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Bergson, Matière et mémoire, pp. 84-85 :

Le souvenir de la lecture

page créée le 24/09/2006

 

 

Résumé: selon Bergson, il y a deux sortes de mémoires : la mémoire-habitude et la mémoire-souvenir. La première tient du corps, la seconde, de l'esprit.

liens associés

- Dissertation : "Le passé peut-il revivre? "

 

 

  • Le propos de Bergson

    1) La thèse : Il y a émergence progressive de l'esprit à partir de la matière grâce au discernement que requiert la perception

    2) La méthode de saisie du pur

    3) Il remet en cause la définition traditionnelle de la perception : percevoir, ce n'est pas juger ou connaître mais agir (ou pouvoir agir)

    4) La perception consciente

    5) Le point commun entre l'esprit et la matière : la durée

  • Concepts fondamentaux
    • L'image
    • L'intuition
    • La durée

I- Chapitre 1 : la perception

II- Chapitres II et III : la mémoire

III- Chapitre IV : solution au problème du dualisme

 

 





 

Dira-t-on que ces deux souvenirs, celui de la lecture et celui de la leçon, diffèrent seulement du plus au moins, que les images successivement développées par chaque lecture se recouvrent entre elles, et que la leçon une fois apprise n’est que l’image composite résultant de la superposition de toutes les autres ? Il est incontestable que chacune des lectures successives diffère surtout de la précédente en ce que la leçon y est mieux sue. Mais il est certain aussi que chacune d’elle, envisagée comme une lecture toujours renouvelée et non comme une leçon de mieux en mieux apprise, se suffit absolument à elle-même, subsiste telle qu’elle s’est produite, et constitue avec toutes les perceptions concomitantes un moment irréductible de mon histoire. On peut même aller plus loi, et dire que la conscience nous révèle entre ces deux genres de souvenir une différence profonde, une différence de nature. Le souvenir de telle lecture déterminée est une représentation, et une représentation seulement ; il tient dans une intuition de l’esprit que je puis, à mon gré, allonger ou raccourcir ; je lui assigne une durée arbitraire : rien ne m’empêche de l’embrasser tout d’un coup, comme dans un tableau. Au contraire, le souvenir de la leçon apprise, même quand je me borne à répéter cette leçon intérieurement, exige un temps bien déterminé, le même qu’il faut pour développer un à un, ne fût-ce qu’en imagination, tous les mouvements d’articulation nécessaires : ce n’est donc plus une représentation, c’est une action. Et, de fait, la leçon une fois apprise ne porte aucune marque sur elle qui trahisse ses origines et la classe dans le passé ; elle fait partie de mon présent au même titre que mon habitude de marcher ou d’écrire ; elle est vécue, elle est « agie », plutôt qu’elle n’est représentée ; -je pourrais la croire innée, s’il ne me plaisait d’évoquer en même temps, comme autant de représentations, les lectures successives qui m’ont servi à l’apprendre. Ces représentations en sont donc indépendantes, et comme elles ont précédé la leçon sue et récitée, la leçon une fois sue peut aussi se passer d’elles.

INTRODUCTION

Question générale du texte : celle de la nature de la mémoire ; elle se modalise en une autre : son activité s’exerce-t-elle de manière homogène ?

Question particulière : quel type de différence y a-t-il entre ce que Bergson appelle la « lecture » et la « leçon » -la lecture étant une lecture unique à un moment déterminé et la leçon, la capacité de répéter un texte que l’on a appris. Dans les deux cas, la mémoire est à l’œuvre, mais est-ce sous la même forme ? Est-ce une différence de degré, i.e., quantitative ? Ou bien une différence de nature, i.e., qualitative ?

La réponse de Bergson sera qu’il est impossible de s’en tenir à la différence de degré : seule une différence de nature permet de penser les caractères spécifiques des deux mémoires.

Problème sous-jacent : celui des rapports entre la matière et l’esprit.

Plan : la démarche du texte va de l’hypothèse quantitative à l’hypothèse qualitative. On part d’une hypothèse afin de montrer qu’elle est incapable de traiter le problème, puis, en conséquence, on établit la validité de l’autre.

