PHILOCOURS.COM



Accueil
Cours
Corriges
Methode
Dossiers
Liens
Aide Perso
Fiches Bac
Programmes
Bibliographie
Accès Elèves

 

Accueil > Cours > Cours la politique et la morale chez Platon
page 1 | 2 | 3 | 4 |

La politique rend-elle les hommes meilleurs ?

Platon, la République

page créée le 22/05/2006

 

 

Résumé: Voici le cours, pour mes élèves de Jean Monnet, 701 et 706 2006. Vous pourrez être à l'interrogés à l'oral sur les livres I à III, ainsi que la partie du livre IV sur la tripartition de l'âme. Normalement vous avez lu l'oeuvre entière pour faire le questionnaire "maison" en février/ mars.... Nous ferons en classe un exemple de commentaire la dernière semaine de cours

 

NB : je n'ai pas vraiment eu le temps de travailler la mise en forme, je m'en excuse; ceux qui voudraient recevoir le cours chez au format Word, mieux présenté, peuvent me le demander par mail

liens associés

- introduction à la philosophie de Platon

- la démocratie est-elle le moins mauvais des régimes ?

- cours Machiavel

- à lire : K. Popper, La société ouverte et ses ennemis

 


 

 


 

 

Introduction

Livres sur lesquels vous pourrez être interrogés : livres I, II, livre IV pp. 188-199, début VII (jusqu’à page 279). Mais il est important de connaître le plan par cœur, et de savoir ce qui se dit avant et après ces livres, donc, de faire un résumé.

A- Le dialogue dans l’œuvre

- dialogue de la « mâturité »
- on y trouve tout : son explication de la nature humaine, sa théorie des Idées, qui est à la fois une thèse épistémologique (qu’est-ce que connaître ?) et ontologique (qu’est-ce que la réalité ?), une morale, une politique, etc.
- important pour comprendre l’œuvre de Platon car on y trouve le fil directeur de son œuvre (liens politique et philosophie, savoir et morale)

B- Le fil directeur : liens politique et philosophie.

Conséquences :


1) parler de liens politique et philosophie, c’est aussi lier la politique à la morale. La politique n’a pas pour fonction de contraindre les gens à obéir aux lois contre leur gré, mais doit les éduquer au bien, ie, à faire le bien par amour du bien.

2) cela a également pour conséquence une représentation non démocratique de la vie politique ; si le peuple doit être éduqué, il le sera par les philosophes, seuls à même de le faire

Parler de politique, on le voit, c’est toujours faire des hypothèses sur la nature humaine…

C- Le plan de la République

I et II : nature et origine de la justice


• I : nature
• II : faut-il être juste ? cela mène-t-il au bonheur ?

III et IV : la cité idéale


• III : surveillance des artistes ; noble mensonge : le mythe de la terre ; l’éducation des jeunes gardiens de la cité
• IV et V : communisme

Fin V, VI, et VII : condition de possibilité de cette cité idéale : le philosophe-roi (justice et bien, savoir et bien)


• V et VI : le naturel philosophe
• VII : l’allégorie de la caverne ; l’éducation du naturel philosophe (ou, programme d’études)

VIII à X : typologie des régimes politiques, et éléments qui détruisent la cité idéale


• VIII : comment la cité idéale se corrompt ; critique de la démocratie
• IX : le tyran
• X : L’art corrupteur ; le mythe d’Er (379 sq.)

D- Les personnages


• Céphale : père de Polémarque, Lycias et Euthydème ; étranger, qui ne participe pas à la vie politique athénienne ; honnête
• Polémarque : a étudié la rhétorique mais, déçu, s’est consacré à la philo ; fut condamné à boire la cigüe 5 ans avant Socrate
• Thrasymaque : sophiste
• Adimante et Glaucon : frères de Platon (l’un courageux et l’autre philosophe)


I- Un constat : les hommes ne font pas le bien de leur plein gré, et cela, par ignorance (intellectualisme moral) ; si on ne les éduque pas, ils feront ce qui va contre leur propre bien, et seront à l’origine de leur propre malheur (sous-entendu : la justice et le bonheur vont de pair)

A- La justice est-elle le bien suprême ? les justes sont-ils plus heureux que ceux qui sont injustes ?

1) Rappel : dans le livre I, la discussion a tourné autour de la question de savoir ce qu’est la justice ; selon Thrasymaque, la justice est seulement l’intérêt du plus fort.

Le livre I, et donc la République, commence dans une réunion qui a lieu chez un riche athénien. Se trouvent réunis : Thrasymaque, Socrate, Adimante, Glaucon, et Céphale. Leur discussion tourne autour de la question de savoir ce qu’est la justice.

