Plan
INTRODUCTION
I- LA RÉPONSE THÉISTE : ON PEUT JUSTIFIER LA CROYANCE EN L’EXISTENCE DE DIEU PAR LA RAISON.
II- OBJECTIONS AU « THÉISME »
A- La preuve ontologique emporte-t-elle notre adhésion ?
B- L’impossibilité du recours à l’expérience pour prouver l’existence de Dieu
C- L’objection fidéiste
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Cours
Avertissement
Ce cours sur la religion est plus précisément un cours sur les rapports entre la raison et la foi. Jexpose les deux grandes thèses concernant ces rapports : le théisme, et le fidéisme. La première considère que la foi, si elle nest pas justifiée par la raison, est absurde, et, bien sûr, présuppose quil est possible de justifier par la raison la croyance en Dieu. La deuxième considère au contraire que la foi se suffit à elle-même et par conséquent na pas besoin dêtre justifiée par la raison ; de toute façon, cest une tâche impossible à la raison.
Laspect général du cours vient de ce que jestime ne pas pouvoir trop me prononcer sur lexpérience religieuse, que je ne pourrais comprendre, faute de lavoir jamais connue. De plus, ce cours est délicat, et il me semble que le premier devoir du professeur de philosophie est de chercher à ne froisser aucune conviction personnelle (attention : par « conviction personnelle », ici, je nentends nullement lopinion, le préjugé, quil est par contre de notre devoir dessayer de vous enlever. Par exemple, je fais la différence entre « croire que les races sont inégales », qui est une opinion fausse, non fondée, et « croire en Dieu » -évidemment, à condition que celui qui ait cette croyance ne veuille pas limposer de force aux autres, et reconnaisse à son tour que celui qui ne croit pas en Dieu na pas « tort » ; ce qui me paraît être pratiquement impossible, mais jen ai déjà assez dit sur ce point)
Note sur lemploi des termes de « foi » et de « croyance » :
En général, ces deux termes ne sont pas synonymes. La notion de croyance est plus vaste : la croyance désigne un assentiment à des affirmations dont la démonstration est insuffisante, ou bien dont je ne connais pas les fondements. Je peux croire que le père noël existe, que la neige est blanche, que Jeanna dArc a existé, que la terre est ronde, etc. La croyance nexclut pas le doute, bien au contraire : la croyance soppose, avons-nous dit, au savoir démontré. La foi, elle, nexclut pas le doute, et se dit en général des affirmations religieuses. Normalement, la question de linsuffisance des preuves ne se pose pas à propos de la foi.
Jai pris le parti, ici, de les employer comme synonymes. Quand on dit « je crois en Dieu » et « jai la foi » (en Dieu), les deux expressions ont bien le même sens. Et cela ne vaut pas que du domaine religieux : en effet, on emploie souvent certes le terme de croire pour sous-entendre quon nest pas certain, mais on lemploie aussi très souvent pour montrer quon est convaincu.
Jai profité pour parler de Darwin : ce cours rejoint ici la notion du « vivant », qui est à votre programme (plus précisément : le problème de la finalité naturelle). Je lai déjà abordé dans le cours sur lhistoire.
Cette question pose le problème de la compatibilité entre la foi et la raison. Il s'agit de savoir si la raison doit jouer le rôle de justification, au sens de validation, des croyances religieuses. La croyance dépend-elle du fait que nous ayions de bonnes raisons d'y croire?
I- La réponse théiste : on peut justifier la croyance en lexistence de Dieu par la raison.
1) Définition
du théisme
Pris généralement,
le terme « théisme » désigne (en anglais)
le non athéisme philosophique, armé dun
arsenal de preuves rationnelles de lexistence de Dieu.
2) Synonymes
a) la « religion des philosophes »
Cf. le « Dieu des philosophes » (in cours sur les Méditations métaphysiques de Descartes)
b) la « religion naturelle » :
« Naturelle » soppose dabord à « révélée » ; la religion naturelle est la connaissance de lexistence de Dieu par la raison, donc, en droit, par tout homme. Mais nous verrons plus loin que la religion naturelle a dautres significations
c) le « déisme »
Souvent, également, synonyme de « déisme » (en tant que croyance rationnelle en lexistence de Dieu).
A partir du XVIIIe, les deux termes vont se distinguer :
Diderot, Essais sur le mérite et la vertu, Hermann, I, 297: le déiste est « celui qui croit en Dieu, mais qui nie toute révélation ; le théiste au contraire est celui qui est près dadmettre la révélation et qui admet déjà lexistence dun Dieu. » |
Personnellement, je trouve que cette distinction nest pas vraiment fondée, et je considérerai donc dans la suite les deux termes comme voulant dire la même chose. Je mintéresse dailleurs ici essentiellement à laspect qui leur reste commun : il sagit de la croyance en la possibilité de prouver rationnellement lexistence de Dieu.
