Pour
N., c’est avec Socrate que commence la décadence
de la philosophie : au lieu de se fier à la sûreté
du corps et à ses instincts, il a préféré
la raison et la dialectique, ie, il a réprimé la
nature, et sur-estimé la raison.
Socrate n’est donc pas, et c’est là la “leçon”
de Origine de la tragédie, un commencement, mais
une fin, laissant dans l’ombre ce qu’on juge être
la véritable tradition héllénique, la lignée
dionysiaque, de Théognis à Eschylle.
On peut dire que Nietzsche a fait de Socrate le contre-type de
sa philosophie.
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La naissance de la tragédie.
C’est lui qui s’oppose au tragique, ou par lequel
le tragique meurt (et non pas Apollon!). Opposition du non et
du oui, de la négation de la vie et de son affirmation.
Il apparaît comme étant le complice d’Euripide,
en tant qu’il a voulu corriger le réel, le manque
de clarté consciente, la puissance de l’illusion;
il est le “phénomène le plus équivoque
de l’antiquité”.
Le schématisme logique triomphe donc ainsi que ses actes,
qui sont défendus par des motifs et des contre-motifs.
Il est défini par un étrange renversement, dans
le par.13 : “l’instinct
devient critique, et la conscience créatrice”
; cf. aussi par.15 : en étant l’homme théorique,
il est le seul vrai contraire de l’homme tragique -de l’artiste.
Alors en effet que l’artiste aime la vérité
cachée, l’homme théorique se complait dans
la découverte de la vérité.
Socrate ne croit pas que la tragédie puisse dire la vérité.
Les zones dionysiaques de la tragédie disparaissent à
jamais sous l’optimisme de la dialectique.
Toutefois, comme le montre Deleuze (p.15), ce thème ne
se développe pas ici librement -ceci du fait que l’aspect
affirmatif de la tragédie n’est pas encore suffisamment
dégagé. Avant donc que cette vraie opposition puisse
se dégager, il faudra d’abord que N. estompe ou même
fasse disparaître l’opposition D. et A.; et également
qu’il cesse de considérer S. comme une sorte de héros
typique. La négation de la vie ne trouve pas encore, ici,
toute sa force dans S.
La civilisation socratique est celle de l’opéra.
Préface, 1 : le “socratisme de la morale” (a
tué la tragédie)
p.80 : socratisme esthétique
p.82 : Socrate comme “deuxième spectateur qui ne
comprenait pas la tragédie antique”
p.83 : adversaire de Dionysos
p.91 : type de l’homme théorique
p.103 : “Socrate musicien”
p.140 : l’optimisme socratique
cf. “le problème de Socrate”.
Socrate a inventé dans la pensée occidentale l’évidence
du mal -par là on voit que la cible de Nietzsche est le
Socrate mis en scène dans le Phédon, et
dans la République. Le Socrate de Nietzsche ne
se présente pas comme le fondateur du discours éthique
mais comme étant en rapport avec l’extase religieuse
et la révolte qu’elle traduit. N. privilégie
donc chez lui le dualiste.
Il affirme l’existence radicale du mal ; contre laquelle
l’âme va se révolter, en inventant une autre
vérité, celle du monde intelligible, monde du salut
et de l’éternité.
La dialectique de Socrate est essentiellement, pour N., un art
d’imposer sa volonté, et elle suppose que le vrai
doit être dévoilé (ie, elle le prend comme
une chose en soi).
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