Problème qu’ils posent, et qui se pose à propos de cette notion :

Justice : action louée dans une société. Mais louée pourquoi ? Parce que c’est l’action bonne ? Ou bien seulement règle que tout le monde doit suivre si on veut vivre en société ? Est-ce seulement par nécessité qu’il faut louer la justice, ou bien est-ce parce qu’elle est bonne en soi ?

a) avant de lire le texte : généralités sur la notion de justice

Ambiguïté de la notion : la notion de justice se situe aux confins de la politique et de la morale.

On parle d’institution de justice, on parle de justice légale, entendant par la les lois existant au sein d’une société afin de l’organiser et afin que les gens ne fassent pas n’importe quoi n’importe comment (bref, pour que les libertés puissent coexister) –la justice est alors entendue au sens de droit.

Mais on parle également de la justice comme d’un principe idéal, comme étant ce qui permet de juger de la légitimité d’une loi, d’une institution. En ce sens la justice est entendue, non comme légalité, mais comme principe d’égalité.

Parler d’égalité nous montre que la justice a toujours à voir avec la répartition des biens communs, des richesses, au sein d’une collectivité. L’idéal : que personne ne soit lésé…

En philosophie politique, et même finalement dans l’histoire, il y a un débat à propos de la question de savoir si une loi n’est juste que parce qu’elle est légale, ou bien si elle n’est juste que si elle est conforme à certains principes moraux.

Cf. positivisme juridique, tel qu’il est par exemple formulé par Hobbes : « ce n’est pas la vérité qui fait la loi mais l’autorité ». Principe ou thèse à la base du nazisme ! Si on me l’ordonne, je fais… Le bien est défini par celui ou ceux qui font les lois.

b) Les différentes conceptions de la justice défendues par les protagonistes du débat

• Remarque préliminaire ou question de forme :

Il faut préciser que le livre I diffère du reste de l’ouvrage en ce qu’il est un dialogue, et conforme à l’esprit de ce qu’on appelle le dialogue socratique, alors que les autres livres seront plutôt des monologues.

Ainsi, Socrate fait intervenir un ou des personnages censés avoir une certaine qualité morale, et il les met en difficulté, en montrant qu’ils ne peuvent aller bien loin dans l’approfondissement théorique de cette qualité morale. Ici, c’est en l’occurrence une discussion avec un homme riche qui croit que les richesses aident à être juste qui va provoquer un débat sur la justice. Ce débat va dévoiler la fausseté radicale des opinions communément admises au sujet de celle-ci.

Les opinions leur sont ôtées, sans qu’il y ait rien à leur place (aporie). On conclut donc qu’on est toujours dans l’obscurité quant à la nature de la justice ! Ici, Socrate est donc l’emmerdeur qui a le défaut de ne rien savoir !

Avantage : montrer que la discussion philosophique n’est pas « abstraite », mais dévoile nos insuffisances. Il s’agira ici de partir du monde réel, et d’essayer de résoudre ses imperfections.

 

• Céphale : « pour moi, le juste, c’est ce que j’ai reçu de mes parents, augmenté du fruit de mon propre travail » ; « la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû »

Problème : mais qu’est-ce qui est dû à chacun ? doit-on par exemple rendre un dépôt à quelqu’un qui n’a plus sa raison ? Dans certains cas, il semble que donner à un homme ce qui lui appartient, est nuisible : tous les hommes ne font pas bon usage de leur propriété

• Polémarque : « à donner à chacun ce qui est bon pour lui » ; « à faire du bien à ses amis »

Problème : la justice consiste alors à faire du mal à ses ennemis ? la justice = une sorte d’art de la guerre…

La question qui est née est celle de savoir si la justice est exercée pour le bien de celui qui l’exerce seulement, ou bien pour celui qui la « reçoit ». Ce qu’on ne remet pas en question : que la justice soit un bien.

• Thrasymaque :

T. va entrer alors en scène et faire comme si le bien était la même chose que l’intérêt. Il va également faire comme si cela allait de soi que la justice était quelque chose de politique plutôt que de moral. On va voir que pour lui la justice n’a rien de positif.

Idées soutenues par T. :

- on obéit toujours à son détriment
- ceux qui blâment l’injustice le font par crainte de la subir, mais ils n’hésiteraient pas à la commettre s’ils pouvaient le faire en toute impunité

- présupposé de ces arguments : la justice est seulement ce qu’édicte celui qui commande ; or, on commande toujours à son profit ; il n’existe donc pas de justice en matière politique et ce que l’on appelle « juste » n’est pas « bien en soi », c’est juste l’intérêt de celui qui a le pouvoir

La conception de T. rejoint plus ou moins celle selon laquelle la justice coïnciderait avec l’appareil légal et judiciaire (cf. positivisme juridique : n’est juste ou injuste que ce qu’ordonnent les lois positives, instituées par les hommes) ; rien à voir avec l’idée morale de justice, la vertu de justice. (Si par conséquent la justice est mauvaise, c’est parce qu’elle ne correspond à aucun bien « naturel » ; le bien naturel sera pour lui s’épanouir en tant qu’individu).

