Nietzsche, ici, se sent investi d’une mission pour son temps
; ce qui est plus nouveau, c’est la conviction de devoir
et de pouvoir partir du détachement à l’égard
de la morale et de la métaphysique européenne pour
provoquer un changement radical de civilisation. Sa philosophie
veut devenir le principe d’une nouvelle humanité
historique. Le philosophe est à partir de là pensé
comme un législateur, un créateur de valeurs, qui
prétend fonder une nouvelle histoire.
Souci
d’une efficacité politico-historique : il ne veut
plus seulement critiquer les erreurs de la morale et de la religion,
mais aussi légiférer en vue d’une nouvelle
humanité (retour aux oeuvres de jeunesse)
C’est un “livre pour tous et pour personne”
: il n’est pas réservé à des techniciens
intellectuels mais il s’adresse à n’importe
qui; mais pas au vulgaire, donc, aussi, à personne (cf.
lettre à Gast, 2 avril 1883)
Nietzsche
annonce en paraboles une suite de réévaluations
de la pensée métaphysique, qui transforme le diagnostic
de la culture moderne en une recommandation de la manière
dont il faut en sortir. On peut dire que Zarathoustra pense et
vit les idées centrales de la pensée nietzschéenne.
C’est
une sorte de cinquième évangile anti-chrétien.
Cf. fait que les traits principaux en sont la mort de Dieu et
l’enseignement du surhomme -qui est un renversement radical
du dogme de l’homme-Dieu. Ce cinquième évangile
entend nous sauver du “sauveur” des temps passés,
et la tentative d’assimiler l’homme au caractère
universel de la vie du monde remplace l’imitatio christi.
Enfin, en proclamant qu’il faut rester fidèle à
la terre, il instruit une existence sans transcendance (plus aucun
Dieu ne lui commande ce qu’il doit faire : il n’y
a plus de fardeau de sa conscience de culpabilité et d’obligation
envers l’existence).
Zarathoustra
est le prophète de l’éternel retour. Au début,
il annonce la mort de Dieu; puis, il passe toute sa vie à
méditer sur le passage entre le dernier homme
(celui qui n’arrive pas à faire le deuil de Dieu)
et l’avenir de l’homme, le surhomme.
Cet éternel retour qu’il annonce, se présente
dans les livres II et III (De la rédemption et De la vision
et de l’énigme).
PROLOGUE
Zarathoustra
rencontre un vieillard, un saint homme en train de chanter la
louange de Dieu, sans savoir que son maître n’est
plus parmi les vivants.
LIVRE I
S’ouvre
sur un “idéal”, celui de l’enfance -idéal
devant lequel Zarathoustra est encore réticent.
L’enseignement
de Zarathoustra dénonce les idéalistes de toute
sorte, qui voient leur spiritualisme sous l’éloge
critique de la chasteté ou l’amour du prochain. La
critique n’attaque pas seulement la morale et la religion
mais aussi les idéologies politiques, l’idolâtrie
de l’Etat, ou la démagogie des mouches de la place
publique.
Mais
en même temps, Zarathoustra énonce certains aspects
positifs de l’acte créateur, qui donnent sens aux
valeurs telles que la guerre, l’amitié, le mariage,
la mort. Le livre I s’achève sur la précision
de l’acte créateur comme donateur.
LIVRE II
C’est
le même enseignement, mais, “mais dispensé
par d’autres harmonies et modulations”. Mêmes
adversaires (ie : les mystificateurs de la morale, de la philosophie,
de la science, de la poésie, la religion, la politique,
hommes et institutions -Eglise, Etat, populace).
Mais, il thématise davantage certains aspects de l’acte
créateur : la volonté de puissance, la liberté,
la libéralité, l’amour, l’assentiment
actif à la mort, les expériences mortelles, les
danses au-dessus des abîmes.
Dans
le livre II, il y a affirmation du passé tel qu’il
s’est passé (ce qui s’oppose à la rédemption
chrétienne); idée qu’en affirmant le temps,
on s’en délivre.
De nouveau, Z va retourner à sa solitude, car est toujours
réticent devant l' enfance.
LIVRE III
Nietzsche
reprend ici la critique des idéologues modernes, dont l’esprit
de poids est le commun dénominateur, et dont il est à
redouter qu’ils ne cessent de revenir à la surface
de nos sociétés. Il expose à nouveau les
figures de l’acte créateur et donateur, de plus en
plus vénérateur. Mais, c’est ici que la pensée
de l’éternel retour effraie par instants Zarathoustra,
et le met aux bords de la détresse.
Dans
le livre III, apparaissent plusieurs figures :
Mais
problème : qui est cet homme qui rit et qui danse? -En
fait, cet homme n’est pas encore venu, il est notre avenir
(celui qui vient).
LIVRE IV
L'insistance
sur la typologie des hommes inachevés est frappante.
A
la fin, Zarathoustra se retrouve seul, ayant enfin compris qu’il
n’est personne aujourd’hui qui puisse le suivre, et
que ces “hommes supérieurs” sont un monde mort,
pour lequel toute pitié est lâcheté.
La signification du livre est donc que pour que nous puissions
continuer à vivre après la mort de Dieu, une transformation
de l’homme prétendument actuel ou chrétien
et son dépassement vers le surhomme, sont devenus indispensables.
Il
rencontre ici un autre saint que celui du prologue, le dernier
pape qui, lui, connaît déjà la nouvelle
de la mort de Dieu, et qui pour cela se retrouve à la retraite.
Au cours de l’entretien, le vieux pape appelle Zarathoustra
“le plus pieux de tous les impies”.
Zarathoustra,
qui se nomme le “sans-dieu”, s’élève
quand s’achèvent le déclin et la déchéance
de Dieu.