La raison scientifique Galilée et l'expérimentation scientifique

Plan

I- GALILÉE A TROUVÉ LA LOI DE LA CHUTE DES CORPS EN EXPÉRIMENTANT

II- IL A FORGÉ SA THÉORIE AVANT DE RECOURIR À L’EXPÉRIMENTATION

1) Difficultés de cette conception :

a) Pas d’expérience sans idée préconçue.
b) La mathématisation de la physique et des phénomènes.

2) La loi de la chute des corps a été découverte par des raisonnements a priori et des expériences imaginaires

a) Galilée, l’héritier de Platon ?
b) La bonne physique se fait a priori
c) La raison sans expérience est pure sépculation.

CONCLUSION : IL FAUT DISTINGUER DEUX RÔLES DE L’EXPÉRIMENTATION, SI ON VEUT RÉPONDRE À LA QUESTION.

1) rôle heuristique (de découverte)
2) rôle de confirmation


Cours

I- GALILEE A TROUVE LA LOI DE LA CHUTE DES CORPS EN EXPERIMENTANT

Au premier abord, il semble que Galilée ait expérimenté pour découvrir ces lois. Ainsi, dans le Discours concernant deux sciences nouvelles (1638), plus précisément la troisième journée qui concerne la chute libre, Galilée décrit ses recherches sur le « mouvement naturellement accéléré » de façon empiriste.

Ainsi, à la question suivante d’un de ses protagonistes imaginaires, Simplicio (qui représente la science médiévale) : « Pouvez-vous nous dire si vos expériences donnent des résultats conformes à vos conclusions théoriques ? », le représentant de Galilée, Salviati, répond : « (Galilée) n’a nullement négligé de faire des expériences ; soucieux moi-même de m’assurer que l’accélération de des graves en chute libre s’opère bien selon la proposition que nous avons décrite, j’en ai plus d’une fois cherché la preuve expérimentale, en sa compagnie, de la façon suivante » . Il dit ensuite qu’il a fait une centaine d’expériences avec des boules et des plans inclinés. Voici ces expérimentations :

« Dans une règle, ou plus exactement dans un chevron de bois, long d’environ douze coudées, large d’une demi-coudée et épais de trois doigts, nous creusions un petit canal d’une largeur à peine supérieure à un doigt, et parfaitement rectiligne ; après avoir garni d’une feuille de parchemin bien lustrée pour le rendre aussi glissant que possible, nous y laissions rouler une boule de bronze très dure, parfaitement arrondie et polie. Plaçant alors la l’appareil dans une position inclinée, en élevant l’une de ses extrémités, d’une coudée ou deux au-dessus de l’horizon, nous laissions, comme je l’ai dit, rouler la boule en notant (…) le temps nécessaire à une descente complète ; l’expérience était commencée plusieurs fois afin de déterminer exactement la durée du temps, mais sans que nous découvrissions jamais de différence supérieure au dixième d’un battement de pouls. La mise en place de cette première mesure étant accomplie, nous faisions descendre la boule sur le quart du canal seulement : le temps mesuré était toujours rigoureusement égal à la moitié du temps présent. Nous faisions ensuite varier l’expérience en comparant le temps requis pour parcourir sa moitié ou les deux-tiers, ou les trois-quarts, ou toute autre fraction ; dans ces expériences répétées une bonne centaine de fois, nous avons toujours trouvé que les espaces parcourus étaient entre eux comme les carrés des temps, et cela, quelle que soit l’inclinaison du plan,i.e., du canal dans lequel on laissait descendre la boule».

Galilée, Discours concernant deux sciences nouvelles, 1638, Troisième journée.

NB : il faut encore préciser que pour mesurer le temps, Galilée utilisait un seau d’eau. L’eau s’écoulait par un orifice percé dans le fond, et était ensuite pesée à l’aide d’une balance très sensible. En comparant les quantités d’eau recueillies, il était possible de déterminer les différences de proportion entre les temps.

Objectif de cette expérience : confirmer que les espaces parcourus sont proportionnels aux carrés des temps.