• Socrate :

o Le gouvernant ne gouverne pas à son avantage

Premier argument :

(1) ni l’art ni la technique n’incluent l’idée qu’on retire un bénéfice personnel de leur exercice
(2) pourquoi ? car l’art de gagner de l’argent est un art distinct, donc, ne peut se trouver dans l’art en général ou considéré en lui-même
(3) donc, les gouvernants ne gouvernent pas dans leur intérêt propre car s’ils retirent quoi que ce soit de leur manière de gouverner, ce n’est pas en tant que gouvernants

Deuxième argument : l’art de gouverner ne procure pas grand plaisir !

o aucune société ne peut durer sans justice entre ses membres.

Elle entretient la concorde et l’amitié. Elle permet d’agir de concert, de mener une affaire en commun. L’homme injuste ne peut donc régner sur aucune cité puisque cela exclut toute coopération (donc pas de cité). Cf. 352a5-8 : l’injustice divise les groupes, et les individus.

La justice sera pour lui l’art d’attribuer d’une part ce qui est bon pour l’âme de chacun, et d’autre part, ce qui détermine le bien commun de la cité. (Peut-être ici parler de l’identité bien commun/ bien individuel chez les Anciens ? Ce qui permettra de comprendre que dans le livre II, on se demande si la justice favorise le bonheur, non seulement de la cité mais aussi et avant tout de l’individu –mais c’est qu’il faut convaincre les hommes que la justice est un bien si on veut qu’ils y obéissent avec conviction, sinon, ils commettront, dès qu’ils le pourront, l’injustice)

o la justice est bonne pour celui qui l’exerce

Argument que l’on va analyser en début de notre deuxième partie ; il convient de remarquer ici que par cette critique, Socrate déplace le débat de manière radicale, et s’oppose à la fois à Céphale, Polémarque, et Thrasymaque. La justice n’est pas la bonne action, la conformité avec certaines règles de conduite élémentaires (C et P), ni la conformité aux lois.

Pour Socrate, il convient d’analyser de plus près ce que veut dire exactement agir de façon juste : pour cela il faut s’interroger sur les effets induits sur l’âme de celui qui l’exerce. C’est une interrogation morale et non plus « positiviste ».

Deux questions vont donc à partir de là s’entremêler dans tout l’ouvrage :

1) l’art de gouverner, la politique, est-il ou non relié à un principe moral, comme la justice ? l’art de gouverner profite-t-il à celui qui commande, ou à ceux qui obéissent ?
(cf. dès la fin du livre I, Socrate dit à T. que tout art s’exerce, non dans l’intérêt de celui qui s’exerce, mais de celui… cf. art du médecin, art du berger : a pour essence le bien des moutons)

2) la justice est-elle un bien en soi ? profitable à la cité comme à l’individu ?
On verra que Platon va chercher à répondre par la positive à ces deux questions, et que pour lui, par conséquent, la politique sera une entreprise morale : il s’agira de rendre les hommes meilleurs, capables d’être justes et d’agir moralement de leur plein gré, et non sous la contrainte

2) Livre II : la morale eudémoniste

a) bien et bonheur (la morale eudémoniste)

Question : la justice est-elle un « bien en soi » ?

-qu’est-ce que le bien ? cf. bien et bonheur ; vertu et fonction

cf. livre I, 350c-354a : chaque chose a sa fonction et une vertu propre qui lui permet de remplir avantageusement cette fonction ; âme = vertu = justice ; donc, sera heureuse grâce à elle

- vie bonne = vie heureuse ; pourquoi ? parce que le bien est ce que nous recherchons de manière ultime, ce en vue de quoi nous faisons tout ce que nous faisons ; et le bien coïncide avec l’accomplissement de notre fonction

- justice et bien : vertu, pas justice institutionnelle ; justice lien avec bien : veut d’abord dire que c’est ce qui nous rendra heureux (cf. livre VI : la connaissance de ce qu’est la justice sera liée à une science suprême, science de Bien ; or, comment est défini le bien ? comme ce en vue de quoi nous faisons tout ce que nous faisons ! cf. p. 263)

NB : dire ici que chez Platon, on peut parler de justice individuelle, à l’intérieur d’un individu : vivre de façon juste peut également être bien pour nous, pas seulement pour les autres ou pour l’ensemble de la cité. De toute façon ce qui caractérise l’ensemble de la cité rejaillira sur nous (ou le dire au début ?)

