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Accueil > Cours > Cours Nietzsche, Humain trop humain
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Nietzsche, Humain, trop humain (1878)

page créée le 10/10/2007

 

 

Résumé: je propose ici des articles, un glossaire, des notes de lectures, etc., afin de vous aider à lire Nietzsche

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La critique de la civilisation occidentale, qui est idéaliste

Ligne générale de l’ouvrage : il se présente comme « un livre pour esprits libres »

Le rapport à Hegel

Nietzsche, un philosophe des Lumières ?

La genèse des sentiments moraux

La généalogie

La référence à La Rochefoucauld

Le rapport à Kant

Aphorisme 39 : généalogie de la liberté morale

Aphorisme 42 : la morale comme estimation de la vie

 

 


  • La critique de la civilisation occidentale, qui est idéaliste

(1) ce livre correspond à un moment commémoratif d’une crise (il abandonne son professorat à Bâle et vient de rompre avec Wagner). Il s’agit de présenter quelque chose de neuf, et d’abord, de démasquer tous les supports de la civilisation occidentale, qui est dans tous ses aspects idéaliste.

(2) critique de l’idéalisme qui renvoie au concept pratique d’idéal, pas à l’Idée (cf. l’idéal ascétique dans la troisième dissertation de la Généalogie de la morale). L’idéal est critiqué en tant qu’il conduit à une mystification de l’action. Quelles que soient les versions de l’idéalisme, elles ont en commun de prendre pour haut ce qui est bas, pour divin ce qui est humain, etc. La subversion, c’est ce qu’a effectué toute philosophie et toute culture depuis Socrate et Platon. Il dénonce comme subversif tout ce qui a été accompli par les hommes dans la civilisation

(3) la libération : l’esprit libre s’est libéré en disant « non » à la culture. Il y a une affirmation au cœur de la négation ; on accède au oui par une négation préalable, mais pas en un sens dialectique. Il s’affirme comme être libre et solitaire. Cf. Dans Zarathoustra, 3, les métamorphoses de l’esprit. L’esprit libre s’affirme comme unique, souverain, solitaire. Cette prise de position de soi est une reprise (pas création mais retour du même). La reprise consiste à se retrouver dans le mouvement de l’éternel retour du même. Mais Nietzsche n’est ni individualiste ni subjectiviste; il est philosophe de la volonté de puissance, i.e., de la vie (accents cosmiques de ce concept). La subjectivité est à replacer dans ce mouvement de l’éternel retour du même.

(4) livre de combat, d’affirmation (guerre menée contre toute version de l’idéalisme, et méthode du gel). Il s’agit de geler l’idéal, de le paralyser, de le masquer. Ce n’est pas un examen ou une discrimination, ni une épreuve dialectique à laquelle l’idéal se trouve soumis. Epreuve de la sélection naturelle : si on peut le faire geler, c’est une preuve de sa fausseté. Mais si c’est impossible ? Question non pertinente : si on ne peut faire geler tel type de conduite, c’est que c’était une conduite affirmative et active. L’épreuve de l’engourdissement par le gel sert donc de révélateur pour déceler l’idéal. Selon ce texte, rien n’y échappe –ni Voltaire ni Descartes. Cf. méthode de la torpille dans le Ménon de Platon, qui elle aussi est métaphorique. Dans le cas de Nietzsche, c’est au platonisme d’abord que s’appliquerait l’épreuve du gel.

(5) livre médian : il signifie un passage ; il n’y a pas la découverte ; existence solitaire de Nietzsche Rejet de Wagner et de Schopenhauer.

  • Ligne générale de l’ouvrage : il se présente comme « un livre pour esprits libres »

C'est-à-dire que la recherche de la vérité est une route pour la liberté. Cf. Voltaire et Descartes, présentés comme les plus grands libérateurs de l’esprit.

    • Cette référence à des auteurs du passé, considérés comme des types, est un signe du 19e. Cette marque, on pourrait la rattacher à Hegel.