3) Les preuves de lexistence de Dieu
Cf. St Anselme, St Thomas, Locke. Ils vont proposer des preuves (a priori, a posteriori, etc.) et considérer qu'elles sont correctes. On trouve généralement trois grands types de preuves ou darguments :
a) largument ontologique, qui est basé sur la seule raison
Il nest pas basé sur lobservation du monde, ou sur une autre forme dévidence externe, mais sur la définition du mot Dieu : ainsi, il stipule que si vous comprenez ce que Dieu est, vous comprenez quil existe.
Saint Anselme, dans le Proslogion, emploie ce type dargument, tout en précisant bien que cet argument nest pas ce qui peut le faire croire en Dieu, mais que cest sa croyance qui le mène à comprendre lexistence de Dieu dune manière particulière -en loccurence, dune manière qui le mène à conclure que Dieu doit exister.
Cf. Proslogion, second chapitre :
(1) Dieu est défini comme lêtre le plus réel, tel que rien de plus grand ne peut être pensé
(2) or, quelque chose est plus grand sil existe que sil nexiste pas
(3) donc, si Dieu est la plus grande chose (au sens dabsolue,
de parfaite) imaginable, il doit exister
b)
Largument cosmologique, basé sur le fait général
de lexistence du monde
b1) largument du premier moteur :
(1) tout ce qui se meut est mû par quelque chose
(2) ce moteur est à son tour mû par quelque chose dautre
(3) mais cette chaîne de moteurs ne peut aller à linfini, sinon, les mouvements nauraient pu commencer
(4) par conséquent il doit y avoir un premier moteur, causant le mouvement en toute chose, sans être lui-même mû
(5) ce moteur non mû est ce que le sens commun appelle Dieu.
b2) Largument du possible et du nécessaire :
(1) les choses individuelles viennent à lexistence et cessent dexister
(2) par conséquent, à un moment, aucune delles nexistait
(3) mais quelque chose vient à lexistence seulement comme le résultat de quelque chose dautre qui existe déjà
(4) par conséquent il doit y avoir un être dont lexistence est nécessaire.1
c) Largument « du design », basé sur certains traits particuliers du monde
Le monde est ici considéré comme une machine, et on dit que lagencement harmonieux des parties entre elles prouve lexistence dun artiste parfait.
Cest ce quon appelle théologie/ religion 2 naturelle : de la considération des choses créées, résulte lexistence de Dieu (dun Dieu créateur) ; nul besoin de révélation pour le savoir. Cest la connaissance quon a de Dieu et de ses attributs par les lumières de la raison et de la nature, en remontant de lordre des choses à un être ayant telle ou telle qualité.
Il est intéressant de faire ici un petit historique de la notion de religion naturelle.
c1) Ce sont les stoïciens qui sont à lorigine de la notion de religion naturelle : Sénèque, Lettre 117, §6
Par ailleurs, nous autres stoïciens attachons beaucoup dimportance à ce que tous les hommes saccordent à présumer 3 ; selon nous, quune chose soit crue de tous plaide en faveur de sa vérité. Par exemple, entre autres arguments, lexistence des dieux est inférée du fait que tous les hommes ont une idée des dieux et quaucune nation ne sest écartée des lois et de la morale au point de ne pas croire à des divinités. Lorsque nous discutons de léternité de lâme, cest une raison de poids à nos yeux que le consentement de lhumanité pour craindre ou vénérer les défunts. Or, si je peux invoquer ici la conviction générale, on ne trouve personne qui ne pense pas que la sagesse est un bien et quêtre sage, aussi. |
Conseil : lisez également Cicéron, De la nature des dieux.
Pour comprendre ce texte, il faut connaître la théorie des « notions communes » des stoïciens. Les notions communes sont des « représentations anticipatives forgées par tous les hommes à partir de lexpérience par un travail de comparaison de la raison ». Cest ce que tout homme, en exerçant sa raison, doit déduire de lexpérience. Conséquence de cette théorie : le consentement universel est le signe probable de la vérité.
Passant au crible les notions communes concernant la religion, et essayant par là de distinguer les véritables notions communes des préjugés, on peut déterminer les points communs à toute religion, le noyau de la religion, ce sur quoi doivent saccorder tous les hommes en tant quhommes et surtout en tant quêtres raisonnables :
- existence dun ou de dieux (preuve de lexistence de Dieu par lordre du monde et son caractère harmonieux)
- justification de la providence par la perfection du corps humain et ladaptation des organes à leur fonction
- nécessité dun culte exprimant reconnaissance et révérence (la religion naturelle pose que ce culte réside dans lattitude intérieure de la pensée, ou dans la volonté dhonorer Dieu par la pratique de la vertu ; les cérémonies sont reléguées au second plan)
Problème : cette notion commune, en sa particularisant dans les sociétés et au cours de lhistoire, va créer des différences de culte (cf. linterdit de certains aliments) ; est-ce que toutes ces croyances et institutions religieuses se valent ? Non, car la croyance peut se dégrader en crédulité et le culte en superstition. De toute façon, les notions communes servent justement de critère pour séparer la vraie piété de la superstition. (En loccurrence, le vrai culte va être assimilé à la vie droite, morale).