b) Début du livre II : les interventions de Glaucon et Adimante : il faut changer de méthode afin de résoudre le problème de la nature de la justice

NB : le début du livre II constitue une transition entre le livre I et les autres livres. Destinée à montrer que la méthode de Socrate n’est pas la bonne. (cf. joute oratoire !). « Tu n’as pas bien argumenté ».

b1) Problème posé par cet argument : c’est par là que commence le livre II

• Quel est ce problème ?


o Socrate ne dit pas que la fonction de l’âme est de diriger, guider, le corps
o Si la vertu de l’âme est de bien vivre on ne voit pas du tout en quoi ce serait la justice qui permettrait à l’âme de bien vivre : c’est une pétition de principe !

• C’est pour cette raison qu’au début du livre II, on voit Glaucon critiquer l’argumentation de Socrate : il faudra tout recommencer depuis le début, car si Socrate a bien convaincu du fait qu’il fallait déplacer le problème vers une interrogation sur la personne juste, et sur la question de savoir si la justice est un bien en soi, Socrate a échoué. Or, la question est d’importance.

b2) Glaucon et Adimante

Ils vont donc continuer là-dessus en disant que cela rejoint l’opinion commune : les hommes sont convaincus que si l’on doit obéir à la justice, c’est seulement parce que les lois nous l’imposent. On considère que ce n’est pas bien en soi.
.
• Glaucon (jusqu’à 362d)

o Argument du début : quelle sorte de bien est la justice ?

La justice sera désirable en elle-même mais aussi pour ses conséquences (en cela, ce n’est pas une thèse utilitariste). Cf. santé, vue.

Précisons que Glaucon va insister sur la justice prise en elle-même, et Adimante, sur les résultats bénéfiques de la justice.

o Anneau de Gygès.

Cet anneau avait le pouvoir, lorsqu’on tournait le chaton en dedans, de rendre son porteur invisible. Peu d’hommes seraient assez forts pour se retenir de commettre des injustices s’ils étaient assurés de le faire incognito et en toute impunité On estime que la justice n’est pas un bien en soi, pas bien pour nous, mais utile, nécessaire, si on ne veut pas se voir puni par la société, c’est tout. On obéit au juste par crainte des sanctions et de la réprobation publique ; pour la considération et les avantages qu’elle nous procure. Justice et intérêt se confondent donc au point que plus personne n’est juste volontairement mais seulement par contrainte . On se dit que rien à voir avec bonheur ! Mais plutôt = satisfaire tous nos désirs !

• Adimante (362e-368a)

Transition : Pour reprendre les critiques adressées à Socrate au livre II, il faut noter que l’apologie de la justice va dorénavant se baser sur une théorie de la nature de la personne humaine, et sur la nature de la société. Pour comprendre son argumentation, il faut donc avoir en tête ce qu’est la personne ou l’âme humaine selon Platon, ainsi allons-nous anticiper la lecture et aller voir ce qu’il dit à la fin du livre IV, avant d’aborder la suite de la lecture du livre II….

B- Pourquoi l’homme commet-il le mal plutôt que le bien ? cf. livre IV 436c-444a

- nous ne voyons pas toujours où est notre véritable bien que nous confondons avec le plaisir

- à cause de quoi ?
- homme : composé d’âme et de corps ; l’âme est le principe de commandement du corps ; le corps est le siège, en nous, des passions, du désir, des plaisirs ; quand ceux-ci ne sont pas maîtrisés ou dominés par la raison, alors, il y a démesure… Cf. Phèdre 238 a
- la tripartition de l’âme : l’âme est composée de plusieurs parties qui n’entretiennent pas le même rapport au Bien

Ame raisonnable (tête) Ame du courage (sous le diaphgrame) Ame des appétits primitifs, des désirs mortels, qui attire le corps vers les plaisirs terrestres (bas-ventre)

mise en nous par les dieux, comme un pilote aux postes de commandement du navire ; divine et parfaite, elle est immortelle ; elle seule est capable de connaître la vérité, car elle seule a pu contempler avant la naissance le royaume du Bien

Sagesse

Principe du courage ; le thumos est capable du meilleur comme du pire, selon la catégorie d’hommes à laquelle il appartient Plaisirs physiques et sexuels = causes de la déchéance de l’homme Tempérance




Pourquoi l’âme n’est-elle pas unique ? Pourquoi parler d’une multitude d’âmes ? Parce que cela serait contradictoire de soutenir qu’une âme immortelle, divine, pourrait autoriser l’homme à se mal comporter.