En effet, pour lui, l’histoire se lit comme le développement ou déroulement d’une série de figures qui passent les unes dans les autres. Hegel n’est lui-même que la dernière figure qui réconcilie, qui révèle, dépasse, les figures précédentes. Cependant, Nietzsche n’a pas cette intention d’intégration de tout le passé culturel, dans une vision unitaire, réconciliée, de l’esprit. Il a au contraire une intention corrosive. Ainsi, s’il invoque Voltaire et Descartes, c’est à titre polémique. Mais, face à la perversion de la culture allemande, la culture française a au moins le mérite d’exister.

Ce procès de composition est reconnu aussi comme un acte psychologique. Voltaire, pour Nietzsche, c’est déjà Nietzsche lui-même, de même que dans la 4ème Inactuelle, quand il écrit « Wagner » c’est « Nietzsche» qu’il faut lire. C’est un procédé de substitution/ identification ; dans l’écriture, on s’identifie à l’autre, et même, on identifie l’autre à soi pour parvenir à sa propre identité. Tout le travail de l’écriture se comprend comme un mouvement vers soi.

Jamais Hegel n’aurait pu prononcer de telles phrases : sa subjectivité est à subordonner au concept. Le problème de Hegel est l’identification à l’époque : il réconcilie son temps dans la pensée, et s’y identifie, au sens où il le fait parvenir à sa réalité effective comme réconciliation de l’être-là historique et de la pensée de cet être-là. D’autre part, il s’identifie lui-même comme penseur de son temps, celui qui porte son temps à son accomplissement. L’acte philosophique est lui-même activité d’accomplissement. Pour Hegel, il y a une valorisation du temps présent, vers lequel tout tend. Pour Nietzsche, la notion d’esprit du temps est un nouveau subterfuge. L’esprit du temps, c’est toujours l’esprit allemand. Cf. Préface de Humain trop humain (ce n’est pas un livre pour les allemands). L’esprit du temps est seulement un esprit grégaire.

    • Nietzsche, un philosophe des Lumières ?

Considérée à part, la référence à Voltaire est trompeuse. En effet elle peut faire croire que Nietzsche adhère à l’Aufklärung, que la liberté serait libération par l’intellect. Or, nous savons aussi que Voltaire n’est pas l’interlocuteur de Nietzsche mais le symbole d’une certaine étape : celle de la confiance en la vérité qui est d’abord un doute à propos de tout ce que l’on a cru.

Nietzsche est un Aufklärer au sens de Kant. Cf. Qu’est-ce que les lumières ? Pour Nietzsche, cette libération des ténèbres, toutefois, la raison est incapable de l’opérer. La raison est froide, c'est-à-dire, du côté du gel. La raison met les idéaux à l’épreuve de la glaciation, du froid. La raison est faible, en tant qu’elle est incapable de créer des valeurs nouvelles (PBM 260) ; elle ne crée rien. L’Aufklärung oublie ou masque la puissance qui est celle de Dionysos –qui réapparaîtra dans les derniers textes mais qui est ici absente (il n’y est que négativement).

Cf. Dythirambes à D. (1888). L’Aufklärung est opposée à la puissance de D.

Cf. Aphorisme 638 : livre comme moment d’un voyage qui ne tend pas vers un but dernier (car il n’y en a pas). La part vagabonde = Dionysos ? Moment d’un voyage ; passage de l’apologie de Wagner à l’affirmation. Pour Nietzsche, en suivant la raison, nous avons l’assurance de parvenir au terme du voyage. Nietzsche, lui, déclare qu'il n'y a pas de terme au voyage. Ce qui manifeste le caractère intermédiaire du livre. Ici, schème d’un parcours.

 

  • La genèse des sentiments moraux

Projet : devenir un moraliste de son temps, un nouveau Pascal. Cette entreprise renvoie à l’aphorisme 214 (T. II). A partir de l’aphorisme 35, N. s’engage dans une interrogation sur les sentiments moraux. La psychologie n’est pas une science objective mais elle réfléchit sur les mœurs dans le cadre d’une anthropologie. Propos : histoire des sentiments moraux, généalogie. Le terme ne figure pas toutefois, ou il n’est en tout cas pas fréquent. Terme, ici, le plus topique. Reprise d’une tâche ancienne : ce qu’il fait est ce que certains ont fait ou mal fait. Pour N., manière de connaître le retour du même. Ce n’est pas une entreprise neuve mais une reprise de celle des moralistes. La Rochefoucauld est cité.

