Introduction
Oeuvre
majeure : La
phénoménologie de la perception (1945)
- Qu'est-ce
que la phénoménologie ?
Il
s'agit de penser "autrement" les rapports du sujet et
de l'objet. "Autrement" que quoi ? Ou que qui ?
- Cf.
philosophie classique, conceptuelle et "analytique",
- la
science
- La
thèse
Le
film est une Forme aussi bien visuelle que sonore, et cette Forme
n'est pas réductible à une somme quantitative d'images
et de sons. Le cinéma est un moyen d'appréhender le
monde extérieur et nous apprend quelque chose sur notre relation
à ce monde. Le cinéma est donc un art philosophique
par excellence !
I-
La perception (en travaux)
Pour
le moment : consultez le cours
sur la perception, où j'oppose Bergson à Descartes.
Merleau-Ponty, comme Bergson, s'oppose à la théorie
intellectualiste de la perception, qu'il nomme d'ailleurs ici la
"psychologie classique". Pour Merleau-Ponty, contrairement
à Descartes, la perception n'a rien d'intellectuel, elle
n'est pas de l'ordre du jugement, elle est immédiate et non
médiate. Ce qui signifie que nous avons affaire directement
au monde, que nous sommes immergés dans le monde, et que
la perception est synthétique, non analytique. Cela implique
bien entendu de rejeter également le dualimse cartésien,
ou, la distinction âme et corps. (cf. le concept de "chair").
II-
Le cinéma
La
nature du film, du cinéma en général, et même
finalement de l'art, va être éclairée par la
nouvelle psychologie. Pourquoi cela est-il possible ? Parce que
le film est un objet à percevoir...
1)
Le film est une Forme
Le
film est constitué d'images et de sons.
Cf.
psychologie de la Forme : le film n'est pas une somme d'images isolées
ou indépendantes. Le film est une Forme, et une "forme
extrêmement complexe". Une image ne peut être
isolée des autres, et la succession des images crée
une réalité nouvelle. Le film est donc une unité
(cf. "unité mélodique"). Il faut
plutôt parler de rythme. Ce qui caractérise en propre
ce rythme du film, c'est le retentissement de chaque vue sur l'ensemble
(cf. permanence), mais aussi, l'ordre des images, ainsi que la durée.
Ordre, durée, permanence, caractérisent les images
du film.
La
Forme du film détermine la place de chaque image.
Le
son est également une forme. Comme dans l'image, Merleau-Ponty
va ici insister sur le rythme du son. Seulement ce rythme n'obéit
pas aux mêmes lois que celles qui régissent le rythme
de l'image. Le rythme du son renvoie, non plus à des propriétés
du temps, mais de l'espace. Cf. coexistence, simultanéité.
Le son, nous dit Merleau-Ponty, doit nous faire sentir "la
coexistence et la simultanéité des vies dans le même
monde".
Ils
ne sont pas indépendants, et forment un tout irréductible
à la somme de leurs parties. Leur union n'est nullement accidentelle.
Le son au cinéma, c'est d'abord les dialogues (ceux des personnages,
et/ ou ceux du narrateur); ensuite, celui de la musique.
-
Merleau-Ponty explore donc d'abord cette union son/ image
à travers l'analyse du dialogue. Selon
lui, le dialogue ne doit pas raconter, exposer. Cela reviendrait
en effet à surajouter le son au film. Ce qui l'intéresse
primordialement, c'est le dialogue comme débat entre
les personnages. Ce dialogue permet une alternance spécifique
entre son et silence (intervention de la suggestion). (Critique
: Comment se fait-il alors que de nombreux films ont recours
à cette "méthode" ? Cf. Chris Marker,
La Jetée; que dire encore de la technique
du flash-back ?).
- La
musique de film n'est pas non plus un simple
accompagnement, mais participe du mouvement même du film,
lui donne même tout son mouvement (cf. les films de Sofia
Coppola, Virgin Suicides et Lost in Translation
!). La musique de film rend perceptible le rythme des images.
Bref
: le film est un tout, et ce tout est significatif. Mais que dit
le film ? Ou plutôt que signifie-t-il ?