On commet le mal quand on n’utilise pas son intelligence.


II- Solution : la cité idéale

A- La méthode : le parallélisme cité/ âme (cf. livre II 369 b)

Voulant définir la justice, et savoir si elle est un bien, et si le bonheur consiste dans la justice, Platon va poser la règle de sa méthode : il faut rechercher d’abord par quels moyens un Etat est juste, avant de répondre à la question de savoir par quels moyens un individu est juste.

Pourquoi cette méthode ? Est-ce un détour ?

- justification explicite dans le texte : on comprend plus facilement les grands ensembles que les petits

- justification « historique » : pas encore d’individualisme à l’époque ! pas de distinction vie privée et vie publique (ce qui fait de vous un individu c’est la cité à laquelle vous appartenez, c’est l’action en commun, la vie politique)

- veut faire comprendre que le bien commun coïncide avec le bien individuel, que les autres participent à notre propre bonheur ?

- veut aussi au bout du compte décrire ce qu’est la tâche politique et donc cité idéale = éducative

NB : on remarquera que Platon a tout de même d’abord opéré sa tripartition de l’âme humaine, dans le livre IV !

B- Qu’est-ce que la justice ? (368b-376c)

Trois éléments dans cité comme dans âme. Tête, poitrine, bas-ventre.

La justice va être définie comme étant l’harmonie entre les éléments qui composent un tout. La justice est un déséquilibre, une démesure. Rupture d’une situation saine et équilibrée.

Individu et Etat sont semblables, en ce qu’ils ont trois parties ; ainsi que des vertus qui tiennent aux diverses relations établies entre ces parties.

1) dans la Cité

Cf. origine cité (369b-371e) ; fondements : besoins (principe : impossible, pour un seul homme, d’exercer plusieurs métiers)

Cf. origine injustice (372a-p. 124 : nécessité des gardiens) : plus il y aura de besoins à prendre en compte, plus il faudra avoir de compétences pour le satisfaire ; dégradation de cette cité (cf. luxe) ; seconde cité :

a) pour faire l’examen de la justice dans la cité, il nous faut interroger la nature d’une cité

Quels sont les éléments essentiels à l’existence d’une cité (par opposition, par exemple, à un groupe de personnes réunies au hasard, et qui ne se soucient pas les unes des autres) ?

Pas recherche historique mais hypothétique et idéaliste : quelles seraient les conditions nécessaires pour qu’une société puisse exister parmi les individus ?

• Fondement (369b-c) : association de personnes qui repose sur le besoin


o On ne peut se suffire à soi-même
o Cela, parce qu’on a des besoins variés
o Donc : il y a société parce qu’on a besoin d’une spécialisation (partage) de tâches (économie de marché élémentaire !) –principe de spécialisation : à une seule personne, il faut une seule tâche (ainsi, les choses seront mieux faites)

NB : l’économie est ici liée aux aspects les plus bas de la nature humaine…

• nature justice

Fondée sur le principe de spécialisation. Cf. livre IV, 433 a : « chacun doit s’occuper de ses propres affaires »…

Chacun doit rester à sa place. Remplir la fonction qui lui incombe. Il n’y a justice dans la cité que si chacun remplit, parmi les fonctions possibles, la sienne propre seulement, c’est-à-dire celle à laquelle sa nature le dispose le mieux. On répartira donc les habitants de la cité en classes distinctes (gouvernants, guerriers, artisans) en tenant compte de leurs aptitudes naturelles qu’aura su discerner et faire fructifier une éducation appropriée- à l’exclusion de toute autre considération comme, par exemple, la richesse.

sagesse Gouvernants parfaits : philosophes, gardiens
courage Guerriers
désir Travailleurs, producteurs, artisans



NB : les classes sont composées de gens qui correspondent aux parties de l’âme qui dominent en eux

• Modèle non égalitariste ! (chacun de nous diffère naturellement des autres)

Cf. 370b : « chacun de nous est naturellement, au départ, non pas semblable à chacun, mais d’une nature différente, l’un doué pour l’accomplissement d’une fonction, l’un pour une autre ».

On peut ici soupçonner un usage idéologique de la notion de nature. (C’est naturel, alors, c’est bien –cf. notion de cosmos chez les Grecs).

Ou bien on peut dire que c’est nous, occidentaux du 21e siècle, qui lisons Platon selon nos propres normes, individualistes ! Platon considérait que l’homme est un être social, ainsi, il ne s’intéresse pas à ce qui fait l’unicité d’une personne par rapport à toutes les autres, mais à ce qui la rend apte à unir ses efforts à ceux des autres et à coopérer avec eux.