c2) Newton et lémergence de la théologie naturelle au 18e
Newton, Principes de philosophie naturelle (1687). Après avoir décrit le mouvement des planètes, il ajoute : « cet arrangement aussi extraordinaire du Soleil, des planètes, et des comètes, na pu avoir pour source que le dessein et la seigneurie dun être intelligent et puissant. Si de plus les étoiles « fixes » sont les centres de systèmes semblables, toutes dépendront de la seigneurie dun Seul, puisquelles seront construites selon le même dessein » et il précise : « Cet Etre gouverne tout, non en tant quâme du monde, mais en tant que Seigneur de tout ce qui est. A cause de sa seigneurie, on a coutume dappeler le seigneur Dieu « Pantocrator » ». |
Cf. fait que Newton recherchait les lois de la nature, i.e., les uniformités qui se manifestent entre les phénomènes. Cette unité et cette rationalité des lois de la nature va être considérée, pendant près de deux siècles, comme étant la preuve de lexistence de Dieu.
Conséquence : la théologie nest pas séparée de la philosophie/ science. (et, bien entendu, la foi et la raison sont pensées en continuité, non en discontinuité)
c3) W. Paley, Natural theology ; or Evidence of the Existence and Attributes of the Deity collected from the Apparences of nature (1802).
Objet : prouver lexistence dun dessein divin et montrer que le monde se trouve agencé pour assurer du mieux possible, le bonheur des êtres crées, et, surtout, de lespèce humaine.
« Il ne peut y avoir de dessein (design) sans quelquun pour le former (a designer) ; dinvention sans inventeur ; dordre sans choix ; darrangement sans être capable de ranger ; dutilité (subserviency) et de relation à un but (purpose), sans quelque être qui puisse se fixer un but ; de moyens convenant à une fin, sans que la fin nait jamais été envisagée, et que les moyens ne lui aient été ajustés (accomodated to it). Ajustement, disposition des parties, utilité de moyens en fonction dune fin, rapports des instruments à un usage impliquent la présence dune intelligence et dun esprit.» |
Il a trouvé un terrain de choix pour ses démonstrations dans lhistoire naturelle et plus particulièrement dans lanatomie.
Le parfait ajustement des parties dun organisme leur « adaptation » les unes aux autres ainsi quau milieu- ne doit-il pas être regardé comme le signe dun dessein (design) de la nature ?
Plus généralement, lordre de cette nature, y compris dans ses perturbations passagères, offre à lesprit de lhomme la preuve irréfutable de lexistence dun Dieu prévoyant.
Il croit donc à ce que Lovejoy a nommé « léchelle des êtres » : i.e., un ordre de la nature, dont le sens se trouve prédéterminé.
NB : les arguments cosmologique et téléologique suggèrent donc quil y a des caractéristiques du monde qui mènent lesprit à ce qui va au-delà de lexpérience : cest ce à quoi on serait conduit quand on se demande « quelle est la cause de toute chose? Pourquoi le monde est-il comme il est? », etc.
On peut considérer que ces arguments / preuves ne peuvent justifier la croyance en Dieu. Aucune preuve de l'existence de Dieu n'a jamais été considérée comme satisfaisante par tous ceux qui étaient capables d'en reconnaître la validité.
A- La preuve ontologique emporte-t-elle notre adhésion ?
1) Largument ontologique échoue à prouver lexistence de Dieu
Kant, dans la Critique de la Raison Pure, critique cet argument, en réponse directe à Descartes, qui avait maintenu, dans sa version de cet argument (Méditations métaphysiques), que de même quil est impossible de penser un triangle sans trois faces et un angle, de la même manière, il est impossible de penser Dieu sans affirmer son existence nécessaire.
Kant est daccord avec le point de départ de la preuve ontologique :
(1) si vous avez un triangle, alors il doit avoir trois angles (un triangle sans cette propriété est une contradiction)
Mais il nest pas daccord avec sa conclusion ; la prémisse ne mène pas nécessairement à la conclusion de Descartes, car :
(2) si vous navez pas le triangle, vous navez pas non plus ses trois angles.
Les angles du triangle sont nécessaires, du fait quils
sont une partie de la définition du triangle ; mais cela
ne dit rien au sujet de lexistence actuelle du triangle
: la nécessité nest pas un trait du monde,
mais seulement de logique ou de définition.
Ainsi, ce quil est permis daffirmer, cest largument
suivant :
(1) si vous acceptez Dieu, il est logique daccepter son existence nécessaire;
(2) mais vous nêtes pas obligés daccepter Dieu.
2) Objection à Kant
Mais ne peut-on pas objecter que les deux situations (celle du triangle et celle de Dieu) ne sont pas parallèles?
