Il
montre comment le contre-idéal d’une pensée
autre surgit du fond même du nihilisme. Ce n’est pas
un autre idéal, mais autre chose qu’un idéal
-en effet, toute pensée de l’idéal est dualiste,
cf.la métaphysique. Cette pensée métaphysique
a sa racine chez Socrate : tout dialogue est dualiste, en tant
qu’il est un rapport d’affrontement entre deux adversaires.
Cette méthode de dialogue accède au rang de théorie
chez Platon, qui le transforme en dualité sensible/intelligible.
La pensée dualiste a dominé la pensée occidentale
de Platon à Kant.
II- Explication du texte
6 étapes :
1) Platon et le monde vrai
Le monde vrai est accessible au sage, par l’ascèse.
La vertu consiste à se détourner du sensible, ie,
de la vie, du désir, et de l’immédiat. La
subversion initiale et radicale de la métaphysique est
celle du suprasensible et du sensible. Le monde vrai est celui
de la théoria, de l’identique. Avec Platon, la subversion-division
n’atteint pas sa forme ultime.
2) Progrès de l’identique
(suivi de décadence) : le christianisme
L’homme platonicien était sage et vertueux, mais
aussi, pieux. La pitié est l’acte de se soumettre...
Abaissement, dénégation de sa propre valeur, devant
un monde sacré; volonté de néant. Cf. Pascal
: l’homme religieux, pieux, est celui qui se mutile, s’humilie.
(pourtant, pensée de la hauteur).
Malgré l’affirmation selon laquelle le christianisme
est un “platonisme pour le peuple”, il n’y a
pas équivalence. En effet, alors que le suprasensible était
accessible, celui-là ne l’est pas maintenant, il
est juste promis aux pécheurs repentants. Le dualisme,
maintenant, est celui de l’intelligible et du suprasensible.
Le platonisme apparaît comme forme aténuée
du christianisme. Et, chez Socrate et Platon, c’est déjà
le christianisme qui émerge. Le monde vrai est irréductiblement
ailleurs, autre, que la vie ici-bas.
La rupture ici-bas/là-haut est totale, et accomplit la
subversion. Il fait donc voir toutes les conséquences du
platonisme en portant à leur apogée l’inversion
haut/bas et la coupure.
Pourtant, ce texte reste dualiste, puisqu’il affirme trois
attitudes hautes et trois attitudes basses.
Pas de progression linéaire ni dialectique : il développe
son origine en l’explicitant. C’est une histoire typologique.
3)
Le monde vrai et la philosophie kantienne
Monde inaccessible maintenant et pour toujours : le monde moral
est consolation, engagement, impératif. Le monde suprasensible
est le postulat de raison pratique, qui aide à vivre. On
ne peut rien dire de cet au-delà.
C’est une nouvelle forme de l’erreur, mais sans progrès.
Forme modernisée de l’erreur, ie, au goût de
la science.
La dualité est toujours aussi complète.
“Le
vieux soleil au fond” : Athènes, nommée à
partir de la brume de Köniksberg.
4) Le monde vrai et le positivisme (l’aube).
Ni
consolation, ni salut,ni obligation. S’applique à
l’idéalisme post-kantien. Il reproche aux positivistes
leur faitalisme. Ici, le positivisme = comme la propédeutique
de N. En effet, 1 2 et 3 se situaient dans position basse.
On
part de l’inaccessibilité du monde vrai en cherchant
les implications sur le mode d’un syllogisme. Mise en question
du monde vrai. Premier ébranlement : changement essentiel,
car la thèse du dualisme est abandonnée. Si N. se
réclame du positivisme, il s’oppose au culte des
faits.
Le
positivisme ne serait-il pas l’Aufklärung? Cf. Humain
trop humain, dédié à Voltaire...
5) Etape proprement nietschzéeenne : l’idée
d’un monde vrai est abolie (aurore)
Le
monde vrai est ici entre guillemets ; cela, afin de récuser
ce qui y est mis. C’est un acte de suspicion et de suppression.
Pour
N., une idée doit engager l’homme à quelque
chose ; or, l’idée d’un monde vrai est étrangère
à l’homme, elle n’est donc rien pour lui. Ce
qui n’engage à rien n’est rien pour moi, ni
n’est en soi. Affirmation du perspectivisme
et renversement de la subversion.
6) Avènement de Z. : le monde vrai
est aboli, ainsi que le monde des apparences
Fin
de la plus longue erreur. Ce qui est supprimé est une certaine
façon de penser. Il y a transformation du schème
d’appréciation, du rapport aux valeurs, retournement
du regard appréciateur de la vie. Le sensible est pensé
d’une manière nouvelle, non antagoniste.
Opposition surhomme-dernier homme : le dernier s’enfonçe
dans nihilisme, et vit passivement Le surhomme vit par-delà
la dualité bien et mal.
La
vie est référée au sensible, à la
lumière : cf.midi : Antiplatonisme ; le soleil comme premier
symbole de N. ; cf. NT : Apollon et soleil. Z : midi et éternité
; HH, I, 638. Il récuse le monde apparent et transfigure
le monde sensible par la lumière et la danse. Cf.plénitude
de l’instant.
La longue erreur du christianisme est la prétention au
monde vrai. La fin de celui-ci est cet inaccessible qui n’est
rien pour l’homme...
Résumé
On voit ici que l’histoire de l’erreur du monde vrai
a permis le phénomène Zarathoustra.
Les
étapes de l’histoire de l’erreur-vérité
montrent qu’elle a été d’abord platonicienne
: le “monde-vérité”, accessible d’abord
au sage, au religieux, au vertueux
Ensuite,
chrétienne : “le monde vérité”
inaccessible pour maintenant, mais promis au sage, au religieux,
au verteux.
Puis
kantienne : le “monde vérité” inaccessible,
indémontrable, impossible à promettre, mais une
consolation, un impératif.
Ensuite,
le positivisme le tient pour inconnu.
Chez
N. le monde-vérité comme Etre et le monde des apparences
comme néant sont supprimés, c’est le moment
de Zarathoustra, “la fin de l’erreur
la plus longue”. Le mythe de Z. signifie donc l’abolition
de l’erreur. L’homme qui connaît et accepte
sa contradiction profonde connaît l’amor fati, ie,
accepte et affirme la structure de Dionysos. Vouloir vivre esthétiquement
c’est vouloir vivre toutes les forces affirmatives.