Une bonne vie ne peut que reposer sur la coopération commune…

b) origine de l’injustice et modèle de la société juste (cité idéale) : l’expansion de la cité

• Dégradation de la cité (le luxe : plus seulement besoins vitaux)

- serait-ce un aveu de réalisme ?

• Les gardiens


o D’abord armée (spécialisée) rendue nécessaire par l’impérialisme d’une cité qui doit avoir assez de ressources pour satisfaire les besoins de ses citoyens
o Nature : férocité et docilité

o 376d-412b : leur éducation (qu’est-ce que l’éducation ? consiste à dresser l’intelligence à contrôler les réactions ; elle doit produire les gens attirés par le bien et rebutés par le mal ; formation du caractère : à la fois physique et morale

Livre III


o 412b-427d : Etat juste idéal : trois fonctions essentielles qui composent l’Etat ; son bien et sa vertu proviennent de leurs relations
o ils doivent gouverner l’Etat (ce sont les plus aptes…)
- certains n’iront plus loin et seront des guerriers (auxilliaires)
- noble mensonge
o Ensuite moyen d’enlever les éléments malsains

2) dans l’individu

NB : il faut ici répondre à la question suivante : pourquoi le fait que la raison gouverne dans l’âme fait-il de cette âme une âme juste ? et pourquoi la justice fait-elle de cette âme une âme épanouie ?

L’accord entre ces trois parties de l’âme lorsqu’elles sont réglées harmonieusement se nomme tempérance. La raison gouverne alors la partie passionnée, qui, en exécutant ses commandements, soumet à son tout la partie désirante. Le désir, au lieu de poursuivre ses fins particulières, se soumet au contrôle des deux autres parties.

Une personne est juste si chacune de ses parties agit vertueusement et comme elle le doit (si la raison gouverne). La justice est un état intérieur de l’individu, l’épanouissement approprié et harmonieux de tous les aspects de sa personne (443d). On peut la définir comme l’état qui assure l’harmonie psychique.

Signification : La raison gouverne dans l’âme quand une personne agit en vue d’intérêts et de fins qui portent sur sa vie considérée comme un tout, sans donner la préséance aux motivations présentes. Il faut se décider, non en vue de leur intensité immédiate, mais de leur signification à long terme.

Etre injuste c’est donc avoir l’âme en désordre

NB : Socrate dépeint ici un homme juste indépendamment des actes justes… L’homme juste est lui-même la norme du juste : il identifie l’action juste en se référant à cet état d’harmonie psychique, et non à une liste de devoirs qui serait acceptée d’une source extérieure.

3) La justice, l’origine et la condition des vertus

Bref, la justice, qui réside dans l’ordonnancement convenable des choses, est donc, chez Platon, le principe commun qui fait naître et permet d’exercer les vertus de tempérance, de courage et de sagesse qui sont nécessaires pour rendre la Cité parfaite.

NB : Il faut bien remarquer que justice sociale et justice individuelle s’entremêlent sans cesse, sont intriquées l’une dans l’autre. Elles sont chacune condition de possibilité de l’autre.

La cité ne peut être juste que par la justice des individus qui la peuplent et la dirigent . Pour que la justice règne, il faut que nous soyons tous moraux.

4) Critiques, ou difficultés de cette thèse :

a) Normalement, justice a à voir avec la relation de chacun avec les autres.

Ici, une cité juste ne l’est pas par la relation qu’elle entretient avec d’autres cités, mais par la relation des trois parties qui la composent.

L’individu est juste selon son état intérieur, et pas selon son comportement avec les autres ! ? Pourquoi serait-on juste pour la seule raison qu’on fait des projets pour sa vie considérée comme un tout, au lieu de satisfaire ses désirs au gré de leur venue ?

b) on peut être juste en ce sens et pourtant faire main basse sur le bien d’autrui

On peut d’ailleurs penser à une telle personne sans immédiatement se dire qu’elle ne fera jamais le mal ; sans se dire qu’elle n’est pas égoïste, etc. !

c) Dans la cité juste, seuls les Gardiens sont justes ! ?

But cité ou politique = éducation morale ! Or, finit par abandonner celle de tous mais seulement des gardiens et au bout du compte, les citoyens seront presque tous justes… de mauvais gré !

Seul recours au final : la tromperie de la part de celui ou ceux qui gouvernent, cf. communisme et noble mensonge ! ! ! Noble mensonge : nous avons une nature commune, car nous sommes tous enfants de la terre, tout en étant différents (on contient différents « métaux »)

Conclusion : la justice est-elle « payante » ? est-elle quelque chose qu’il vaut la peine de posséder en elle-même ?