2)
Le film est-il au service de l'Idée, de la réalité,
ou du concept ? ou bien n'a-t-il d'autre fin que lui-même
?
- L’art,
le cinéma, le film, n’est, ni message intellectuel,
ni description réaliste.
a) S’il y a toujours dans un film une histoire
et souvent une idée, la fonction du film n’est
pas, toutefois, de nous faire connaître les faits ou l’idée.
Tout
film comporte donc :
- des
événements
- pas
de plan fixe : le cinéma se caractérise par le
mouvement; pourquoi le mouvement ? parce que le cinéma
:
- parle
des relations entre les hommes, et a pour vocation de nous
"montrer" la condition humaine
- le
cinéma doit faire illusion (paraître "réaliste")
(de
nouveau, Merleau-Ponty a une conception du film réductrice
! regardez la Jetée de Chris Marker ! au début
c'est très déstabilisant tous ces plans fixes et la
présence du narrateur -pas de dialogues!-, mais ce film est
de l'art !)
b) L’art cinématographique ne consiste pas
à décrire plus ou moins didactiquement des choses,
à exposer des idées, etc., mais à faire surgir
la "fonction imageante". Autrement dit : il n'a pas
de fonction de connaissance.
(cette
thèse permet de défendre le film de Gus Van Sant,
Elephant !)
Merleau
reprend ici la thèse de Kant : « dans
l’art l’entendement travaille au profit de l’imagination
». Il y a comme chez Kant un fossé entre l’art
et la sphère de la connaissance. Dans l’art, la puissance
conceptuelle, contrairement à ce qui se passe dans la connaissance,
a seulement pour but de faire émerger pleinement l’imagination.
S’il y a des concepts dans l’art, c’est seulement
afin de procurer une satisfaction à travers le jeu de l’imagination.
De même, les faits sont utilisés « pour autre
chose », ce sont des « emblèmes sensibles ».
L’idée, comme les faits, sont donc là pour l’imagination.
Il s'agit d'éveiller notre "pouvoir de déchiffrer
tacitement".
Merleau-Ponty
dresse une réflexion intéressante sur la notion de
"réel" au cinéma (et donc sur l'art comme
illusion). Le réel du cinéma est plus réel
que le réel "quotidien", et cela, parce qu'il n'est
pas réel... Cf. la réflexion sur l'image que conduit
Platon dans le Sophiste.
- Le
film est auto-référentiel
Puisqu’un
film ne consiste pas à nous faire saisir des idées
ou des faits, sa signifcation n’est pas réductible
à celle d’une idée transcendante : elle est
immanente à son mouvement régulier, à son «
tempo » ; l’idée est bien exprimée mais
dans son émergence, comme active. Ainsi le film ne renvoie
qu’à lui-même, à des images, à
des symboles, etc.
3)
Cinéma et philosophie
Pourquoi
le critique d’art peut-il si facilement, à propos d’un
film, évoquer la philosophie ? C’est que, selon l’auteur,
le cinéma nous présente immédiatement
la conscience jetée dans le monde. « Le
cinéma est particulièrement apte à faire paraître
l’union de l’esprit et du corps, de l’esprit et
du monde, et l’expression de l’un dans l’autre
». Le cinéma nous donne à voir l'intériorité
des personnages directement, par la perception du comportement.
Il est donc une sorte de "preuve" du bien-fondé
de la nouvelle psychologie, et/ ou de la phénoménologie.
Comment
pourtant rendre compte d’un rapprochement possible entre art
et philosophie, alors que l’auteur insiste pour dire que l’art
n’est pas exposition d’idées ? Tout simplement
en insistant sur le fait que la philosophie contemporaine n’est
pas enchaînement de concepts, mais cherche à décrire
le mélange de la conscience avec le monde, son engagement
dans un corps, sa coexistence avec les autres, et « ce
sujet-là est cinématographique par excellence
».
Ainsi cette nouvelle philosophie s’est-elle développée
à l’âge du cinéma ; toutefois, aucun ne
vient à proprement parler de l’autre. La philosophie
ne vient pas du cinéma au sens où elle le traduirait
sur le plan des idées.
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