Plan
Corrigé
Signification des termes :Peut-on : possibilité au sens de capacité
Soi-même : renvoie à la notion didentité personnelle, et implique une réflexion sur soi qui fait apparaître ce que je suis, ie, mon essence ; seul un sujet pensant, conscient dêtre, élabore lidée du soi-même par laquelle il cherche à se définir (le soi-même renvoie à la conscience de soi)
Etre : dans lexpression « être soi-même », signifie dabord une simple relation didentité ; renvoie surtout à lessence
- la question sous-entend dabord quil est difficile, voire même impossible, de ne pas être soi-même : contradiction, paradoxe (je ne peux à lévidence être en même temps moi-même, et différent de moi-même ! Je ne peux être autre que moi-même, ça ne veut rien dire, cest une question de bon sens)
- elle sous-entend donc aussi que normalement, nous sommes nous-mêmes (nous sommes la même chose que le « soi-même », ie, que ce dont nous avons conscience dêtre ; ou bien, nous sommes un être identique à soi-même, nous sommes une seule et même personne, etc.)
- notions essentielles pour analyser lénoncé : principes didentité et de contradiction
Pourtant, si cette expression pose problème, il faut également reconnaître quon lutilise souvent : « je nétais plus moi-même » (javais trop bu, par exemple ; ou jétais furieux). Il faut donc bien que cette expression ait un sens ! Quel sens lui donnons-nous dans la vie courante ? Que voulons-nous dire par là ? Il semble que lon désigne par là le manque de maîtrise de soi : on « soublie », on oublie les convenances, etc. On nest pas maître de ce quon fait, on a limpression quon nest même pas à lorigine de ce quon fait. On peut se référer à Freud pour rendre compte de la possibilité de cette expression, ie, pour lui donner un fondement réel.
Mais nous avons vu que la notion de « soi » renvoie à la notion de conscience (de soi). Pas de soi-même, sans être qui peut se considérer comme un soi-même, qui sapparaît à lui-même, qui a conscience de soi, etc. Peut-être alors que la notion renvoie au problème de la connaissance de soi. Lexpression ne pas être soi-même signifierait alors : ne pas être ce quon croit être. Est-ce que ce qui nous apparaît de nous, ce à quoi nous avons accès, nest quune apparence de ce que nous sommes vraiment, de notre personnalité ? Le soi-même nest alors quune illusion, ce nest pas notre être. Etc. On est toujours ici du côté de Freud. Ne pas être soi-même, chez Freud, cest quand linconscient remonte à la surface : je ne me comprends plus, je fais des choses dont le sens méchappe, dans lesquelles je ne me reconnais pas. Mais en fait, cest ma véritable personnalité, non ? Je ne suis pas ce que je crois être, cest tout ! Jignore donc ce que je suis vraiment : cest un problème de méconnaissance de soi plutôt que « ne pas être ». Ce que je suis vraiment, méchappe, je méchappe sans cesse à moi-même. Ce quon connaît de nous (notre soi au sens de ce qui apparaît) pas vraiment ce que nous sommes (notre soi au sens dessence) : cest seulement une apparence, une image de nous-mêmes. Je suis autre que le moi-même qui mapparaît immédiatement.
Elle peut signifier encore : ne pas réussir à être authentiquement soi. Le soi est caché, ou bien, je nai pas le droit de lexprimer, etc. Cest une problématique sociale : est-ce que la vie en société ne mempêcherait pas dêtre moi-même ? On pensera à la philo de Rousseau Mais on pensera aussi à une critique sartrienne du cogito cartésien, que suppose la thèse de Rousseau.
Nous avons vu aussi que lexpression renvoie à la notion didentité personnelle (en plus, que être = relation didentité). Lexpression voudrait alors dire que je ne suis jamais le même, que je suis toujours en mouvement, toujours en devenir. Je change sans cesse. Je suis donc « multiple ». On nest pas toujours le même. Mais on dira encore que cest impossible : on nest pas sans cesse autre que soi, quand même : il faut bien que quelque chose « reste » identique à travers ces changements, sinon, ces changements ne seraient pas les miens ! Sens dans lequel on peut pourtant dire ça : cf. sens sartrien : être soi-même au sens didentique à soi-même, ce serait être figé, ce serait être une chose. Un homme nest pas une chose (une chose est ce quelle est : étendue dans lespace, résistance, poids, etc.) ; un homme n »est pas », n »est rien », il existe, il est en perpétuel devenir, il est projet Je ne suis pas moi-même signifie (sens positif, donc) que jai à être moi-même. Cest ce qui me distingue de la chose. Problème de la liberté et de ce qui fait de nous des hommes.