On reconnaît ici la méthode expérimentale ou l’inductivisme : Galilée procède en effet de manière méthodique, en faisant varier les distances parcourues et les inclinaisons du plan ; par là, il recueillait des données multiples, qui étaient accumulées.

Mais Galilée a-t-il découvert ses principaux schémas théoriques grâce à l’observation ou à l’expérience ? Par exemple, a-t-il eu l’idée de l’isochronisme (balancement) du pendule en contemplant le balancement d’un lustre ?

 

II- IL A FORGE SA THEORIE AVANT DE RECOURIR A L’EXPERIMENTATION

1) Difficultés de cette conception :

a) Pas d’expérience sans idée préconçue

D’abord, on peut rétorquer que si Galilée a fait cette expérience, c’est bien pour répondre à une question préalable, pour vérifier une idée, une hypothèse, i.e., une manière de décrire le comportement des corps. On peut donc plutôt supposer que Galilée avait déjà sa théorie en tête.

b) La mathématisation de la physique et des phénomènes.

De plus, il faut savoir que à l’époque de Galilée, la « physique » n’était pas mathématique ; au contraire, on pensait que le réel était inconnaissable par les mathématiques, parce que le réel est qualitatif et les mathématiques se rapportent à la quantité. Il lui a donc fallu inventer des schémas très différents de ceux qui étaient en vigueur à son époque ; inventer des nouveaux concepts, un nouvel outillage mathématique, et, au bout du compte, un nouveau cadre général, une nouvelle conception de la nature (cf. fait que la conséquence ultime sera la croyance selon laquelle le réel est en soi mathématique) .

Comment pourrait-on affirmer que c’est la réalité qui lui a donné cette idée de mathématiser les phénomènes ?

 

2) La loi de la chute des corps a été découverte par des raisonnements a priori et des expériences imaginaires

C’est la thèse de Koyré, dans Etudes galiléennes (1935-1939) .

a) Galilée, l’héritier de Platon ?

Il va jusqu’à soutenir que Galilée est un héritier de Platon. Cela, pour deux raisons majeures : Galilée croit que la théorie exprime l’essence du réel, i.e., que le réel est mathématique ; et les idées théoriques ne proviennent pas de l’expérience, mais de notre raison : la science, comme chez Platon, consiste à penser, à spéculer. Cela, parce que, chez Platon, l’homme a en lui les vrais principes dela nature ; il suffit donc de rechercher en soi-même, pas besoin de recourir à l’expérience.

b) La bonne physique se fait a priori

Galilée aurait procédé comme suit : il s’est livré à un travail d’abstraction et de conceptualisation, il a analysé le réel en inventant audacieusement certains schémas et en critiquant toute une série de pseudo-évidences accumulées au cours des siècles

c) La raison sans expérience est pure sépculation.

Toutefois, comme a pu le montrer M.Clavelin, dans La philosophie naturelle de Galilée (1968), il est impossible de prouver que les physiciens ont la possibilité de trouver les principes, les théories et les lois, à la lumière d’une raison absolue et transcendante ; ça reste de l’ordre de la foi seulement. Certes, la raison joue un grand rôle et peut-être le premier rôle, mais l’expérience est nécessaire.

 

CONCLUSION : IL FAUT DISTINGUER DEUX ROLES DE L’EXPERIMENTATION, SI ON VEUT REPONDRE A LA QUESTION.

1) rôle heuristique (de découverte)

Suggère de façon plus ou moins directe une idée théorique nouvelle. (Expérience « pour voir »). Ici, il faudrait répondre que c’est grâce à des explorations expérimentales que Galilée a découvert la loi de la chute des corps

2) rôle de confirmation

Soigneusement conçue et préparée pour une fin précise, sert à confirmer une loi ou une théorie déjà formulée. Ainsi Galilée, possédant la loi de la chute libre, voulait savoir, par l’expérience du plan incliné, si la nature s’y conformait effectivement. Ici, aucune idée nouvelle n’était recherchée : Galilée se livrait seulement à un test.

On peut quand même penser que si les expérimentations n’ont pas forgé entièrement la théorie, elles l’ont quand même aidé à former sa théorie


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