Cest ce que rétorquerait Descartes, pour qui Dieu est un concept unique. Cest en tout cas ce quil répondit à Gaunilo, qui lui avait objecté que si largument dAnselme était vrai, alors, lîle parfaite dont il avait lidée, devrait aussi nécessairement exister. Descartes répondit quune île est une chose limitée, et que vous pouvez toujours imaginer des îles de plus en plus parfaites, à linfini. Alors que lêtre tel quaucun être plus parfait ne peut être pensé, sil pouvait être pensé comme un non-existant, pourrait aussi être pensé comme ayant un début et une fin, mais alors, il ne serait plus lêtre le plus parfait qui puisse exister.4
3) On peut défendre Kant en disant que la preuve ontologique est minée à sa base, en ce quelle présuppose que lêtre se démontre
Cf. Hume, Enquête sur lentendement humain, Section IV, première partie : « Tous les objets de la raison humaine ou de nos
recherches peuvent naturellement se diviser en deux genres,
à savoir les relations didées et les
faits. Du premier genre sont les sciences de la géométrie,
de lalgèbre et de larithmétique,
et, en bref, toute affirmation qui est intuitivement ou
démonstrativement certaine. Le carré de lhypoténuse
est égal au carré des deux côtés,
cette proposition exprime une relation entre ces figures.
Trois fois cinq est égal à la moitié
de trente exprime une relation entre ces nombres. Les propositions
de ce genre, on peut les découvrir par la seule opération
de la pensée, sans dépendre de rien de ce
qui existe dans lunivers. Même sil ny
avait jamais eu de cercle ou de triangle dans la nature,
les vérités démontrées par Euclide
conserveraient pour toujours leur certitude et leur évidence. |
On ne peut établir lexistence dun fait ou dun être, autrement quen prenant appui sur lexpérience. Lêtre ne se démontre pas et nest jamais, par définition, nécessaire.
Dès lors, la preuve ontologique nest pas valide (puisque lêtre ne se démontre pas), de même que largument cosmologique, qui, avons-nous vu, remonte de la contingence à la nécessité pour affirmer que Dieu est une cause nécessaire (puisque lêtre nest jamais nécessaire).
Cest dailleurs le présupposé de la critique kantienne de la preuve ontologique, puisque Kant affirme dans la Critique de la Raison Pure que lexistence nest pas un prédicat.
Kant, Critique de la raison pure, Ed. Puf Quadrige, pp. 429-30 « Etre nest évidemment pas un prédicat
réel, i.e., un concept de quelque chose qui puisse
sajouter au concept dune chose. Cest simplement
la position dune chose ou de certaines déterminations
en soi. Dans lusage logique, ce nest que la
copule dun jugement. Cette proposition : Dieu est
tout-puissant, renferme deux concepts qui ont leurs objets
: Dieu, et toute-puissance ; le petit mot « est »
nest pas du tout encore par lui-même un prédicat,
cest seulement ce qui met le prédicat en relation
avec le sujet. Or, si je prends le sujet (Dieu) avec tous
ses prédicats (dont la toute-puissance fait partie)
et que je dise : Dieu est, ou il est un Dieu, je najoute
aucun nouveau prédicat au concept de Dieu, mais je
ne fais que poser le sujet en lui-même avec tous ses
prédicats (
) |
Si vous décrivez une chose de façon complète, vous najoutez rien à cette description en disant et elle existe. Lexistence nest pas un concept, un attribut de lobjet à côté des autres. C est juste une façon de dire quil y a la chose, avec toutes ses qualités. Ainsi ny a-t-il pas de différence entre le concept de « 100 thalers » dans votre imagination, et le concept de « 100 thalers » dans votre porte-monnaie. Seulement, dans un cas, ils existent, et dans lautre, ils nexistent pas. Et une existence nest pas quelque chose qui se définit, qui se déduit, mais quelque chose qui se constate (cf. texte Hume ci-dessus). Si je dis : « cette chaise existe », le concept dexister ne se déduit pas de la définition de la chaise. Je ne peux pas tirer par analyse lexistence de la chaise de sa définition. Lexistence ajoute au concept sa propre réalité.
Donc, la preuve ontologique ne prouve pas que Dieu existe, et ne peut nous faire croire en Dieu ; elle na convaincu, et ne peut convaincre, personne. Elle ne peut en fait convaincre que ceux qui sont déjà convaincus Or, ceux-ci croient « parce quils croient » !Autrement dit : elle échoue à justifier la croyance en Dieu.
B- Limpossibilité du recours à lexpérience pour prouver lexistence de Dieu
1) Critique de la
preuve « par le design » : Hume, Dialogues sur la
religion naturelle.
