le droit naturel,
il y a deux définitions du devoir, l’un est obéissance
à la « moral », l’autre, à ce
que vous impose une loi, un ordre, une autorité, pas nécessairement
« juste » ou « morale »…
La vérité : ce qui s’oppose à la fois
aux faux, à l’illusion, et au mensonge… On
notera que nous n’aborderons ici que le point de vue politique,
juridique, et moral. Et que nous entendrons par « ne pas
dire la vérité », avoir la volonté
de cacher quelque chose à autrui (donc, le mensonge).
Présupposé : la vérité est de l’ordre de la valeur pour l’homme. A la fois parce qu’il ne pourrait pas vivre ou plutôt survivre sans elle, et au sens où sans elle, il ne pourrait peut-être pas mener une vie humaine digne de ce nom (la vérité est alors une exigence, humaine et morale). C’est le traitement d’autrui, de l’autre, de l’autre personne, de l’autre homme, qui est ici en question. Dire la vérité, si cela paraît être une valeur sociale, un impératif « social », pourrait-on dire, est-ce toujours un impératif moral ? N’a-t-il pas des exceptions au devoir de vérité qui en feraient justement un véritable devoir ? Parfois, mentir n’est-il pas plus moral que dire la vérité ? Ou même nécessaire pour l’ordre social ?
I- Un devoir social
Cf. Hobbes, Léviathan ; De Cive : le contrat social, le respect des promesses, comme fondement de la société
Problème : Mais si ne pas mentir est une nécessité sociale, reste que le devoir de vérité peut tout à fait n’être qu’une contrainte. J’obéis et nous obéissons tous, peut-être, à l’impératif qui stipule qu’il ne faut pas mentir, non pas parce que la vérité nous apparaît comme une valeur absolue, mais par intérêt : pour ne pas aller en prison, pour que nous puissions vivre les uns avec les autres (cf. Hobbes), etc. Le devoir de vérité n’a alors aucun fondement moral ! Ce n’est qu’une contrainte, pas une obligation !
II- Un devoir moral
En quoi la vérité est-elle un devoir absolu, une obligation et non une contrainte ?
Cf. Kant, D’un prétendu droit de mentir par humanité ; Fondements de la métaphysique des mœurs (les 3 formulations de l’impératif catégorique)
Kant emploiera, à la place des termes que nous empruntons à Rousseau (ceux de contrainte et d’obligation), les termes d’ « impératif catégorique » et d’ « impératif hypothétique » ?
Cf. seconde formulation de l’impératif catégorique de Kant : "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen".
Dire la vérité à autrui est par conséquent une exigence absolue car on en mentant à l’autre on ne le respecte pas, on le traite comme un objet, etc. Il faut toujours, dans toute circonstance, dire la vérité, par respect pour l’humanité.
III- Critiques morale et politique de II : Parfois, mentir n’est-il pas plus moral que dire la vérité ? Ou même nécessaire pour l’ordre social ?
A- Il est parfois plus moral de
mentir que de dire la vérité :
On objectera ainsi à Kant que si c’est par respect
pour l’humanité d’autrui qu’on ne lui
dira pas, par exemple, la vérité à propos
de sa maladie, le problème est que autrui n’est pas
toujours seulement une personne c’est-à-dire un être
raisonnable, capable de se donner à lui-même des
fins morales etc. mais aussi un être capable de souffrance…
Traiter autrui comme un être abstrait ce n’est pas
toujours le respecter ! C’est faire passer des principes,
des valeurs, avant un être particulier, et dont cette particularité,
je pense, en fait également toute la dignité !
Cf. Kant, D’un prétendu droit de mentir par humanité
: si un ami poursuivi par des brigands se réfugie chez
vous pour se cacher, et que ces brigands vous demandent où
est cet ami, vous devez, par respect pour l’humanité,
dire la vérité à ces brigands ! A méditer…
Cf. P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, pp. 312 sq. (montre
bien que la seconde formulation de l’impératif catégorique
de Kant pose des problèmes inédits à propos,
essentiellement, de la vie « commençante »
et « finissante »)
B- Il est parfois nécessaire
de mentir, pour le bien de la nation
Cf. le concept de raison d’Etat (considérations invoquant
l’intérêt supérieur de l’Etat
pour justifier une action contraire aux règles de droit
habituelles ou aux règles morales reconnues).
Cf. Machiavel, Le Prince, chapitre 18, « comment les princes
doivent tenir leur parole » ; Machiavel justifie dans ce
texte la non fidélité à la parole donnée
de la part du politique, en mettant à part de la morale
la sphère propre du politique : en politique, seule compte
l’efficacité, valeur suprême… attention,
cela ne signifie nullement que le politique doit mentir s’il
en a envie, par intérêt personnel ! Mais que dans
certaines circonstances, il lui faut mentir (exemple : sauver
la vie de milliers de gens) ; et très souvent : tenir compte
de la « nature » (sic) humaine, c’est-à-dire,
du fait que les hommes ne s’intéressent qu’à
leurs propres intérêts (donc : flatter le vulgaire,
lui mentir pour obtenir le poste de président… peut
être nécessaire !)
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