  • La généalogie

Cette tâche de généalogie est un art de l’analyse et de la combinaison psychologique. Acte de déceler par un travail herméneutique, un sens second sous le sens apparent (recherche du lieu le plus profond). Histoire comme herméneutique : chercher vers l’origine. Psychologie, également, des caractères (tâche typologique).

Trois significations de la généalogie :


1) genèse, histoire (des origines)

2) typologies, toujours duelles (haut/ bas, noble/ vil, fort/ faible). Mais pas d’alternative ou d’exclusion : plutôt des degrés de force et de faiblesse. Cadre d’évaluation, avec une échelle

3) critique : ce qui donne un critère (c’est l’origine elle-même qui constitue l’élément critique ; pas besoin de finalité car la puissance est à l’origine)

Doit aider à décharger des fardeaux (cf. 3 métamorphoses – la culture s’est chargée)

 

  • La référence à La Rochefoucauld

N. invoque la figure de La Rochefoucauld face au vide culturel de l’Allemagne. Il est présenté comme philosophe artiste. Il présente sa pensée avec art, parce qu’elle est un art, l’art d’écrire. La philosophie comme art est quelque chose de pratique. Pour N., ce dont il faut se libérer, c’est d’abord de la modernité. Dans cet aphorisme, appréciation positive de L.R. , renforcée dans le 36 où N. invoque une de ses sentences à propos de la vertu. Il est prédécesseur de N., en tant que généalogiste de la morale.

Il réfère aussi à P. Ré, psychologue et ami de N.

Dans l’aphorisme 36, N. met l’accent sur les dangers de cette recherche. Dilemme entre vérité scientifique et sécurité de la vie. L’erreur psychologique est pourtant un élément de stabilité de la société; la vérité, en étant corrosive, comporte des dangers. Il considère que nous entrons dans une ère de bouleversements dont il ne sait si elle sera bénéfique pour l’humanité.

L’activité de généalogiste doit être appliquée à tous les sentiments moraux, de sorte qu’il n’y a pas de science morale. Pour N., La Rochefoucauld est comme un tireur qui a visé juste : il a vu qu’il fallait aller aux sous-bassements, a vu le noir de la nature humaine.

Dans Aurore, N. dira que L.R. n’est pas allé assez loin (cF ; 103). C’est capital pour situer le point de vue de N. sur la morale.

  • Rapport à Kant

la signification des fondements de la métaphysique des mœurs est pour ce dernier à chercher le sens/ source de l’acte moral dans la raison. Pour N., il faut chercher l’origine du sentiment moral dans un jugement, un acte d’approbation. Ce sont deux points de vue extrêmes au sens où la différence est de genre. Il y a une autre position, moins radicale, qui est interne au genre : recherche des genres de la vie morale. Dans ce genre, auquel appartient L.R., il n’a pas été radical. C’est bien, par rapport à Kant, une attitude de corrosion de la moralité.

  • Or, dit N., il y a deux manières de nier la moralité :

1) timorée (on la nie sans vraiment la nier) ;

2) sceptique : on nie les motifs éthiques avancés, on montre que la moralité n’est qu’une affaire de mots en dévoilant ce qui se cache sous ces motifs prétendus

1) la moralité est une façade ; travail d’élaboration qui consiste à creuser, et à rendre acceptables, vivables, des conduites qui pourraient rendre la vie invivable, inacceptable. Mais ce n’est qu’un effet de surface. Egalement, il est utile que ce moraliste classique démonte le mécanisme. Mais sa faiblesse est de s’en tenir là. Il porte bien un regard caustique sur l’expression des sentiments moraux qui sont une duperie … mais, toutefois, nécessaire. Il n’interroge pas sur l’origine de ce sens.

2) L.R. sert de marche sur son échelle d’analyse des sentiments moraux. La différence est que l’analyse ne porte plus sur les motifs présentés mais sur des jugements. Les jugements éthiques ne sont pas les parures des actions mais leur cause et ils reposent sur des erreurs. Une erreur qui a comme conséquence certains jugements éthiques qui eux-mêmes ont des résultats sur l’action. Jugement erroné = à la racine des mœurs.