Dans cette uvre, la question religieuse est abordée dans loptique de la connaissance scientifique. Hume soppose en effet au théisme, sous sa forme de religion naturelle, pour lequel la religion serait affaire de connaissance. Il montre que la raison ne saurait acquérir aucun savoir rigoureux sur la divinité, sur lorigine du monde, etc.5
Il soppose donc à la preuve de lexistence de Dieu dite « par le design », qui est le pilier de toute religion naturelle. Cette dernière croit pouvoir remonter des lois de la nature, qui sont rationnelles, unifiées, etc., à la Divinité, entendue comme intelligence créatrice, en arguant du fait quelles prouvent lexistence dun dessein (divin). On irait dun monde-machine à un Dieu architecte. cf. Textes de Newton et de Paley
Critique de la preuve du « design »6
Voici comment Hume expose cette preuve :
(1) lunivers ressemble à une machine (objet de lart humain)
(2) doù la similitude de leurs causes
(3) une machine est due à une intelligence, à un
dessein
(4) lunivers également, en vertu de (1) et (2)
Voici en quoi cette preuve est contestable :
- cet argument nest valide que si seule la raison elle seule peut engendrer lordre ; cela ne va pas de soi, cest un présupposé
- de plus, il est valable seulement si on admet une affinité réelle de pensée entre Dieu et lhomme ; or, cela revient à rabaisser lhomme à une créature (que faire en effet, alors, de linfinité, de la perfection, de lunité divines ?).
- enfin, il suppose que les ouvrages de lhomme ressemblent au monde, ce qui est contestable !
Bref, pour Hume, la religion naturelle nest quun délire de limagination qui cherche à se donner les apparences de la raison. Cest de lanthropomorphisme.
Hume a su déceler ce qui nallait pas dans les arguments de la théologie naturelle ; les découvertes de Darwin permettent de confirmer son « intuition » philosophique. Darwin a en effet montré, à travers sa théorie de la sélection naturelle, que les fameuses « adaptations » des organismes à leur milieu ne présentaient nullement limpeccable perfection postulée par les théologiens donc, ne présupposent pas lexistence de Dieu
Petit rappel rapide de la conception darwinienne des espèces :
a) La définition darwinienne de lespèce
Dabord, Darwin rompt avec le postulat de limmutabilité des espèces.
Conséquence : abandon du postulat de leur création séparée puisquelle nest concevable que si chaque espèce vivante est conforme à un type original (une essence stable et bien déterminée) fixé dès sa création7 .
Pour Darwin, lespèce nest pas un type donné par rapport auquel les individus présenteraient plus ou moins de conformité. Au contraire, ce sont les individus qui se modifient, et les espèces se forment ou se déforment à partir de ces modifications8 .
b) Labandon des causes finales : contre Paley
En conséquence, Darwin décide dabandonner tout recours aux causes finales (= finalité naturelle)9 pour expliquer les phénomènes, même si ces phénomènes sont vivants.
Cf. texte dans lequel Darwin démonte point par point largumentation de Paley, et substitue explicitement à lidée dun horloger ou artisan divin la métaphore dune nature imprévoyante, quoique savérant excellente bricoleuse. Il sagit de lhistoire chaotique mais réussie des organes reproductifs des orchidées : « Bien quun organe ait pu, à lorigine, ne pas être formé dans un but bien précis, sil remplit à présent cette fonction, nous pouvons dire, à juste titre, quil a été spécialement conçu pour cela. Selon le même principe, si un homme a fabriqué une machine dans un but bien précis, mais a utilisé pour sa construction de vieilles roues et poulies, des ressorts usagers, en ne leur faisant subir que de légères modifications, on doit dire de cette machine, dans son ensemble, avec toutes ses pièces constitutives, quelle a été spécialement conçue dans le but visé. Ainsi dans la nature toute entière, presque tous les organes de chaque être vivant ont probablement servi, dans des conditions légèrement modifiées, à des buts divers, et ont joué un rôle dans la machinerie vivante de nombreuses formes spécifiques anciennes, distinctes des formes actuelles.» 10 |
c) La sélection naturelle explique ce que cherchait à expliquer la finalité naturelle
Cest elle qui rend compte des mécanismes de la descendance. Lidée de « sélection », quil emprunte aux éleveurs11 , nenveloppe aucune idée de choix, aucune intelligence de la nature :
Darwin, Lorigine des espèces : « On a dit que je parle de sélection naturelle comme dun pouvoir actif ou dune Divinité ; mais objecte-t-on à un auteur lorsquil parle de lattraction de la gravité comme gouvernant (ruling) les mouvements des planètes ? Chacun sait ce que signifie et implique lusage de telles expressions métaphysiques ; et elles sont presquinévitables si lon veut être bref. Ainsi, une nouvelle fois, il est difficile déviter de personnifier le mot de Nature ; mais jentends par nature, seulement laction conjuguée (aggregate action) et le résultat de nombreuses lois de la nature, et par « lois » je désigne la séquence des événements en tant que nous les établissons.» |
La « sélection » sopère sur les petites modifications qui se trouvent affecter les organismes individuels ; à un moment déterminé, telle modification apportera à un organisme donné un avantage qui lui permettra de lemporter sur les autres dans la lutte que se livrent nécessairement les êtres vivants pour sapproprier les moyens dexistence ; cette modification se transmettra à sa descendance qui se répandra au détriment de la formation antérieure. La transformation des formes vivantes apparaît ainsi comme le résultat de laccumulation continue et progressive de ces modifications insensibles.