Oui, car elle répond à ce qui dans la nature humaine est important : elle est l’assouvissement des besoins fondamentaux de chacun (mais attention ! cela ne signifie pas du tout qu’elle réponde à tous les désirs que chacun peut avoir à un moment donné).

C- Condition de possibilité ultime de cette Cité idéale et de la réalisation de la justice autant dans la cité que dans l’individu : le communisme (III, IV), le philosophe-roi

1) le communisme (description de la cité juste)

- collectivité de la propriété
- suppression des familles nucléaires

But : renforcer l’unité de la société (pour lui, une cité est une unité dans laquelle il n’y a pas de groupes en conflit radical), habituer les gens à considérer leurs intérêts propres comme étant les mêmes que l’intérêt du tout. (NB : Platon veut tout simplement supprimer les conflits d’intérêts, non pas les prendre en charge).

2) le philosophe, ami de la vérité et de la sagesse (fin V, VI, VII)

- fin livre V : à quoi reconnaît-on un philosophe ?
- livre VI : le philosophe doit gouverner ; qu’est-ce que le naturel philosophe ? celui qui sait et qui se conduit bien ; conception moraliste de la vérité ou intellectualisme moral
- livre VII : allégorie de la caverne ; programme d’études du philosophe (à partir de la page 280)

3) critique de la démocratie (livres VIII et IX)

En effet, la thèse selon laquelle le philosophe doit gouverner, implique que la politique est objet de science, et une critique du gouvernement populaire (cf. p. 251 : il est impossible que le peuple soit philosophe).

Ainsi, dans le livre VIII, Platon montre bien que la démocratie est une des maladies qui affecte la cité idéale.

De quoi s’agit-il dans le livre VIII ? Analyse des cinq formes de gouvernement et pourquoi nécessairement chacune d’entre elles finit toujours par dégénérer. Chaque forme de gouvernement correspond à un type d’homme/ d’âme. But de cette analyse : répondre à la question de savoir si la justice et l’injustice agissent sur le bonheur et le malheur de l’individu.

Cf. 557 b : définition de ce gouvernement : liberté/ licence. Type d’hommes : très variés, parce que chacun vit comme il lui plaît. Anarchie dans les désirs.

A la fin du livre VIII (562a sq), Platon montre que la démocratie finit toujours par se transformer en tyrannie. Elle porte donc celle-ci en germe. L’homme démocratique est voué à devenir un tyran.

III- Réponse à question liens justice-bonheur : l’homme le plus injuste est aussi le plus malheureux

NB : Platon décrit différents types d’hommes injustes dès le livre VIII. On y voit ce qui arrive quand la raison ne gouverne pas dans l’âme, et quand cette dernière est dominée par le désir.

A- Le tyran (livre IX)

- cf. question directrice de l’œuvre : être juste rend-il heureux ? ou bien être heureux consiste-t-il à satisfaire tous ses désirs (ce qui est la même chose qu’être injuste) ?
- Cf. fait que le propos de Socrate est de montrer qu’il est payant d’être juste et que l’injustice entraîne la misère intérieure ; or, le tyran (celui qui exerce injustement un pouvoir absolu) = l’opposé de l’homme juste
- La conception eudémoniste du bonheur
- La tripartition platonicienne de l’âme et la place des désirs

• Le tyran, esclave de ses désirs et donc de lui-même


D’abord, le tyran est celui qui ne trie pas ses désirs. Ensuite, un seul désir devient dominant, Eros. L’âme du tyran est l’esclave d’un seul désir dominant, l’Eros, qui engendre un état de besoin insatisfait chronique, aucune partie de l’âme ne pouvant accomplir sa fin propre. L’âme du tyran est gouvernée par une partie qui n’a aucune idée de son bien propre, ni de celui de l’âme considérée avec toutes ses parties. Loin d’obtenir ce qu’il veut, c’est le contraire qui se produit.

• Le tyran, esclave des dominés


Le tyran est incapable d’amitié, de confiance. Se méfie de tout le monde. C’est un être terrorisé par les autres !

B- Le mythe d’Er (fin livre X)

Deux problématiques :
• Quel genre de récompenses peut attendre l’homme juste
• Sommes-nous libres ou déterminés ? Si nous sommes méchants, est-ce de notre faute ?
• Question du choix de vie

Plan de la fin du livre X :


1) 608c-612a : preuve de l’immortalité de l’âme
2) 612a-614a : les récompenses de l’homme juste dans cette vie
3) 614a-621d : les récompenses de la justice dans l’au-delà

Dans cette dernière partie, Platon cherche à montrer que les récompenses de la justice dans cette vie sont d’une importance mineure en comparaison de celles qui attendent l’âme après sa mort.