I-Le sens de lexpression selon le sens commun ; justification philosophique de cette opinion : la théorie freudienne de linconscient. Est-ce parfois, je ne manque pas de maîtrise de moi-même, je fais des choses dont je ne comprends pas le sens ? Cf. passions, inconscient
II-problème de la connaissance de soi : peut-on avoir accès à notre véritable être ? Ce que je suis vraiment, correspond-il à ce dont jai conscience dêtre ?
III-Mais nous navons pas dit que lexpression aurait un sens ontologique : puis-je être autre que moi-même ? Puis-je ne pas être moi-même au sens strict de lexpression ?
Cf. Sartre et la liberté de lhomme, le fait même quil ait une conscience (pas besoin de recourir à linconscient) ; cf. existence dans le temps
Dans LEtre et le néant (le chapitre sur la mauvaise foi ; la dualité humaine ; len soi et le pour soi), Sartre parvient à donner un sens à la phrase : « je ne suis pas ce que je suis », qui est une reformulation littérale, de lexpression « je ne suis pas moi-même ». Ainsi, il dit que je ne suis pas ce que je suis, au sens où « ce que je suis » désigne « ce que jai été ». Je peux par conséquent être aussi ce que je ne suis pas, si par « ce que je ne suis pas », jentends « ce que je serai ». Par conséquent, je peux ne pas être moi-même, au sens je ne suis pas ce que jai été (réductible à , prisonnier de mon passé) et où je suis ce que je serai (me ferai être, cf. projets, etc.). Ne pas être ce que nous sommes, signifie que nous sommes libres, que nous pouvons à tout moment choisir ce que nous voulons être. Tout autre sens de lexpression serait sans doute à mettre au compte de ce quil appelle les conduites de mauvaise foi, conduites dexcuse (cf. fait que pour S., le principe didentité ne vaut que des choses, qui sont « en soi »
Par rapport à Freud, on na plus besoin de recourir à une distinction entre deux parties de notre être ; lexpression « ne pas être soi-même » na plus un sens négatif (ne pas oublier que chez Freud, on était obligé de nier toute liberté : ne pas être soi-même cest ne pas sappartenir, cest être « aliéné », ne pas se comprendre ).
Et puis, on peut presque prendre lexpression « ne pas être soi-même » en un sens littéral : je ne suis pas identique à moi-même, je ne suis pas le même tout au long de ma vie. Cf. rapport à la notion de temps.
Autre possibilité : analyser le non sens de lexpression en première partie Mais cela peut déjà apparaître dans lintroduction. Sans doute pas assez de choses à dire pour faire une première partie solide.
Autre : analyser le sens commun et sa justification philosophique, en I , et montrer que ce nest pas possible : la conscience nest-elle pas la source de toute vérité ? (cogito cartésien). En II montrer que si, cette expression est fondée : cf. inconscient freudien.
Descartes, le cogito
Freud, la théorie de linconscient
Hume, Traité de la nature humaine, lidentité personnelle
Sacks, le marin perdu (in Lhomme qui prenait sa femme pour un chapeau)
Sartre, Lêtre et le néant, la mauvaise foi ; Lexistentialisme est un humanisme : différence homme/ chose : lhomme na pas dessence prédéfinie, il se définit lui-même et nest jamais définitivement achevé ; Huis-Clos
Documents
« Lexistence précède lessence ( ). Lorsquon considère un objet fabriqué, comme par exemple un livre ou un coupe-papier, cet objet a été fabriqué par un artisan qui sest inspiré dun concept ; il sest référé au concept de coupe-papier, et également à une technique de production prélable qui fait partie du concept, et qui est au fond une recette. Ainsi, le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit dune certaine manière et qui, dautre part, a une utilité définie, et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir à quoi lobjet va servir. Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, lessence ie, lensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir- précède lexistence ; et ainsi la présence, en face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminée. ( ) Lexistentialisme athée ( ) déclare que si Dieu nexiste pas, il y a au moins un être chez qui lexistence précède lessence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être cest lhomme ( ). Cela signifie que lhomme existe dabord, se rencontre, surgit dans le monde, et quil se définit après ( )sil nest pas définissable, cest quil nest dabord rien. Il ne sera quensuite, et il sera tel quil se sera fait. Ainsi, il ny a pas de nature humaine ( ). Lhomme nest rien dautre que ce quil se fait. Tel est le premier principe de lexistentialisme. »
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