Par sa théorie de la sélection naturelle, Darwin naffirme donc nullement que la nature présente le témoignage dun dessein divin, mais au contraire, elle est le fruit du hasard. En effet, les petites variations sur le lot desquelles apparaît le tri dont résulte la transformation apparaissent par hasard (« by chance »), au sens où elles ne sont dirigées ni par un plan prédéterminé, ni par les seules modifications du milieu. Les petites variations sur lesquelles opère la sélection affectent les individus de façon aléatoire et ne se transmettent à leur descendance quen fonction de lavantage quelles confèrent éventuellement à lorganisme considéré dans sa lutte avec les autres organismes pour sapproprier un milieu donné12 . La réussite dune forme vivante donnée à lissue de ce « tri » ne signifie nullement quelle soit en elle-même plus « parfaite » quune autre ; il sagit dune réussite temporaire et relative à un état donné du milieu biotique.
3) Remarque : si ces preuves néchouaient pas, alors, cela irait contre la foi en Dieu
Contrairement à Kant ou aux empiristes logiques en général,
on ne va pas conclure, du fait que toutes les preuves pour prouver
lexistence de Dieu et donc justifier la croyance en Dieu
on échoué, quil est par conséquent
absurde ou impossible de croire en Dieu.
a) En effet, la thèse selon laquelle seul ce qui est vérifiable a du sens est un présupposé, et nest pas elle-même vérifiable
Cette thèse est appelée « vérificationnisme ». Cf. le positivisme logique (années 1930-40).
Pour eux, na de sens ou ne peut être vrai (avoir du sens étant la même chose quêtre vrai ), soit ce qui peut logiquement être démontré (vérités formelles : logique et mathématque) soit ce qui peut empiriquement être établi (vérités de fait : science). Cf. de nouveau, le texte de Hume issu de lEnquête sur lentendement humain, section IV, ci-dessus
Dès lors, on ne peut rien affirmer au sujet de Dieu, et
toute déclaration dans laquelle se trouverait le mot Dieu
naurait pas de sens. Dieu est en effet au-delà de
toute expérience possible, et il est un être réel,
non une entité logique. Ainsi, la proposition « Dieu
créa le monde » naurait pas plus de sens que
le charabia le plus incompréhensible.
Mais cela ne tient que si leur présupposé
même, à savoir, que ce qui est doué
de sens est synonyme de prouvé empiriquement ou bien de
non contradiction logique, est fondé.
Or, on sest ainsi très vite aperçu que le principe de vérification entraîne le rejet, non seulement des formulations théologiques privées de signification, mais encore, dun grand nombre dénoncés scientifiques, sans parler dun grand nombre dénoncés dordre éthique, esthétique ou métaphysique, de telle sorte que ce principe manquait totalement de fondement.
Pire encore : on réalisa bien vite que ce principe contenait sa propre réfutation. Demandez-vous seulement, par exemple, si la phrase « une proposition sensée doit pouvoir en principe vérifiée expérimentalement » est elle-même capable de se vérifier empiriquement. Bien sûr que non ! On ne trouvera nulle part assez de preuves empiriques pour attester cette vérité. Par conséquent, cette phrase est, selon son propre critère, un assemblage de mots sans signification qui ne devrait guère retenir lattention du théiste, ou au mieux, elle est une définition arbitraire que le théiste a la liberté de rejeter.
b) La critique radicale de toute affirmation concernant Dieu ne vaut que si ceux qui émettent ces affirmations, adhèrent eux-mêmes au présupposé vérificationniste
A savoir, si ceux qui disent croire en Dieu croient émettre par là des affirmations de fait. Cf. aujourdhui les créationnistes, qui affirment que la Genèse raconte ce qui sest réellement passé.
Or, les énoncés théologiques sont-ils bien des énoncés de fait ?
Il est nécessaire de répondre par la négative, car si on essaie de prouver lexistence de Dieu à la manière satisfaisant un empiriste logique, alors, Dieu devient une partie du monde, et il nest plus Dieu (Dieu est toujours supposé être. un genre dexistence radicalement différent de tout autre). Si on pouvait prouver Dieu, l'idée même d'avoir foi en Dieu n'aurait aucun sens! On ne parlerait pas de croyance, de foi, mais de science, de connaissance. On peut donc dire quil est absurde et contradictoire de chercher à rendre compte Dieu, et de notre croyance, par lintermédiaire de la raison, ou par le recours à lexpérience.
Il faut donc dire, contre les vérificationnistes, que tout ce qui a du sens ne sidentifie pas strictement avec ce qui est vrai. Et que le discours religieux a du sens : il permet ou essaie de rendre compte dune certaine expérience, celle du croyant. Il ne faut en aucun cas prendre à la lettre les propos de celui qui essaie de rendre compte de son expérience religieuse, mais les considérer comme des analogies, des métaphores, etc.
Problèmes concernant lapplication dune telle solution à la religion :
- faut-il alors soutenir que la proposition « Dieu créa le monde » nest quune manière dexprimer la crainte ou ladmiration ressentie devant limmensité de lunivers ? Le problème de cette thèse (émotiviste) est quelle ne rend compte, ni du discours biblique, ni de celui du simple croyant En parlant ainsi, ils veulent bien dire que Dieu a créé le monde !