I- Du début à « différence de nature » : démarche par laquelle est établie la thèse ; Bergson explique comment la différence de degré est incapable de rendre compte de la différence, et qu’il faut par conséquent reconnaître une différence de nature
II-
II- Explicitation de cette thèse : la différence des deux mémoires est celle entre le souvenir pur (représentation d’un état passé) et la mémoire-habitude qui quant à elle est une action présente, et une répétition dans le présent de quelque chose qui a été acquis. Le souvenir pur est le rapport spécifique à un événement unique du passé

 

I- LA DIFFERENCE DE DEGRE EST INCAPABLE DE RENDRE COMPTE DE LA DIFFERENCE ENTRE LA LEÇON ET LA LECTURE

Bergson formule une hypothèse, sous forme de question ; cela incite à penser qu’elle sera récusée (incitation rhétorique à une réponse négative). C’est la seule hypothèse qui est formulée. Dans celle-ci, la force est tout entière du côté de la leçon apprise ; l’analyse de la mémoire est faite de ce point de vue.

Le sens de la lecture est supposé se trouver dans la leçon : on ne s’interroge pas sur la leçon même mais sur chaque lecture par rapport à la leçon. Quel est le rapport entre l’image d’une certaine lecture et l’image de la leçon ? (images = ensemble des objets en tant qu’ils sont présents à la pensée, sous quelque forme que ce soit)

Puisque la leçon apprise est par définition le résultat obtenu par une suite de lectures, ce résultat absorbe-t-il les étapes de sa constitution ? Les étapes de la mémorisation se résorbent-elles, s’annulent-elles, dans le résultat ?

Dans cette hypothèse, chaque lecture étant supposée identique aux autres par son contenu, s’inscrirait dans un mouvement progressif, qui irait du plus au moins, jusqu’à ce que le texte soit complètement mémorisé. De sorte que, entre la dernière lecture du texte et la leçon apprise, il ne subsisterait aucune différence.

 

2) Mise en question de cette hypothèse, en trois points :

a) ce qu’on doit lui accorder : brièveté de l’indication de ce qui est incontestable ; le progrès du savoir, ou la mémorisation, est qualitatif (cf. « mieux sue »)

b) lui refuser : mais ce qu’on doit refuser, c’est la réduction des lectures à leur résultat de la leçon mémorisée. Bergson affirme donc la dissociation entre lecture et leçon. Il ne met pas en cause le caractère spécifique de la leçon apprise, mais il affirme une certaine irréductibilité, celle de chaque lecture. Chaque lecture est en soi un absolu : i.e., chacune se suffit à elle-même. Ici, au lieu de rapporter chaque élément au tout, on accentue l’élément en lui-même, en le considérant à part, comme unique. C’est une recherche du pur (de la lecture pure).

c) ce qui en résulte : « on peut même aller plus loin » (que cette dissociation) : i.e., on peut la qualifier (elle est « profonde », de nature : il y a indépendance)

 

II- CONTENU DE SA THESE. METHODE DE SAISIE DU PUR (DICHOTOMIQUE)

 

1) le souvenir se caractérise par deux points :

- il est représentation, contemplation, ou vision (cf. intuition de l’esprit)

- la subjectivité est maîtresse de cette relation : c’est sa propre durée qui s’y réalise ; l’esprit peut à sa guise détendre ou concentrer sa représentation. Le souvenir est sous la dépendance de l’activité de l’esprit.

 

2) la mémoire habitude est mémorisation de la leçon :

a) à l’inverse de 1) elle est sous la domination de l’objet. En effet, un texte a une certaine longueur, et sa récitation, même en imagination, demande un temps déterminé (ce temps est élastique mais il a ses limites)

b) c’est une action, et elle est donc soumise à une nécessité comparable à celle de la nature. Une action demande du temps. Cette mémoire, tributaire de l’objet, est une habitude parmi d’autres habitudes. Bergson va ici plus loin : il la rapproche de l’inné (en tant qu’elle est soustraite au temps de son acquisition).

1) et 2) sont donc complètement différents, de par leur nature même.


 

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