Inversion de la direction de l’invetsigation. Nier la moralité, c’est nier cette alchimie. Ce qu’il faut analyser, ce sont les sentiments moraux. Dans toute conduite ressentie comme morale ou immorale on trouve toujours un rapport à la vie. La question n’est pas de changer les conduites, qui sont perverses, mais la perversion = au niveau des sentiments moraux. Nous devons travailler à changer notre façon de sentir. L’aphorisme qui suit est capital car il rejoint la thèse selon laquelle tout est appréciation.

Naturalisation de la morale : toutes les conduites, tous les types de jugements, sont en fin de compte à rapporter à la nature, à la vie. On peut aussi bien dire qu’il y a une moralisation de la nature, que toute vie est de l’ordre des valeurs. Cette moralisation devient donc une esthétisation. Ultimement, la valeur est de l’ordre du jeu (cf. musique et danse). Cf. réduction de la morale à l’esthétique. Mais le concept de valeur est pluriel. Il est tout de même le concept de jeu.

 

  • Aphorisme 39 : généalogie de la liberté morale

Généa-critique, i.e., décomposition d’une pratique. Exemple tout à fait paradigmatique de la pratique nietzschéenne. Analyse d’un enchaînement de dérivation. Comment la vie morale, identifiée à la conduite responsable, a-t-elle pu supposer la liberté comme pratique ?

N. analyse les 5 étapes qui jalonnent cette mutation.

(1) phénomène de langage : les termes bon et mauvais qualifient des attitudes originaires mais on les dévie de leur sens premier (nuisible et utile) = première subversion/ déplacement

(2) confusion origine et conséquence : on abstrait une qualité du phénomène où il se réalise et on l’abstrait de son support. Bon = « le » bon (désigne non un effet mais la réalité de l’acte). Ce qui était une qualité devient un substantif admis comme le support.

(3) la cause passe dans le motif des actes : les racines sont désignées comme bonnes/ mauvaises ; la subversion est presque complète

(4) la cause est généralisée : ce n’est pas un acte ou un motif qui sont bons, mais l’être qui les pose. La responsabilité vise les effets, les conséquences, et rétrospectivement les actions qui les ont provoqués ; puis les motifs ; puis, les individus qui ont porté ces motifs. Le fait que nous ayions les notions d’un bon/ mauvais comme tels s’explique par une telle mutation

(5) l’illusion se dévoile : qu’est-ce que cet être substantiel soi-disant totalement responsable ? Le résultat de l’enchevêtrement de tous les phénomènes du passé. Ici, dénonciation du sujet-substance. On reconnaît que cette substantialisation du sujet n’est que le fruit de ces déplacements. C’est la liberté et la responsabilité qui apparaissent comme illusoires.

 

Aphorisme 42 : la morale comme estimation de la vie

Deux points distincts :

1) thème banal des variations en morale
2) qui fait de la morale une estimation première

Dans une philosophie de ce type qui est dite herméneutique, on se donne toujours raison. A la limite, plus de débats philosophiques, car chaque philosophie se voit renvoyée à elle-même.

Toute morale est estimation de la vie. Elle ne fait que prendre acte des valeurs d’une époque. La morale n’est pas première pour un peuple. En toute société il y a une certaine manière d’évaluer, de se rapporter à la vie. La morale d’une société est une hiérarchie, celle d’après laquelle un peuple vit. En deça des doctrines morales, quelquechose renvoie à la vie même (VP). Elle exprime l’égoïsme comme morale établie sur les préférences de chacun. Chacun a sa propre manière d’apprécier. Or, cet égoïsme se présente comme tout autre : il se donne comme visant les valeurs les plus hautes. Derrière cette justice, raisonnable les instincts de chacun s’affirment …La pluralité des formes d’appréciation renvoie à un schéma actuel. L’immoral est arriéré car il continue à estimer comme on estimait dans une société révolue. C’est le dépassé, aux yeux de cette société. Mais qu’en est-il de la valeur de cette appréciation ? Et si le progrès de l’histoire était seulement une perversion ? Cf. thème du nihilisme : critique, comme déconstruction, refus, de la modernité. Entre morale et immoralité, tout n’est affaire que de degré : tous deux sont des évaluations selon le bien et le mal. Mais, relation de continuité. La qualification de la pensée de N. sur l’éthique est d’essence biologique.


 

 

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