- il paraît alors facile daffirmer comme les mystiques que Dieu est transcendant à toutes les catégories de la pensée et du langage humains ; le problème cest qualors il est impossible de formuler des vérités à son sujet, et même de formuler quoi que ce soit ; or, nest-ce pas ce que prétend la théologie, et tout discours religieux ?
C- Lobjection fidéiste
Il me semble que le fidéisme permet de répondre à cette question.
Définition du fidéisme : « doctrine qui, au nom de la suffisance absolue de la foi, rejette toute justification rationnelle des dogmes ; elle soppose au rationalisme, religieux ou philosophique ».13
1) La croyance en Dieu nest pas justifiable
Les fidéistes remettent en question le présupposé même des rationalistes : qu'est-ce que qui justifie qu'une croyance n'est admissible que si on peut en donner des raisons? C'est un présupposé ! Peut-être après tout nest-il pas justifié de chercher à justifier Dieu par la raison. Peut-être que ce qui est de lordre de la foi est irréductible à la raison.
Dès lors, on aurait moyen de sauver la croyance en Dieu, puisque le fait que lon ne puisse justifier Dieu par la raison, ne voudrait nullement dire que toute croyance en Dieu est injustifiée.
Partant de cette remise en cause possible du présupposé des théistes, i.e., de la thèse selon laquelle rien ne prouve que la croyance en Dieu doit être justifiée (rationnellement), les fidéistes vont donc soutenir que la justification de la croyance en Dieu n'est pas d'ordre rationnel. La raison na pas le rôle de validation ou de justification de notre croyance, mais elle sert seulement à parler de celle-ci, de ce à quoi on croit.
Voici quelques auteurs fidéistes :
2) Kirkegaard
La croyance en Dieu est une affirmation de base qu'on accepte sans preuves. La croyance en Dieu est une question de confiance, d'amour, de donation de soi, de choix existentiel,
Je vous renvoie à ses uvres.
3) Pascal, Les Pensées 14
Même si
par la raison on peut arriver à la croyance en lexistence
de Dieu, ces preuves ou ces raisons de croire sont inutiles :
- elles ne conviennent pas à lesprit de lhomme
(Fr. 190)
- ne conduisent pas à croire en Jésus-Christ qui seul donne le salut et cest cela qui importe
- seul Dieu donne la foi, et dans le cur (Fr. 424 ; 588 ; 7)
Pascal, Les Pensées, Fr. 449 : Et cest pourquoi je nentreprendrai pas ici
de prouver par des raisons naturelles, ou lexistence
de Dieu, ou la Trinité, ou limmortalité
de lâme, ni aucune des choses de cette nature
; non seulement parce que je ne me trouverais pas assez
fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des
athées endurcis ; mais encore parce que cette connaissance,
sans Jésus-Christ, est inutile et stérile.
Quand un homme serait persuadé que les proportions
des nombres sont des vérités immatérielles,
éternelles et dépendantes dune première
vérité en qui elles subsistent, et quon
appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé
pour son salut. |
Bref, Pascal est bien fidéiste : pour lui, la raison est inapte à nous faire accéder à Dieu ; croire le contraire repose en définitive sur une mauvaise définition de ce quest Dieu : le Dieu des philosophes peut bien être lobjet de la raison, pas celui des chrétiens.
Dernières objections au fidéisme :
Comment une telle affirmation devrait-elle nous conduire à adopter telle conception de Dieu plutôt que telle autre, puisqu'on ne rend pas clair ce en quoi on croit ? Quand on dit qu'elle est injustifiable, est-ce que ce n'est pas seulement parce qu'elle est confuse, indéterminée? Or, en quoi l'indétermination d'une croyance la justifierait-elle mieux que des raisons qu'on pourrait en donner?
Finalement, quelle solution apparaît être la plus satisfaisante ? Au nom de la croyance philosophique fondamentale, selon laquelle il y a une vérité, nous devons trancher ! Il nous semble que la position fidéiste soit plus soutenable, plus défendable, que la position théiste. Si en effet Dieu pouvait se prouver par la raison, sous sa forme strictement logique ou empirique, alors, sans doute Dieu ne serait pas Dieu, et il ny aurait plus de foi, ni de croyance, en Dieu.
Disons que la position fidéiste rend mieux compte : de la spécificité de la religion, plus précisément, de lexpérience religieuse ; et également de la nature de la croyance. A suivre donc (prochain « cours » : quest-ce que la croyance ? Est-ce que toute croyance, en tant que telle, est irrationnelle ?)