Mythe d’Er : un homme, à qui il a été permis de voir le monde souterrain et d’en revenir, raconte ce qui arrive après la mort. Les âmes sont récompensées au ciel ou punies dans le monde souterrain en fonction des actions accomplies par la personne sur terre ; après un laps de temps défini, elles s’incarnent à nouveau et choisissent la vie qu’elles vont mener. La façon dont elles se prononcent dépend des options disponibles (elles ne peuvent choisir que parmi un nombre limité de vies), et aussi de la manière dont elles ont su tirer la leçon de leurs incarnations précédentes, et de leurs résultats.

Problème : n’est-il pas vain d’essayer d’être juste dans un tel univers, dans lequel justice et injustice s’équilibrent ?

• les gens très malfaisants sont torturés éternellement, sans jamais s’améliorer ; le monde souterrain de Platon est un Enfer sadique, pas un purgatoire (pas d’amélioration possible ?).
• même en vivant le plus justement possible, on pourra être injuste dans une vie future

Signification : cf. « chacun est responsable de son choix, le dieu est hors de cause » ; veut montrer que l’homme forge son caractère, mais qu’en même temps, ce caractère pèse sur lui.

Ce mythe dramatise les enjeux des choix que nous devons effectuer maintenant. P. ne suggère pas sérieusement que nous avons vécu d’autres vies et subi leurs conséquences au ciel comme en enfer, mais seulement que nos décisions, bien qu’elles reflètent forcément le caractère que nous avons déjà (620a), reflètent également la conscience que nous avons du genre de vie que nous choisissons de vivre, et de ses résultats.

Les choix que nous faisons de jour en jour déterminent le genre de personnes que nous sommes, et une personne sage choisira en gardant cela à l’esprit. Les choix que nous faisons nous rendent responsables de ce que nous sommes. Nos choix peuvent dans une certaine mesure s’expliquer par nos vies passées, qui n’étaient pas entièrement sous notre contrôle et sont limitées par de nombreux facteurs ; mais, en dernière instance, la décision nous appartient et nous ne pouvons jeter le blâme sur personne d’autre. Il nous faut vivre avec ses conséquences.

Pourquoi pas de déterminisme ? (cf. tirage au sort qui détermine notre ordre de passage) Parce que :

• le nombre de vies est très largement supérieur à celui des âmes présentes
• « même pour les derniers venus, s’ils font un choix sensé et persévèrent dans la vie choisie, il est une condition aimable et point mauvaise »

Si l’homme bon n’échappe pas toujours au mal, c’est que l’amour de la sagesse n’est pas une garantie de salut face aux problèmes et aux tragédies de la vie.

Problèmes ultimes :

• on choisit une fois pour toutes la vie qu’on va mener ! Pourquoi ne pourrions-nous pas être ce que nous choisissons d’être à chaque instant ? –En tout cas, le choix est irrévocable.
• Platon nous persuade finalement d’être juste seulement en nous montrant que c’est payant ! La justice n’est donc peut-être pas bonne pour elle-même si on ne trouve aucun argument véritablement convaincant !

Conclusion : Comparaison avec Machiavel (rapports politique et morale)

Le Prince de Machiavel est, contrairement à la République, une conception réaliste de la politique. Le Prince est un ensemble de conseils destinés à celui qui veut prendre le pouvoir, et le maintenir. L’art politique consiste à sauvegarder l’Etat, à le maintenir dans la durée. Pour M., cela nécessite une approche pragmatiste de la politique. Cf. chapitres 15 à 18.


• Il faut tenir compte de la nature humaine (ne pas vouloir la changer)
• L’espace social et politique est celui de l’apparence ; le prince doit se soucier de son image (il ne faut pas la fuir !)
• Les vertus politiques ne peuvent pas s’aligner sur les vertus privées :
• Ce serait la perte de l’Etat, la non reconnaissance de ce qu’est la politique (vouloir se soucier du salut de son âme est incompatible avec le fait de gouverner car parfois il faut avoir le courage de prendre des décisions immorales, si l’intérêt de l’Etat l’exige) ; cf. Max Weber, Le métier et la vocation de savant (1919)
• La seule valeur est celle de la conservation du pouvoir, l’efficacité ; en politique, il n’y a que le résultat qui compte
• Cf. chapitre 18 : « il faut savoir user de la bête » : se montrer tantôt lion, tantôt renard (force et ruse) ; il n’est pas toujours nécessaire ni souhaitable d’être moral ; il faut le paraître par contre !
• Attention : Ce n’est pas du tout du « machiavélisme »! le prince n’est pas un tyran qui satisfait seulement son intérêt propre

 

 

Accueil > Cours > Cours politique et morale chez Platon page 1 | 2 | 3 | 4 |
© Philocours
Accueil | Haut de page