Anselme (St), Proslogion, Ed du Cerf, T. I
Cicéron, De la nature des dieux
Hume, Dialogues sur la religion naturelle, Profil, n° 705-6
; Enquête sur lentendement humain, surtout la section
IV
Kant, Critique de la raison pure, Puf Quadrige
Kirkegaard
J. Lagrée, La religion naturelle, Puf Philosophies, 1991
D. Lecourt, LAmérique entre la Bible et Darwin, Puf
Quadrige, n°256
Pascal, Pensées, Ed Lafuma
NOTES
1 Kant objectera quune cause non causée
est une impossibilité, en se basant sur sa théorie
de la causalité, qui stipule quelle est imposée
aux choses du monde par notre esprit. En effet, si lidée
de causalité est imposée à la réalité
extérieure par nos esprits, elle ne peut devenir la base
pour une preuve de lexistence de Dieu. Nous pouvons seulement
connaître les choses telles quelles nous apparaissent,
non comme elles sont en elles-mêmes. Mais on peut «
sauver » ces arguments en disant quils nous «
montrent » que Dieu est considéré comme une
chose au-delà de toutes choses, et qui pourtant est impliquée
dans toutes ces choses.
2 Normalement, il faut distinguer les termes de «
théologie » et de « religion ». La théologie
désigne le discours sur Dieu ; la religion, elle, désigne
la croyance en Dieu, ainsi que les rites concernant les
moyens daccéder à Dieu, de le vénérer,
etc. Conséquence : on nest pas obligé de croire
en Dieu pour être théologien (ainsi certains philosophes,
ceux qui démontrent lexistence de Dieu, font bien
de la théologie). Mais en ce qui concerne la religion naturelle,
il me semble que les deux termes ne se distinguent plus vraiment.
En effet, la religion naturelle nest nullement une religion
empirique particulière, mais elle est le noyau commun à
toute religion. Dailleurs, navons-nous pas vu ci-dessus
que parmi ses synonymes, on trouve « la religion des philosophes
», et le « théisme », qui est une position,
non religieuse, mais théologique ?
3 Note dans le texte : « la présomption (praesumptia,
prolêpsis) est un germe didée, inné
chez tous, que lexpérience développera ; certaines
expériences font aussi germer chez tous la conviction (vraie)
que des dieux existent ; par exemple, lordre du cosmos,
ou lexistence de cultes (on ne peut pas rendre de culte
à ce qui nexiste pas) ; doù viendrait
lexistence des cultes nous dirions : des religions-
si les dieux nexistaient pas ? Doù sortirait
une pareille unanimité dans la religiosité, si la
religiosité ne reposait sur rien ? ».
4 Lexistence est pour Anselme, une partie nécessaire
de lidée de Dieu (cf. chapitre 4). Dieu nest
pas pensé comme un objet parmi les autres : le mot de Dieu
nest pas utilisé comme le nom de quelque chose. Dieu
nest pas un objet, et par conséquent,
nexiste pas de la même manière que les autres
choses. Dès lors, on peut dire que la chose la plus parfaite
dAnselme est une intuition, liée à la nécessité
que, sil y a des degrés de perfection, il est nécessaire
quil y en ait un plus parfait. Dans cette optique, cet argument
nest plus seulement logique, et on peut peut-être
le sauver ?
5 Kant est exactement du même avis, quand il soutient
que la raison théorique ne peut démontrer lexistence
de Dieu.
6 Question directrice : cet agencement de causes finales
ne pourrait-il pas nêtre que le fruit du hasard ?
7 Cette conception était très importante
pour lEglise, car elle permettait disoler lhomme
de tous les autres vivants, conformément au texte des Ecritures.
Le botaniste Linné (1707-1778) en avait donné une
version « rationnelle » et moderne. Cela est facilement
compréhensible : a-t-on jamais vu apparaître de nouvelles
espèces ?
8 Cest pourquoi la théorie de Darwin nest
pas une « théorie de lévolution »,
mais des « descendances avec modifications »
9 Cf. cours histoire, le chapitre sur le vivant, à
lintérieur de lexplication du texte de Kant
10 Stephen Jay Gould, dans Le pouce du panda, les grandes
énigmes de lévolution, Livre de Poche, 1982,
a donné en exemple de ce texte celui du pouce du panda
: anatomiquement parlant, ce nest nullement un pouce, parce
quil nest pas un doigt ; mais il sest construit,
façonné à un usage de pouce, en partant dun
os du poignet, sous leffet de la sélection naturelle.
11 Linterprétation finaliste de la sélection
naturelle vient de ce que Darwin invoque, pour en rendre compte,
lactivité des éleveurs et des horticulteurs,
donc, se réfère à lactivité
humaine. Mais est-ce une simple analogie destinée ) se
faire comprendre, ou bien, selon ses propres termes, « pour
être bref » ? De nombreux textes de Darwin incitent
à penser cela. Il prend en effet toujours bien soin de
distinguer les espèces domestiquées et artificielles
des espèces naturelles, même quand il les compare.
Mais la sélection naturelle suggère bien que la
nature travaillerait pour le bien de lespèce, i.e.,
sa meilleure adaptation possible aux conditions du milieu. Ainsi,
si Darwin élimine bien la finalité sous la forme
dun agent externe personnifié, voire divinisé,
il le réintroduirait finalement à lintérieur
même dun mécanisme
12 Lorigine des espèces, chapitre 5.
13 Encyclopédie philosophique universelle, Les notions
philosophiques, Puf, T. I
14 Ed. Lafuma
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